Perrault Charles
Grand travailleur, aimable, spirituel, il était fort prisé de ses contemporains, mais il s’attira l’animosité de Boileau et de ses partisans, un peu jaloux de ses relations plus que cordiales avec la cour et les ministres. Cette animosité éclata publiquement lorsque Perrault eut lu, en une séance de l’Académie, un poème – assez médiocre du reste – intitulé Le Siècle de Louis le Grand (27 janvier 1687), où il s’attachait à prouver la supériorité des auteurs modernes sur les anciens. Boileau, Racine et autres l’ayant tourné en ridicule, Perrault, piqué au vif, développa longuement son plan et donna le Parallèle des anciens et des modernes (1688-98, 4 volumes), où il mit Quinault bien au-dessus de Racine et Lebrun bien au-dessus de Raphaël. Des telles affirmations étaient de nature à soulever une vive polémique. Ainsi naquit la fameuse « querelle des anciens et des modernes », où Perrault, coryphée des modernes, échangea force horions avec Boileau, coryphée des anciens; l’un publia notamment une Apologie des femmes (1694) en réponse aux sarcastiques Réflexions sur Longin, de l’autre. Les deux ennemis finirent par se réconcilier en 1700. Au sortir de cette grande polémique, qui joua dans sa vie un rôle prépondérant, Perrault donna Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits en nature (Paris, 1696-1700, 2 volumes in-folio), ouvrage biographique assez terne, qui n’est plus guère recherché qu’à cause des belles gravures qu’il renferme. Il était déjà fort âgé lorsqu’il entreprit l’ouvrage auquel il doit sa célébrité : les Histoires et contes du temps passé avec des moralités (Paris, 1697, in-12), charmant recueil de contes, en prose et en vers, que tout le monde a lu, qui a eu une renommée européenne, qui n’avait d’autre prétention que d’amuser les enfants, mais dont l’heureuse naïveté, le style piquant, les révélations sur les petites gens de l’époque, leur réflexions, leur langage, leurs mœurs, ont toujours fait les délices des lettrés les plus délicats. Les Contes ont eu un nombre prodigieux d’éditions, parmi lesquelles il faut mentionner à part celle qui a été ornée des superbes dessins de Gustave Doré (Paris, 1862, in-folio), celle de Paul Lacroix et Walckenaer (Paris, 1836, in-8), celle de Fréd. Dillaye (Paris, 1880, in-8), celle d’E. Legrand, illustrée par Adrien Marie (Paris, 1883, grand in-4) et les luxueuses éditions de Boussod Valadon Barbe bleu, La Belle au bois dormant (Paris, 1887); Cendrillon (1886), illustrées d’aquarelles par Édouard de Beaumont. Citons encore de Perrault : La Marquise de Salusse ou La Patience de Griselidis (Paris, 1691, in-12); Saint-Paulin (Paris, 1686, in-8); Adam ou La Création de l’homme (1697, petit in-8); Le Cabinet des beaux-arts (1690, in-4), recueil d’estampes avec explications en prose et en vers; Œuvres choisies (Paris, 1826, in-8); enfin, ses Mémoires (Avignon, 1755, in-12), qui renferment beaucoup de particularités et d’anecdotes intéressantes sur le ministère de Colbert et une petite comédie en trois actes, L’Oublieux (Paris, 1868, in-18), publiée pour la première fois par H. Lucas.»
Article «Charles Perrault» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome vingt-sixième (Parta-Poilpot), p. 430.