Émulation
L'émulation procède de l'admiration. Elle est selon Littré un «sentiment généreux, qui incite à égaler, à surpasser quelqu’un, en talents, en mérite.»
Citant La Bruyère, Littré ajoute cette nuance : « Il y a entre la jalousie et l’émulation le même éloignement qu’entre le vice et la vertu.» La jalousie peut être au cœur de la rivalité. «L’émulation, ajoute Littré, est toujours un sentiment généreux; la rivalité est un mobile tantôt bon, tantôt mauvais. De plus la rivalité et l’émulation ne s’exercent pas sur les mêmes objets. L’émulation a pour dessein d’égaler, de surpasser, en mérite, en gloire, etc. ; la rivalité a pour but de disputer la possession d’un bien, le pouvoir, la richesse, une femme, etc.»
L'émulation a été au coeur de la pédagogie occidentale au cours des derniers siècles comme le rappelle l'historien Claude Galarneau dans son ouvrage sur l'enseignement classique au Québec. Le maître avait la responsabilité de l'émulation. Il était à la fois l'arbitre et l'entraîneur des équipes dans les joutes intellectuelles qui soutenaient l'ensemble du système classique.
«Les éducateurs de la Renaissance avaient trouvé le moyen de faire tenir ce système par l'émulation. Ils croyaient que cette conception valait mieux que la crainte, la menace ou les châtiments. Stimuler l'enfant, entretenir chez lui une tension perpétuelle, il n'y avait rien de mieux pour l'inciter au travail et pour contrôler l'acquisition des connaissances. Toute la vie au collège dans ses pratiques pédagogiques a donc été soutenue par ce puissant aiguillon. On divisait les classes en deux camps, romain et carthaginois, ou grec et romain, dont le premier du clan vainqueur était nommé imperator pour un mois, avec des consuls, des censeurs, des tribuns et des sénateurs. [...] Les premiers dans les humanités ou la philosophie avaient l'insigne honneur de copier leur version ou leur dissertation sur les registres de l'académie.» (Claude Galarneau, Les collèges classiques au Canada français, Fides, Montréal, 1978)
N'est-ce pas la confusion entre l'émulation et la compétition qui est à l'origine du fait qu'en éducation on a tendance aujourd'hui, pour protéger les plus faibles, à éviter les comparaisons entre les élèves?
Pour éviter que l'émulation ne dégénère en rivalité et en compétition dans les écoles, il faut, au lieu d'inciter les élèves à déloger celui qui est au premier rang, susciter l'admiration pour ses qualités et son mérite. Un seul peut occuper le premier rang, mais tous peuvent être enrichis par le sentiment d'admiration qu'ils éprouvent. Et si tel élève mérite l'admiration pour son aptitude à réussir en classe, tel autre la mérite pour ses talents en musique, dans les arts ou dans les sports. L'admiration peut ainsi être un sentiment réciproque. Il n'y a pas de place pour une telle réciprocité dans la compétition. Je gagne ou il gagne.