Le discours funèbre ci-dessous a été rapporté par Jonathan Carver qui voyagea à l'intérieur de l'Amérique du Nord, entre les années 1766 et 1768, Carver prétend avoir entendu ce discours directement des Indiens, peut-être des Nadowessioux, ou Sioux. La mort signifie la perte du pouvoir action de celui qui fut agile et mobile. Mais le défunt n'est pas perdu pour autant, car il survivra dans la mémoire de la communauté et son âme continuera à vivre dans le vaste pays des esprits.
TU ES TOUJOURS ASSIS PARMI NOUS, FRËRE, TA PERSONNE GARDE SON aspect habituel et demeure pareille aux nôtres, sans manifester d'autre défaillance que ta perte du pouvoir d'action. Mais où ce souffle est-il parti, qui voilà quelques heures envoyait un soupir au Grand Esprit? Pourquoi demeurent-elles silencieuses, ces lèvres qui naguère nous livraient leur langage puissant et expressif? Pourquoi sont-ils immobiles, ces pieds qui. il n'y a pas si longtemps, étaient plus lestes que le daim dans ces montagnes? Pourquoi pendent-ils vainement, ces bras qui pouvaient grimper sur le plus haut des arbres, ou tendre le plus inflexible des arcs? Hélas! chaque partie de ce corps, que nous regardions récemment avec admiration et
étonnement est maintenant devenue aussi inanimée que si elle datait de trois cents hivers. Nous n'allons pas, cependant. te pleurer comme si tu étais à jamais perdu pour nous, ou comme si ton nom devait être enfoui dans l'oubli; ton âme continue à vivre dans le vaste pays des esprits, avec ceux de ta nation partis avant toi, et quoique nous restions à l'arrière pour perpétuer ton renom, un jour nous te rejoindrons. Animés par le respect que nous te portions de ton vivant, nous venons t'offrir un dernier témoignage d'amitié qu'il est en notre pouvoir de te donner afin que ton corps ne gise pas abandonné dans la plaine, qu'il ne devienne pas la proie des bêtes des champs ou des oiseaux des airs, nous prendrons soin de le faire reposer avec ceux de tes prédécesseurs, partis avant toi, espérant en même temps que ton esprit se nourrira de leurs esprits et sera prêt à recevoir le nôtre quand nous arriverons, nous aussi, au grand Pays des Âmes.