La mort de Vincent Humbert

Jacques Dufresne

Voir les articles du journal Le Monde sur la question d'une loi sur l'euthanasie et la mort de Vincent Humbert.

Tétraplégique , suite à un accident de voiture, muet et presque aveugle, ne pouvant bouger que son pouce, devenu son seul moyen d’expression, Vincent Humbert a demandé la mort. Sa mère a compris son désir et fait en sorte qu’il se réalise, ses médecins s’abstenant d’utiliser des moyens extraordinaires pour le sauver. Un livre de lui a paru peu avant sa mort, ce qui a porté l’émotion à son comble et modifié la signification des événements en les médiatisant, en les objectivant.

Dans une situation de ce genre, la compassion est aussi mauvaise conseillère que l’insensibilité. Il faut s’arrêter pour faire la part des faits et des principes, pour réfléchir sur le soutien dont les personnes handicapées et leur famille ont besoin, sur le sens d’une vie où l’intelligence semble n’être restée éveillée que pour assister au naufrage des sens et constater le mal que se donne l’entourage. Tenir dans de telles circonstances, c’est atteindre un sommet moral et s’y maintenir. Mais où trouver l’oxygène dont on a alors besoin ? Existe-t-il seulement une conception de l’être humain qui soit à la même altitude ?

Ce sont les nouvelles technologies médicales qui ont permis à Vincent de survivre. Autrefois, on pouvait dire: à mal divin, remède divin. Quel est le remède humain à un mal d’origine humaine? La cohérence exige que la société complète la prouesse technique par un prodige humain de compassion. Comment le faire? D’où viendra l’inspiration pour le faire?

Ce sont là des questions auxquelles nous accordons la plus grande importance dans l’Encyclopédie de L’Agora.

Voir notre dossier euthanasie où nous présentons le point de vue du psychiatre Karl Stern.

Pourquoi, au nom de quoi laisser vivre les incurables? Voici sa réponse: «D'un point de vue strictement pragmatique, en dehors de toute idée métaphysique de la personne humaine, il n'y a vraiment aucun argument à opposer à l’euthanasie. Nous qui vivons dans un univers sans impératifs, nous nous accrochons à bien des principes formels qui sont un héritage du christianisme dont nous avons perdu la conscience - et non parce que nous avons gardé la foi réelle en la doctrine chrétienne de la réversibilité des mérites de la souffrance, ou dans l'enseignement hindou de la Karma, ou tout simplement dans l'immortalité de l'âme humaine. En fait, la plupart d'entre nous ne croient plus en rien de tout cela. De sorte que nous nous accrochons d'une main au pragmatisme moderne et de l'autre à la philosophie judéo-chrétienne. Mais la faille s'élargit chaque jour davantage, et le moment viendra où l'une des deux devra lâcher prise.» (Karl Stern, Le Buisson ardent, Paris, Seuil, 1953, p. 140)

Voir notre dossier mort et les hyperliens vers

La mort dans la culture
La mort dans la nature
La mort dans l'art
La mort au fil des siècles
Mort, angoisse, communication
Au-delà des opiacés
Le mort vivante

Voir notre dossiers mystère

Extrait

«Le grand mystère, au terme et au centre de notre vie, la mort, est devenu un problème. Et là se trouve précisément le problème. La question éthique fondamentale, dans le débat qui nous intéresse, ce n'est pas celle de l'euthanasie, c'est celle de la dégradation du mystère de la mort en problème.»

Voir nos conférences

La compétence amicale en réadaptation

Extrait

«Quatre fois par jour, dans la campagne profonde où nous habitons, un adolescent passe devant notre maison à la vitesse de la lumière. Son véhicule tout terrain est une roulette russe. Il est si évident à nos yeux que ses courses contre le bonheur vont se terminer par un accident tragique que le bruit de l'engin, infernal au début, nous paraît aujourd'hui mélodieux: il nous annonce que le jeune homme, auquel nous nous sommes attachés sans le connaître, est toujours vivant.

Vous apercevez comme moi tous les paradoxes qui s'accumulent ainsi sous nos yeux. Aux sources de la vie, nous jouons aux apprentis sorciers dans l'espoir d'éliminer les maladies héréditaires, cause de tant de handicaps, et au même moment nous créons un monde tel qu'on s'y expose de plus en plus à des maladies extrêmes encore plus terribles.»

Témoignage de Laurent Grenier, qui a choisi de vivre après son accident:
«Tout nuage a une frange d'argent. La misère enferme un bonheur possible. Les écrits que je vous destine sont une manifestation de cette vie, une expression de cet amour.»


Déficience intellectuelle, justice et communauté

Réflexions sur le sens d’une vie où l’intelligence s'est endormie ou semble n’être restée éveillée que pour assister au naufrage des sens et constater le mal que se donne l’entourage. Tenir dans de telles circonstances c’est atteindre un sommet moral et s’y maintenir. Mais où trouver l’oxygène dont on a alors besoin. Existe-t-il seulement une conception de l’être humain qui soit à la même altitude.

Autres articles associés à ce dossier

La liberté avant tout ?

Benoît Lemaire


Contre l'inutile souffrance

Hector Berlioz

Passage tiré des Mémoires du compositeur français Hector Berlioz.

Un cas d'euthanasie consensuelle au XIXe siècle

Léon Daudet

Où on voit que dans certains cas, le jugement permettant l'euthanasie est facile à produire comme jugement de vérité.

«Le respect de la dignité du mourant». Considérations éthiques sur l'euthanasie

Académie pour la vie (Église catholique)

C'est en déclarant la douleur "curable" (au sens médical) et en proposant comme un devoir de solidarité l'assistance envers celui qui sou

À lire également du même auteur

Serge Mongeau
Le mot anglais activist conviendrait à Serge Mongeau. Sa pensée, parce qu’elle est simple sans doute, se transforme toujours en action, une action durable et cohérente. Les maîtres de sa jeunesse, René Dubos et Ivan Illich notamment l’ont mi

Une rétrovision du monde
C‘est dans les promesses d’égalité que Jean de Sincerre voit la première cause des maux qu’il diagnostique et auxquels on ne pourra remédier que lorsque les contemporains dominants, indissociablement démocrates, libéraux et consommateurs-

Éthique de la complexité
Dans la science classique, on considérait bien des facteurs comme négligeables. C'est ce qui a permis à Newton d'établir les lois simples et élegantes de l'attraction. Dans les sciences de la complexité d'aujourd'hui, on tient compte du néglig

Résurrection de la convivialité
Ivan Illich annonçait dès les années 1970 une révolution, littéralement un recyclage, auquel bien des jeunes voudront croire : la convivialité, une opération dont on sort gagnant sur plusieurs fronts : les rapports avec les humains, les out

Mourir, la rencontre d'une vie
Si la mort était la grande rencontre d’une vie, que gagnerait-elle, que perdrait-elle à être calculée ou saisie au passage, contrôlée ou l’objet d’un lâcher-prise, ce thème qui palpite au coeur de la postmodernité ?

Bruyère André
Alors qu'au Québec les questions fusent de partout sur les coûts astronomiques liés à la construction de nouvelles résidences pour aînés, nous vous invitons à découvrir un des architectes les plus originaux des dernières décennies, l'archi

Noël ou le déconfinement de l'âme
Que Noël, fête de la naissance du Christ, Dieu incarné, Verbe fait chair, soit aussi celle de cette étincelle divine appelée âme.




Lettre de L'Agora - Printemps 2025

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué

  • Brèves

    La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – Chine: une économie plus fragile qu'on ne le croit – Serge Mongeau (1937-2025) – Trump: 100 jours de ressentiment – La classe moyenne américaine est-elle si mal en point?