La prière
- L'abîme
Qui n'a pas de rivage et qui n'a pas de
cime
Était là, morne, immense et rien n'y
remuait.
Je me sentais perdu dans l'infini muet.
Au fond, à travers l'ombre, impénétrable
voile,
On apercevait Dieu comme une sombre
étoile
Je m'écriai: Mon âme! Mon âme! il
faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord
n'apparaît,
Et pour qu,en cette nuit jusqu'à ton Dieu
tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions
d'arches.
Qui le pourra jamais? Personne! Ô deuil!
Effroi!
Pleure! - Un fantôme blanc se dressa
devant moi
Pendant que je jetais sur l'ombre un oeil
d'alarme,
Et ce fantôme avait la forme d'une larme;
C'était un front de vierge avec des mains
d'enfant,
Il ressemblait au lys que sa blancheur
défend;
Ses mains en se joignant faisaient de la
lumière.
Il me montra l'abîme où va toute
poussière,
Si profond que jamais un écho n'y répond,
Et me dit: - Si tu veux, je bâtirai le pont.
Vers le pâle inconnu je levai ma paupière.
Quel est ton nom? lui dis-je. Il me dit: - la prière!