Médecine et société - 3e partie
RECONNAÎTRE LES PUBLICATIONS TROMPEUSES
On peut distinguer trois niveaux de tromperie dans les publications scientifiques
1. Des données inventées ou copiées, donc frauduleuses
1.1 la fabrication de résultats pour qu’ils collent avec la thèse qu’on veut défendre
1.2 le plagiat qui consiste à reprendre des parties entières de résultats généralement publiés dans de ‘petites revues’ peu lues
* ces deux formes sont rares et fortement réprouvées, jusqu’à la rétractation, mais celles-ci sont en augmentation récentes.
2. Une présentation trompeuse (données réelles mais interprétation manipulée) :
2.1 leur simplification – on ne choisit parmi les données que celles qui vont dans le sens de ce qu’on veut démontrer (la conflation, i.e. l’exagération des bienfaits et la minimisation des méfaits, en font partie).
2.2 le bricolage des résultats pour que les mesures coïncident bien avec la théorie ou la modélisation
Ces stratagèmes fréquents sont volontaires ou involontaires, indésirables de toute façon.
3. Une méthodologie défectueuse et une pertinence inadéquate. La majorité des conclusions sont alors fausses dans un essai à visée pragmatique. Des éditeurs qui ont scruté les 100 revues savantes les mieux cotées ont découvert que moins de 1% de toutes les études publiées associaient, et une bonne méthodologie et une bonne pertinence clinique (Altman, JAMA 2002), et donc étaient utiles pour une bonne pratique. Deux décennies plus tard la situation n’a guère changé.
On lira Hervé Maisonneuve dans son billet de blog Intégrité et Rédaction.
NEUF CITATIONS UTILES
Le sens critique présenté avec élégance
« Le médicament est le bras armé de la médecine » - « Les revues savantes sont le bras droit de l’industrie » Richard Smith, ex-directeur du BMJ
« Le scepticisme et les débats raisonnés sont sains. Le manque de logique, la désinformation et les mensonges éhontés sont inadmissibles » David Suzuki, écologiste
« Ce dont la médecine a plus que jamais besoin, c’est de vérité concernant son savoir. Fini le temps des cachoteries, des demi-mensonges sur les effets indésirables, de la minuscule efficacité emballée dans un puissant marketing» Bertrand Kiefer, rédacteur-en-chef suisse
« Les sceptiques sont les hommes les plus consciencieux » Honoré de Balzac, écrivain
« La croissance du savoir repose essentiellement sur les différends » Karl Popper, philosophe de la science
« Plusieurs observations indépendantes valent mieux qu'une, et leur quantité l'emporte. Mais non les opinions» Paul Valéry, écrivain
« Pardonnez-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils prescrivent » - « La médiocrité en pharmacothérapie n’est pas bonne pour la santé » - « Après avoir appris à mentir avec les chiffres on ment maintenant avec les mots » Sources bien avisées
« Toute vérité franchit trois étapes : d'abord elle est ridiculisée ; ensuite elle subit une forte opposition ; puis elle est considérée comme ayant été une évidence » Schopenhauer, philosophe
« Prescrire juste au lieu de juste prescrire » Jean-Louis Montastruc, pharmacologue
N’OUBLIONS PAS L’EMBALLAGE
Le conditionnement, pour les initiés, le packaging pour les anglos. Il comprend trois ou quatre éléments matériels, pour protéger le produit et renseigner l’utilisateur sur son usage:
- a) le conditionnement primaire, bien étiqueté pour éviter l’erreur
- b) le conditionnement secondaire, bien étiqueté pour éviter l’erreur
- c) parfois un dispositif (doseur, dilution, tubulure…), outil qui doit être précis pour l’administration et la dose, et facile à utiliser
- d) une notice qui doit être claire et complète pour sécuriser l’emploi
On dit conditionnement ou emballage primaire pour désigner toute enveloppe, contenant, qui est en contact immédiat, direct avec le médicament, celui-ci étant le contenu : vial, fiole, seringue, flacon pour les produits liquides, bouteille, plaquettes thermoformées pour produits solides, sachets et autres.
On le dit secondaire quand il s’agit d’enveloppe, donc la boîte entourant plusieurs emballages primaires, c’est elle qui identifie le médicament auprès du consommateur et le renseigne sur la nature des produits, la dose et les précautions s’il y a lieu. Ce contenant, s’il est du fabricant original, contient aussi une notice destinée aux consommateurs (patient leaflet). Outer ou secondary packaging en anglais. Les notices des chaînes de pharmacie sont désolantes, pour ne pas en dire plus.
Anecdote: la revue Prescrire n’accorde souvent aucune palme au conditionnement des médicaments examinés annuellement, un signe des défaillances chroniques des agences et des firmes à cet égard.
Des cartons jaunes voire des cartons rouges sont régulièrement attribués à certains fabricants. Pour l’exemple : la confusion des gammes ombrelles, l’absence de bouchons-sécurité (safety caps), l’imprécision de dispositifs doseurs, des notices inadéquates concernant les risques, un étiquetage incomplet ou à risque d’erreur, etc.
Ces cartons sont attribués quand un conditionnement :
- a) fait courir un risque au patient,
- b) ne favorise pas la compréhension de l’utilisation,
- c) manque de mentions essentielles,
- d) ne rend pas l’utilisation commode,
- e) manque d’un élément de sécurité, ou
- d) induit un risque de confusion
Chaque jour il y a des risques d’erreur (les near miss de l’aviation) et des erreurs dans les hôpitaux, les pharmacies, les hébergements, les domiciles. On ignore leur fréquence car rarement rapportées.