De l'imitation de la nature
C'est dans cette imitation des objets capables d'exciter en nous des sentiments vifs ou agréables, de quelque nature qu'ils soient, que consiste, en général, l'imitation de la belle nature, sur laquelle tant d'auteurs ont écrit sans en donner d'idée nette, soit parce que la belle nature ne se démêle que par un sentiment exquis, soit aussi parce que, dans cette matière, les limites qui distinguent l'arbitraire du vrai ne sont pas encore bien fixées et laissent quelque espace libre à l'opinion.
A la tête des connaissances qui consistent dans l'imitation, doivent être placées la peinture et la sculpture, parce que ce sont celles de toutes où l'imitation approche le plus des objets qu'elle représente et parle le plus directement aux sens. On peut y joindre cet art, né de la nécessité et perfectionné par le luxe, l'architecture, qui, s'étant élevée par degrés des chaumières aux palais, n'est, aux yeux du philosophe, si on peut parler ainsi, que le masque embelli d'un de nos plus grands besoins. L'imitation de la belle nature y est moins frappante et plus resserrée que dans les deux autres arts dont nous venons de parler; ceux-ci expriment indifféremment et sans restrictions toutes les parties de la belle nature, et la représentent telle qu'elle est, uniforme ou variée; l'architecture, au contraire, se borne à imiter, par l'assemblage et l'union des différents corps qu'elle emploie, l'arrangement symétrique que la nature observe plus ou moins sensiblement dans chaque individu, et qui contraste si bien avec la belle variété de tout ensemble.