Essentiel
De son regard pénétrant, Karl Stern voit «ce que serait une société organisée sur la base de principes prétendus scientifiques», et soulève le problème de l’euthanasie tel qu’il se pose hic et nunc et se posera pendant toute la durée de la vie humaine sur terre: pourquoi, au nom de quoi laisser vivre les incurables? Voici sa réponse: «D’un point de vue strictement pragmatique, en dehors de toute idée métaphysique de la personne humaine, il n’y a vraiment aucun argument à lui opposer. Nous, qui vivons dans un univers sans impératifs, nous accrochons à bien des principes formels qui sont un héritage du christianisme dont nous avons perdu la conscience - et non parce que nous avons gardé la foi réelle en la doctrine chrétienne de la réversibilité des mérites de la souffrance, ou dans l’enseignement hindou de la Karma, ou tout simplement dans l’immortalité de l’âme humaine. En fait, la plupart d’entre nous ne croient plus en rien de tout cela. De sorte que nous nous accrochons d’une main au pragmatisme moderne et de l’autre à la philosophie judéo-chrétienne. Mais la faille s’élargit chaque jour davantage, et le moment viendra où l’une des deux devra lâcher prise.» (Karl Stern, Le Buisson ardent, Paris, Seuil, 1953, p. 140).
Quelle main a donc lâché prise ?
Enjeux
La question de l'euthanasie place les individus et les législateurs devant
deux obligations qui sont contradictoires et semblent aussi fondamentales l'une que l'autre: le respect de la liberté et le respect de la vie. Simone Weil disait que le désordre dans une société se mesure à la multiplication des situations de ce genre.