La célébrité et les médias
L'homme de la rue pouvait seùreconnaître dans le héros traditionnel. Il pouvait comprendre le courage d'Ulysse ou de Roland, mais que peut-il comprendre de la vie et de l'oeuvre d'un physicien qui travaille en équipe de la dernière particule découverte. Boorstin note à ce propos: «Malgré toute l'ingéniosité et la conscience déployées par les journalistes scientifiques (qui forment à présent une catégorie professionnelle distincte) nos inventeurs, nos découvreurs restent dans la pénombre. Tous les dix ans, l'éducation du public accentue son retard sur la technique. Les Principia Mathematica de Sir Isaac Newton furent présentés à un public de dames et gentilshommes qui purent ainsi prendre connaissance, assez sommairement il est vrai, du sujet qu'il y traitait. Mais combien de conférenciers vulgarisateurs ont expliqué même de la façon la plus sommaire la théorie d'Einstein sur la relativité? Ce qui nous intéresse surtout à présent est le caractère mystérieux des récentes découvertes. De fantastiques possibilités absorbent notre imagination sans mettre notre compréhension à l'épreuve. Nous acclamons les vols de Youri Gagarine ou d'Alan Shepard sans en saisir pleinement le sens.»2
Les écrivains et les artistes eux-mêmes appartiennent à un autre monde: « Il est probable, poursuit Boorstin, que la plupart des fidèles pouvaient apprécier la beauté d'une fresque de Cimabué ou de Giotto; combien de New-Yorkais sont-ils capables de comprendre un Jack Pollock ou un Rothko? Nos écrivains les plus adulés sont ésotériques. Combien de lecteurs se trouvent-ils à l'aise dans les livres de Joyce, comme Ulysse ou Finnegan's Wake?3 »
1- Boorstin, Daniel. L'image, Union générale des éditions, Paris, 10/18, 1971, p. 95.
2- Ibid., p. 96
3- Ibid.