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Questions vives
Fin des méchants capitalistes et des bons travailleurs?
Pour ce qui est de la culture de transition, voici un avis partiel.  Cette transition devra pour réussir rompre avec la traditionelle rhétorique des méchants capitalistes et des bons travailleurs.  Pour aller vers une société qui ne soit plus sous le seul joug de la loi du profit des seuls actionnaires, il nous faut apprendre à articuler son organisation aussi autour d'une reconnaissance des droits et responsabilités ainsi que d'un pouvoir réel des véritables producteurs des biens et services. Les quatre axes choisis - l'argent comme outil indispensable à la circulation de l'information financière, la responsabilité sociale et collective de nourrir l'humanité, la destruction de notre habitacle planétaire, une diversification énergétique équilibrée - sont effectivement à ce point inter reliés qu'il est à mon avis suicidaire d'imaginer pouvoir les dissocier dans la recherche des solutions. La connaissance et l'éducation pour tous, sans lesquelles les techno-sciences ne pourront pas être mises au service du bien commun, doivent être cultivées dans un climat où respire une conception responsable de la liberté. Le socialisme démocratique que je prône n'a rigoureusement rien à voir avec les régimes totalitaires soviétiques ou chinois. Ces régimes n'ont été que des capitalismes d'État, beaucoup moins performant que le capitalisme privé; et on a vu comment a été facile et rapide leur passage dans le rang du plus fort. Le temps est venu de relire Le Capital avec un regard éclairé. Voir l'article du philosophe Lucien Sève, 'Marx contre-attaque', dans Le Monde diplomatique, décembre 2008, 3. Une culture de transition, développée dans une réelle valorisation de nos divergences, est une voie qui s'impose. ...

Document associé
Francophonie: enjeux et perspectives après le Sommet de Bucarest
Dossier: Abdou Diouf

Abdou Diouf
Présentation
Discours de son Excellence, monsieur Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, au Colloque de l'Académie des Sciences d'Outremer, le 10 mai 2007.

Extrait
«La Francophonie, aujourd’hui, c’est aussi une certaine vision de la coopération Nord-­Sud. Et si je devais retenir un maître-mot pour qualifier la nature de cette coopération, je dirais " le dialogue ", parce que le dialogue est un moyen privilégié de rapprochement entre les hommes dans le respect des différences, mieux, dans le respect de ce que Léopold Sédar Senghor appelait « la fécondité des différences complémentaires "».

Texte
Permettez-moi, avant toute chose, de vous souhaiter la bienvenue en Francophonie, et de vous dire combien je suis heureux, combien nous sommes heureux de vous accueillir, ici, aujourd’hui. Et en vous recevant dans ces locaux, Monsieur le Président, je ne peux m’empêcher de penser à une autre réception, celle que vous m’aviez réservée à l’Université Paris I, pour me décerner un Doctorat Honoris causa particulièrement cher à mon cœur, parce que je sais votre foi en l’Afrique, votre engagement inlassable en faveur de ce continent sur le chemin de la démocratie, des droits, des libertés, de la paix.


Nombreux sont les souvenirs qui me lient aussi à vous, Monsieur le Secrétaire perpétuel, vous qui avez si brillamment assuré les fonctions de Directeur de la Section magistrature de l’École Nationale de la France d’outre-mer – ce qui ne vous empêchait pas d’avoir beaucoup de bienveillance pour l’élève de la Section administrative que j’étais - vous qui avez tant fait pour que progresse le droit dans nos pays.


Cher Gérard CONAC, Cher Gilbert MANGIN, l’Afrique sait tout ce qu’elle vous doit ! Et soyez assurés qu’elle vous le rend pleinement !

Croyez bien, par ailleurs, que je mesure à sa juste valeur l’intérêt que l’Académie des Sciences d’Outre-mer a choisi de nous témoigner, en consacrant ce colloque à la Francophonie. Disant cela, je pense aux éminentes personnalités qui nous honorent de leur présence ce matin. Je pense, aussi, aux hautes qualités scientifiques des membres de l’Académie. Je pense, enfin, à la démarche qui vous anime et dont rend compte votre devise : « Savoir, comprendre, respecter, aimer ». Une devise qui, à mes yeux, évoque la rigueur de la pensée, le refus du dogmatisme, l’ouverture d’esprit et le dialogue. Autant d’attitudes intellectuelles qui, en dernier ressort, définissent l’humanisme. C’est dire que je suis fier de compter parmi les membres de votre Académie.

« L’histoire, disait Albert Camus, n’est que l’effort désespéré des hommes pour donner corps aux plus clairvoyants de leurs rêves. »

Si je devais qualifier l’histoire de la Francophonie, je dirais qu’elle est l’effort, non pas désespéré, mais bien plutôt éclairé d’hommes et de femmes de conviction pour donner corps aux rêves clairvoyants de Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori, Norodom Sihanouk.


Dès 1948, Léopold Sédar Senghor rêvait d’un « Commonwealth à la française ». Quelque vingt ans après, en 1970, était créée l’Agence de coopération culturelle et technique autour de vingt neuf pays ayant en partage l’usage de la langue française.


Au fil de ces quarante années, la Francophonie a traversé la fin de la Guerre froide, l’effondrement des idéologies, la disparition de la bipolarité. Elle a vu s’éloigner la menace d’une guerre entre les deux blocs, mais les conflits se multiplier à l’intérieur même des nations, particulièrement dans ses pays membres. Elle a vu l’aide au développement se déliter. Elle a vu se dessiner et s’amplifier la vague de démocratisation. Elle a pris la mesure des bienfaits et des dérives de la mondialisation. Elle a pris la mesure de l’interdépendance croissante du destin des peuples et, dans le même temps, de la montée des antagonismes, promise, selon certains, à un choc des civilisations.


Tandis que changeait la physionomie du monde, la Francophonie changeait aussi, décidée à ne pas être un simple témoin sur la scène internationale, mais un acteur à part entière, décidée à promouvoir un véritable projet de société à l’échelle du monde, décidée à faire valoir une alternative aux menaces potentielles ou avérées qui assombrissent l’horizon planétaire.


La Francophonie s’est donc donnée les moyens de ses ambitions jusqu’à devenir une organisation internationale dotée d’une personnalité juridique clairement fondée. Une organisation armée d’un cadre institutionnel cohérent. Une organisation qui, à travers ses 68 États et gouvernements membres ou observateurs, touche désormais aux confins des cinq continents. Une organisation portée par deux cents millions de francophones de par le monde. Une organisation engagée dans des actions de coopération, mais aussi dans des actions politiques et diplomatiques. En d’autres termes, une organisation qui, depuis la première réunion au Sommet de ses chefs d’Etat et de gouvernement, en 1986, n’a cessé d’évoluer, de se développer, de s’adapter aux défis de la société internationale, donnant ainsi véritablement corps aux rêves clairvoyants de ses Pères fondateurs, et faisant sienne l’idée selon laquelle la société se forme, se réforme, se transforme souvent autour d’un dessein, d’un beau, d’un grand dessein.

Ce dessein, Léopold Sédar Senghor l’a brillamment formulé lorsqu’il affirmait que « la langue française a vocation à fonder un grand projet politique », et que « la Francophonie n’est pas une idéologie, mais un idéal qui anime des peuples en marche vers une solidarité de l’esprit. »

Et c’est bien cette solidarité de l’esprit qui nous permet, depuis près de quarante ans, de vivre ensemble différents, d’agir ensemble, de penser ensemble l’avenir.

La Francophonie, aujourd’hui, c’est en effet une certaine vision des relations internationales, fondée sur le multilatéralisme en tant qu’il est le plus sûr des chemins sur la voie de la coopération et de la paix.


« Le devoir des grands États, déclarait Harry Truman, est de servir et non de dominer le monde. » Et il est clair que c’est dans le multilatéralisme que cette solidarité trouve le mieux à s’incarner. C’est en tout cas dans cet esprit que notre communauté fait coexister et coopérer les Etats parmi les plus puissants et les plus démunis.

Nous avons bien conscience, dans le même temps, que la plupart des grands problèmes - politique, économique, culturel -, qui engagent le devenir de la planète, requièrent désormais des solutions globales et une gestion transnationale, qu’ont vocation à mettre en œuvre les organisations multilatérales, au premier rang desquelles l’ONU. C’est dans cet esprit, que nous avons engagé une coopération étroite avec l’Organisation des Nations Unies. Mais par-delà cette coopération « verticale », nous avons développé une coopération « horizontale » avec des organisations régionales, comme l’Union européenne, l’Union africaine, le Commonwealth, la Ligue des Etats arabes, pour ne citer que celles-là.

Cela étant, le multilatéralisme ne suffit pas à garantir une gouvernance mondiale démocratique dans la mesure où il n’instaure pas, dans les faits, l’égalité entre les Etats, et où il n’occulte pas les relations de puissance.

C’est au nom de cette nécessaire démocratisation des relations internationales que la Francophonie se bat, à travers des actions d’information et de formation, à travers des réunions de concertation, pour que ses Etats membres, notamment les moins écoutés, puissent faire entendre leur voix dans les enceintes où se prennent les décisions qui déterminent leur avenir.


C’est au nom de cette nécessaire démocratisation des relations internationales que la Francophonie se bat pour promouvoir le plurilinguisme au sein des instances internationales, pour promouvoir le droit de chacun à s’informer, à travailler, à s’exprimer dans la langue de son choix. Car de la même manière que la démocratie nationale ne saurait s’accommoder d’un parti unique, la démocratie mondiale ne saurait s’accommoder d’une langue unique.


Par ailleurs, l’apparition, depuis quelques années, de contre-sommets, le développement extraordinaire des organisations non gouvernementales nous montrent que cette démocratisation passera par une implication accrue des acteurs non-étatiques. Forme de démocratisation que la Francophonie a mise en place dès les origines, en associant, à travers ses opérateurs spécialisés, les universitaires, les maires de grandes villes, les médias, mais aussi les Parlementaires dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Je n’oublie pas non plus l’important réseau d’OING qui travaillent en collaboration étroite avec nous. La Francophonie, aujourd’hui, c’est aussi une certaine vision de la coopération Nord­Sud. Et si je devais retenir un maître-mot pour qualifier la nature de cette coopération, je dirais « le dialogue », parce que le dialogue est un moyen privilégié de rapprochement entre les hommes dans le respect des différences, mieux, dans le respect de ce que Léopold Sédar Senghor appelait « la fécondité des différences complémentaires ».


C’est bien dans cet état d’esprit que sont conduites nos actions. Nous n’avons pas, à l’instar, d’autres organisations, les moyens d’intervenir dans tous les domaines, et encore moins d’intervenir partout. Cela nous impose des choix, et ces choix sont d’abord dictés par les attentes et les besoins des membres de notre communauté. Ils sont aussi dictés par la recherche de complémentarités avec les autres coopérations bilatérales ou multilatérales déjà à l’œuvre. Ils sont enfin dictés par un désir de rationalité.

Et la raison nous dit que le développement durable, qui est notre objectif prioritaire, est indissociable d’une politique ambitieuse d’éducation et de formation, que le développement est indissociable de la démocratie, des droits de l’Homme et de la paix. Tels sont donc les grands axes qui guident nos actions.


A cet égard, l’affirmation de l’action politique et diplomatique de la Francophonie sur la scène internationale, singulièrement depuis le Sommet de Hanoï en 1997, a constitué, sans conteste, un tournant majeur dans l’évolution de notre organisation. Et nos interventions, en ce domaine, me semblent parfaitement emblématiques de l’esprit de dialogue que j’évoquais, parce que le dialogue, en tant qu’il suscite le doute, qu’il conduit à se remettre en question, à récuser les idées reçues, en tant qu’il invite à se dépasser soi-même, est le mieux à même de conduire à l’universel.


C’est bien cet esprit de dialogue qui a présidé à l’élaboration et à l’adoption des deux instruments normatifs et de référence qui encadrent désormais l’implication de la Francophonie.

Je veux parler de la Déclaration de Bamako qui structure, depuis 2000, les actions au service de la démocratie et de la paix, et qui nous permet de jouer pleinement notre rôle dans l’observation, l’alerte précoce, la diplomatie préventive, la gestion des crises, l’accompagnement des transitions et la consolidation de la paix, et ce en collaboration systématique avec les organisations internationales et régionales.

Je veux parler, également, de la Déclaration de Saint Boniface sur la prévention des conflits et la sécurité humaine, que nous avons adoptée en 2006. A travers ce texte, les pays francophones ont souscrit au principe de la responsabilité de protéger, nous invitant, en conséquence, à encore plus de vigilance en matière de violation grave ou massive des droits de l’homme et à un devoir de protection à l’égard des populations civiles, notamment durant les conflits armés.


C’est, aussi, cet esprit de dialogue qui préside à nos pratiques. Car, telle que nous l’entendons, l’universalité n’est pas synonyme d’uniformité. Il ne s’agit en aucun cas d’imposer un modèle. Bien au contraire ! Nous nous attachons à prendre en compte la diversité des réalités historiques, politiques, sociales et culturelles, et à favoriser les dynamiques endogènes et l’implication des acteurs nationaux.

Pour preuve, je dirais que la Francophonie souscrit à une démarche qui relève plus de la facilitation que de la médiation, si l’on considère que le Facilitateur s’entremet dans une posture d’intercession de nature à faciliter le dialogue entre les parties et l’émergence d’un consensus, contrairement à la médiation qui met en avant un projet de règlement de la crise ou du conflit. Mais quand cela est nécessaire, nous n’hésitons pas à nous engager dans la médiation, l’essentiel étant de servir utilement la cause de la paix et de la concorde.

Je voudrais vous dire, en terminant, que la Francophonie c’est aussi et surtout une certaine vision de l’Homme et du monde, c’est aussi et surtout des valeurs, celles que véhicule la langue que nous avons en partage.

A cet égard, la langue française constitue à la fois le moyen et la fin de toutes nos actions. Le moyen de nous rencontrer, de nous mieux connaître, de nous mieux comprendre, le moyen d’exprimer notre solidarité et notre fraternité. Quant à la fin, c’est cette impérieuse nécessité de voir s’instaurer « un nouvel ordre culturel mondial » que Léopold Sédar Senghor appelait de ses vœux, et « où toutes les civilisations différentes seraient considérées comme égales : d’une égalité non mathématique, mais complémentaire ».

Nous sommes bien là au cœur des enjeux de cette gouvernance mondiale que j’évoquais tout à l’heure, à savoir la réalisation d’une mondialisation maîtrisée, et par là même d’une démocratie planétaire, solidaire, unie sur l’essentiel, mais respectueuse des différences.

Et de notre volonté de préserver l’intégrité et la pluralité des cultures, d’instaurer des relations équilibrées entre elles, dépendra grandement notre capacité à prévenir l’exacerbation des passions identitaires et l’affrontement des imaginaires, encore possibles.


Les consciences sont en éveil, et un pas considérable a été franchi avec l’entrée en vigueur, le 18 mars dernier, à l’Unesco, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Mais se doter d’instruments normatifs ne suffit pas, nous devons aller plus loin. La Francophonie, qui s’est mobilisée de manière exemplaire sur cette question, s’y est engagée, en tendant la main aux hispanophones, aux lusophones, aux arabophones, aux anglophones, et je m’y suis engagé personnellement! Car c’est là le plus bel hommage que nous puissions rendre à nos Pères fondateurs, à Léopold Sédar Senghor qui, dans un élan de génie visionnaire, ne nous a pas seulement prédit l’avenir, mais l’a permis pour nous et les générations à venir. A nous donc, aujourd’hui, d’ordonner le présent.


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