Les oeuvres de Roland Poulin sont des pensées solides, des solides pensants, qui ne se dissolvent pas comme les idées qui nous passent par la tête mais restent, demeurent, même à l'état de ruines. Elles résistent au temps, elles sont résistantes. robustes, rebelles: elles désobéissent aux lois elles-mêmes de la pesanteur. (Pierre Ouellet, op. cité, p. 37)
Les choses pèsent. Nous pèsent. C'est pourquoi nous les pensons. Les soupesons dans notre tête. Cette grande main creuse avec laquelle nous soulevons tout, le monde, la terre, pour nous alléger, nous décharger, nous dégrever.
[...]
Le creusement de l'espace et et la solidification du temps sont une pesée des âmes, une hyperphysique des matières de l'esprit grâce à quoi l'on mesure la démesure, soupèse l'impondérable, soutient l'insoutenable.
[...]
Je participe du monde des choses et des oeuvres: y prends part comme à ma propre vie. Vivant avec elles bien plus que vis-à-vis. Je ne vois pas l'oeuvre mais perçois avec elle tout mon espace et tout mon temps, son monde à elle et mon monde à moi, qui sont un seul univers gouverné par les mêmes inflexibles lois. Celle de la gravité la plus lourde à porter: notre finitude, notre mortalité, notre sort commun qui est de tomber, finir au sol, parmi les choses inertes, parmi les morceaux de l'oeuvre. Parmi les restes.
[...]
Roland Poulin, lui, humanise l'espace et historicise le temps qu'occupent ses grands objets avec lesquels il nous invite à vivre. Renouant entre le lieu et le corps, l'instant et le regard, un lien d'intime complicité grâce auquel nous prenons sens dans une communauté de pensée. Une communauté de pesée où nous portons le même insupportable poids, dont les formes communes de l'oeuvre et du regard qui s'épousent au plus profond et d'un commun «accord» témoignent devant le temps.
[...]
L'existence de l'oeuvre ne relève pas de son être. Tant de choses sont, qui nous restent indifférentes, simples étants qui ne nous regardent pas. Mais de son être-comme, de son être avec, dont la commotion ou le fait de bouger ensemble, nous avec elle, elle avec nous, et la compassion ou le fait de pâtir l'un de l'autre, nous d'elle et elle de nous, témoignent avec force: une foi et une folie communes poussent hommes et choses les uns contre les autres... dans leur double gouffre.
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Le mot art désigne une forme de vie où l'on se sent être mais précairement. Dans le sentiment profond que les choses sont mais vulnérables, fugaces, éphémères, dans la fragilité du lien entre les êtres, qu'il faut protéger.
[...]
Tomber ensemble, avec l'espace, c'est «tomber» moins que tomber seul: la chute de l'un soutient celle de l'autre, qu'elle porte, supporte, suspend et ralentit. Si tout le monde tombe avec soi, comme l'art le montre dans ses objets qui pèsent comme des pensées trop graves, on n'a plus l'impression de chuter, on ne sent plus cette pression vers le bas qui nous tord le ventre quand on est seul à affronter ce qui se dresse devant ou contre soi... autant dire contre le monde entier.
L'espace souffre. Des mêmes maux que nous. D'une instabilité et d'un déséquilibre de ses volumes. Comme nous, des membres et des organes que l'âme a désertés, laissés à eux-mêmes: désaxés, débalancés. Le monde respire, mais mal, par nos poumons qui pulsent l'air au rythme des pas qu'on traîne autour des choses: des essoufflés, des moribonds, sans âme qui vive entre leurs côtes.
[...]
Rien ne tient debout, hommes ou choses, sans finir un jour par se coucher pour se reposer. [...]
On se remet à cet espace accidenté. mais calme comme après le déluge, pour ne plus avoir à se sortir soi-même de son propre bourbier, qu'on n'a plus la force de nier: on lève les yeux, seulement, à défaut d'élever son âme, qui nous manque atrocement, comme le courage de se relever. Et l'on voit ça, qui flotte à la dérive: l'art, notre dernière bouée.
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Le creusement de l'espace et et la solidification du temps sont une pesée des âmes, une hyperphysique des matières de l'esprit grâce à quoi l'on mesure la démesure, soupèse l'impondérable, soutient l'insoutenable.
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Je participe du monde des choses et des oeuvres: y prends part comme à ma propre vie. Vivant avec elles bien plus que vis-à-vis. Je ne vois pas l'oeuvre mais perçois avec elle tout mon espace et tout mon temps, son monde à elle et mon monde à moi, qui sont un seul univers gouverné par les mêmes inflexibles lois. Celle de la gravité la plus lourde à porter: notre finitude, notre mortalité, notre sort commun qui est de tomber, finir au sol, parmi les choses inertes, parmi les morceaux de l'oeuvre. Parmi les restes.
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Roland Poulin, lui, humanise l'espace et historicise le temps qu'occupent ses grands objets avec lesquels il nous invite à vivre. Renouant entre le lieu et le corps, l'instant et le regard, un lien d'intime complicité grâce auquel nous prenons sens dans une communauté de pensée. Une communauté de pesée où nous portons le même insupportable poids, dont les formes communes de l'oeuvre et du regard qui s'épousent au plus profond et d'un commun «accord» témoignent devant le temps.
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L'existence de l'oeuvre ne relève pas de son être. Tant de choses sont, qui nous restent indifférentes, simples étants qui ne nous regardent pas. Mais de son être-comme, de son être avec, dont la commotion ou le fait de bouger ensemble, nous avec elle, elle avec nous, et la compassion ou le fait de pâtir l'un de l'autre, nous d'elle et elle de nous, témoignent avec force: une foi et une folie communes poussent hommes et choses les uns contre les autres... dans leur double gouffre.
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Le mot art désigne une forme de vie où l'on se sent être mais précairement. Dans le sentiment profond que les choses sont mais vulnérables, fugaces, éphémères, dans la fragilité du lien entre les êtres, qu'il faut protéger.
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Tomber ensemble, avec l'espace, c'est «tomber» moins que tomber seul: la chute de l'un soutient celle de l'autre, qu'elle porte, supporte, suspend et ralentit. Si tout le monde tombe avec soi, comme l'art le montre dans ses objets qui pèsent comme des pensées trop graves, on n'a plus l'impression de chuter, on ne sent plus cette pression vers le bas qui nous tord le ventre quand on est seul à affronter ce qui se dresse devant ou contre soi... autant dire contre le monde entier.
L'espace souffre. Des mêmes maux que nous. D'une instabilité et d'un déséquilibre de ses volumes. Comme nous, des membres et des organes que l'âme a désertés, laissés à eux-mêmes: désaxés, débalancés. Le monde respire, mais mal, par nos poumons qui pulsent l'air au rythme des pas qu'on traîne autour des choses: des essoufflés, des moribonds, sans âme qui vive entre leurs côtes.
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Rien ne tient debout, hommes ou choses, sans finir un jour par se coucher pour se reposer. [...]
On se remet à cet espace accidenté. mais calme comme après le déluge, pour ne plus avoir à se sortir soi-même de son propre bourbier, qu'on n'a plus la force de nier: on lève les yeux, seulement, à défaut d'élever son âme, qui nous manque atrocement, comme le courage de se relever. Et l'on voit ça, qui flotte à la dérive: l'art, notre dernière bouée.