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Souvenirs de la première conférence de Niamey

Jean-Marc Léger
Texte
Nous étions environ trois cents, ce matin du 17 février 1969, dans la (modeste) salle des séances de l’Assemblée nationale du Niger, pour la séance inaugurale de la première conférence des pays entièrement ou partiellement de langue française, selon l’appellation officielle. C’était une réunion de niveau ministériel (ministres de la Culture ou de l’Éducation, dans la majorité des cas) : elle intervenait dix-sept ans avant la première conférence au sommet de la Francophonie (Paris, février 1986).

Il faisait très chaud malgré les nombreux et bruyant ventilateurs : le bâtiment serait doté d’un système de climatisation au cours des mois suivants en prévision de la deuxième conférence. Aux membres de délégations officielles, une centaine, de vingt-huit pays, et des représentants des principales organisations francophones non gouvernementales, une dizaine (en qualité d’observateurs), s’étaient joints pour cette séance, les membres du corps diplomatique, les hauts fonctionnaires nigériens, des journalistes, peu nombreux. Il y avait de plus une vingtaine d’«invités spéciaux», dont les profils étaient fort variés : historiens, écrivains, cinéastes, autres créateurs et interprètes, parmi lesquels l’attachante et colorée Pauline Julien, qui allait susciter un incident et provoquer l’émoi lors de cette séance.

C’est surtout André Malraux qui retenait l’attention : le célèbre écrivain et ministre de la Culture de France était en l’occurrence l’envoyé spécial du général de Gaulle. Il fit son entrée en même temps que le président Diori Hamani, hôte de la conférence et prit la parole aussitôt après lui. Il n’y avait de chefs d’État que le président du Niger puisqu’il s’agissait d’une conférence ministérielle. Les présidents Senghor et Bourguiba considérés comme les pères ou les apôtres du projet francophone avaient envoyé des messages, substantiels pour le premier, bref pour le second, qui avait commencé à prendre ses distances.

D’entrée de jeu, le président du Niger indiqua, dans un appel au réalisme, les limites de cette première étape : «Peut-être sera-t-il nécessaire dans un premier temps de limiter les ambitions contenues dans les documents que vous aurez à examiner…Nous devrons faire preuve une fois de plus de cette sagesse, de cette patience et de cette franchise qui conditionnent le succès.» Le ton était donné : rêvons grand mais commençons très modestement.

Ce fut au tour d’André Malraux de prendre la parole et d’emblée, de sa voix rauque et de son débit haché, avec un lyrisme contenu, il conduisit son auditoire sur un autre plan : «En un temps où les empires morts ont fait place à des vastes républiques de l’esprit, qu’il me soit permis de me limiter aux valeurs que nous défendons ensemble dans ce domaine, aux réponses, aux réponses que la culture française d’hier, la culture francophone de demain apportent aux questions décisives que nous pose à tous la civilisation d’aujourd’hui.» Puis : «Nous sommes chargés de l’héritage du monde mais il prendra la forme que nous lui donnerons» et : «Notre problème n’est donc nullement dans l’opposition des cultures nationales mais dans l’esprit particulier que nos cultures nationales peuvent donner à la culture mondiale. Nous sommes de culture française et entendons le rester parce que nous avons découvert la faiblesse de l’abstraction en ces matières… Une culture n’est pas seulement un ensemble de connaissances mais aussi un héritage particulier de la noblesse du monde». Malraux rejoignait par là (mais il faudrait citer tout le discours) ce passage du message de Senghor : «La création d’une communauté de langue française sera peut-être la première du genre dans l’histoire moderne. Elle exprime le besoin de notre époque où l’homme, menacé par le progrès scientifique dont il est l’auteur, veut construire un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos.»

Source
Jean-Marc Léger, Le temps dissipé, souvenirs, Montréal, Éditions HMH, 1999, p.395-397.
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