Cui-cui #6 : La santé à tout prix ? ou L’entreprise a tout pris ?
La pandémie en perspective. Vue d'ensemble du rapport à la santé. Nouvelle version, allongée de Cui-cui # 4.
Auteur : Pierre Biron, Co-auteur : Jean-Claude St-Onge
UNE JOUTE EN TROIS PÉRIODES
Première période :
Avant la pandémie une certaine médecine préventive à la recherche de « surplus » de santé (pour une santé parfaite) était née de la recherche sur les facteurs de risque et nous a menés à adopter des styles de vie dits « sains » mais contraignants. Ses dogmes, promus par les entreprises et relayés par les professionnels et les médias puis repris par les gouvernements et leurs santés publiques, ont été intériorisés.
Deuxième période :
Qu’arrive la pandémie, les relais se font en sens contraire : les gouvernements et leur santés publiques sous pression nous imposent des mesures de protection et les directives sont reprises docilement par les professionnels et les médias. Les degrés de contrainte, la rigueur scientifique et le bon jugement varient selon les juridictions et le temps, signes que nos représentants sont dépassés par un virus qui déjoue leurs stratégies et que pour la première fois les incertitudes liées à la méthode scientifique sont mises à nu sur nos écrans.
Troisième période :
Apparaît alors le grand espoir, un sauveteur, la vaccination. L’industrie met en pause ses autres projets : c’est la course effrénée aux brevets (et aux monopoles), la négociation de prix (derrière des portes closes) avec des ministères inexpérimentés ou influençables pris en otage et des modes de production époustouflants. L’industrie prend le haut du pavé et oriente la pensée dominante. Les agences du médicament coincées entre un vendeur cupide et ingrat, et un acheteur empressé, autorisent la commercialisation urgente avant de terminer une irremplaçable évaluation rigoureuse.
AVANT LA PANDÉMIE
Par elle-même la surmédicalisation est déjà contraignante, en fait, auto-contraignante car on intériorise les nouveaux dogmes sanitaires apparus vers la fin du 20e siècle. En effet la médecine ou plutôt la « santé » devenue la « santé parfaite » par glissement sémantique, propulsée par la recherche sur les facteurs de risque renommés maladies, cooptée par l’industrie qui a sauté sur l’occasion et relayée par la santé publique et les élus, avait déjà envahi la vie privée avant la pandémie.
Le surdiagnostic, le dépistage, le surtraitement, la surmédicamentation, l’alimentation « saine », l’anti-sédentarisme et l’anti-tabagisme sont tous devenus monnaie courante, souvent avec raison, parfois avec excès. On recherche la santé parfaite physique et mentale. Les Ivan Illich, les Thomas McKeown, nous l’avaient prédit. Le transhumanisme nous imprègne, certains rêvent de l’homme cyborg. Jacques Dufresne nous le rappelle souvent.
On en vient à s’imposer avec fierté toutes sortes de contraintes et d’activités afin de satisfaire aux conditions associées à un surplus de santé, terme choisi par l’anthropologue américain Joseph Dumit (Drugs for Life. Durham, Caroline du Nord : Duke University Press; 2012).
Davantage de muscles et d’endurance (jogging, gymnase, course), meilleure apparence physique (Botox©, liposuccion, implants, stéroïdes), meilleure performance sexuelle (Viagra© et cie., suppléments hormonaux), meilleure densité osseuse, suppléments alimentaires tous azimuts et diètes miracles, meilleure performance mentale, toujours pour une santé plus que parfaite.
Quant à l’espérance de vie, on recherche la meilleure protection contre la mort par des bilans de santé annuels, des dépistages de masse (cholestérol, glycémie, cancers de la prostate, du sein, de la thyroïde … ) et les mirages biomédicaux qui en découlent. Une certaine gauche bien-pensante s’en tape les mains sans tenir compte des déterminants sociaux (pollution, pauvreté, ignorance et inégalités sociales).
Le concept de bonne santé se transforme en chiffres (Prescribing by Numbers, Jeremy Greene, Johns Hopkins University Press, 2007). Par exemple des niveaux de tension servent à distinguer la haute pression de la normale, mais cette normalité dépend d’un seuil à ne pas franchir, et ce seuil est d’année en année ramené vers le bas par des instances médicales sous influence pharmaceutique : 160 mmHg, 150, 140 voire 130 et pouquoi pas 120 ?
Une seule mesure dépassant le seuil, un diagnostic fait à la sauvette, et vous voilà étiqueté et médicamenté pour toute une vie. La réponse dépend de l’expert consulté; les plus sages et indépendants vous diront que cela dépend de l’âge, du sexe, de l’état de santé, de l’espérance de vie et de la répétition des mesures.
Cette médecine dite préventive devenue si envahissante sera qualifiée de présomptueuse, arrogante et péremptoire par nul autre qu’un fondateur de la médecine scientifique moderne dite factuelle (evidence based medicine), David Sackett à Hamilton, Ontario. Mauvaise nouvelle, Steve Morgan de l’Université de la Colombie britannique, a découvert que le Québec était le champion provincial des ordonnances dans ce domaine (The Canadian Rx Atlas, 3rd Edition).
Des médecins généralistes inspirés comme le belge wallon Marc Jamoulle nous proposent comme résistance passive les mesures à prendre pour protéger les bien-portants et les malades des effets pervers de la surmédicalisation et en font une mission de la santé publique et de la médecine de famille.
Il faut se protéger de la prévention mal avisée, alors que la promotion de nouveautés pharmaceutiques est relayée trop facilement par des comités de directives cliniques et que depuis 3-4 décennies, à peine 10% des nouveautés procurent un avantage thérapeutique tangible (Conseil du prix des médicament brevetés au Canada et Revue Prescrire en France).
Savoir déprescrire devient un devoir dans l’optique d’une bonne pratique clinique, surtout en gériatrie; un Réseau canadien de déprescription a d’ailleurs été lancé à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. L’initiative médicale Choisir avec soin évalue d’autre part à un million par année les interventions médicales inutiles au Canada. En France on gaspillerait 10 milliards par an par le mauvais usage généralisé du médicament (Bernard Bégaud, La France malade du médicament; 2020)
Pendant des décennies les industries sanitaires profitent des dogmes d’une médecine préventive dévoyée et dont les acteurs font preuve d’un manque de sens critique et redéfinissent périodiquement nos surplus de santé aux dépens de nos ressources. Personne n’a plus le droit d’être bien-portant, c’est le retour du Dr Knock (1923) de Jules Romain, « le bien portant est un malade qui s’ignore ».
Heureusement des soignants universitaires clairvoyants comme Gilbert Welch et Nortin Hadler aux É.-U. et Peter Gøtzsche au Danemark, traduits par Fernand Turcotte à Montréal, publient une brochette de livres pour démontrer à un public averti que trop de médecine peut être aussi dommageable que trop peu. « La poursuite exclusive de la santé conduit toujours à quelque chose de morbide » est une citation bien à propos, par le londonien Gilbert Keith Chesterton. La pratique d’une « médecine des bien-portants » ne représente pas la meilleure utilisation de nos ressources médicales limitées.
Les généralistes sont-ils libres de lutter contre la surmédicalisation ? Pas sûr. Pas facile pour un médecin de famille de conseiller l’arrêt d’un traitement inutile et risqué prescrit par un spécialiste, pas facile pour un pharmacien de ne pas vendre un médicament inutile quand les ventes sont sources de rémunération, pas facile d’expliquer au client bien-portant du mal fondé de certaines campagnes de dépistage de masse (revue Prescrire 2020;40(441): 554; 557), du traitement trop hâtif d’une « hypertension labile, des hyperlipidémies de bon repas, des diabètes de galette des rois, des mauvais sommeils de 8 heures », des renouvellements inutiles.
On dépense beaucoup, on subit des effets indésirables parfois fatals, on augmente notre niveau d’anxiété pour tenter de vaincre le vieillissement, la fragilité, les limitations, la laideur, même la « brièveté de la vie » car sans religion ou spiritualité vaut mieux éviter d’y penser et la reporter le plus loin possible, quitte à passer ses dernières années dans un état plus ou moins déplorable, si déplorable parfois que le suicide assisté lorsque permis ou l’euthanasie déguisée se pointent le nez.
C’est le nouveau visage de la recherche d’immortalité, celui du transhumanisme qui remplace la religion et la spiritualité. C’est l’absurde « homme nouveau » augmenté. Bref, de l’humain déshumanisé qui refuse ses limites. Tout acharnement préventif se fait aux dépens de la liberté, un dommage collatéral du santéisme. On finit par se demander si les ingénieurs du corps humain en quête de longévité produisent plus de mal ou plus de bien.
À table on va nous dire quoi manger. Pendant des décennies il faut éviter les gras, ce qui appuie d’ailleurs par ricochet l’emploi de réducteurs de lipides sanguins (statines comme Lipitor©, Crestor© et cie.), pilules qui n’ont jamais rempli leurs promesses et dont certains sujets se font renouveler les ordonnances ad vitam aeternam.
On remplace le beurre par la margarine sans avoir la preuve de ses bénéfices cliniques; de toute façon l’hypothèse lipidique n’a plus beaucoup l’appui de scientifiques neutres et des douzaines d’études cliniques confirment que les aînés au « mauvais » cholestérol plutôt élevé vivent plus longtemps (Uffe Ravnskov, sur THINKS.org).
Pendant que les tablettes des grandes surfaces foisonnent de produits « sans cholestérol, faibles en gras », on découvre que le grand prêtre de l’hypothèse lipidique était secrètement financé par l’industrie des sucres : l’Américain Ancel Keyes avait manipulé les faits en choisissant 7 pays parmi les 22 examinés, comme par hasard les seuls qui démontraient une corrélation entre les gras alimentaires et les crises cardiaques. Ses compatriotes se bourrèrent de sucres.
Néanmoins la santé publique et la médecine populaire continuent de contrôler nos assiettes en déconseillant les sucres raffinés. Bien de ceux-ci mènent au diabète de la maturité dit type 2 et à l’obésité. Par contre, on utilise des succédanés sans calorie sans trop savoir s’ils augmentent ou diminuent la résistance à l’insuline. Les industries alimentaires introduisent ces sucres dans presque tous les mets préparés vendus en grandes surfaces et au menu des restos rapides. La classe précarisée se contente d’aliments malsains moins chers.
On tolère que laits, yaourts, céréales, charcuteries, etc. soient devenus des produits transformés, même lorsque qualifiés de « nature », bien éloignés de ceux consommés par les grand-mères des îles grecques, italiennes ou japonaises où l’on bat des records de longévité. Îles sans pollution, sans disparité socio-économique marquée, socialement cohésives, où l’on cuisine à la maison. Sommes-nous vraiment libres, citadins des grandes villes à la merci des mondiales de l’agro-alimentaire, de manger autrement ?
Ensuite on s’attaque à l’alcool, on prêche l’abstinence, jusqu’au jour où l’on accepte même aux États-Unis que le régime dit méditerranéen proposé en France (Michel De Lorgeril et autres) est le plus recommandable et inclut un peu de vin avec le repas du soir.
Souvent l’embonpoint peut céder quand on décide de manger moins, moins vite, moins seuls, moins souvent sans recourir au mirage des diètes miracles mises au rancart l’une après l’autre. Les autorités en nutrition pondent des directives qui changent périodiquement et se contredisent, la nutrition n’étant pas plus exacte que l’économie.
Et puis c’est le sexe qui en prend un coup : qu’arrive le sida et plus question de faire l’amour sans condom, en attendant d’être testé de part et d’autre, et la positivité entraîne la discrimination. La santé publique entre dans la chambre à coucher, cette fois avec raison bien sûr puisque ce virus sait bien comment se propager. Noter qu’aucun vaccin n’a pu être mis au point en quatre décennies.
On valorise une prévention biologique proactive basée sur des calendriers de dépistage d’anomalies dans les molécules plasmatiques et l’imagerie corporelle (vecteurs de fortuitomes), d’imperfections de la mémoire des aînés ou de l’humeur à tout âge.
Attention à nos gouvernants qui vendent à rabais nos résultats d’analyse livrés en pâture aux banques de données nuagiques (Américaines) qui les refileront aux mondiales du médicament avides de les interpréter par intelligence artificielle à la recherche de marqueurs et de facteurs de risque dont l’importance et l’utilité pour la santé sera immanquablement exagérée par intérêt commercial.
Une fois testé positif, on est marqué pour longtemps, c’est écrit dans notre dossier médical informatisé et donc partagé. Les produits de santé préventifs qui en découleront enrichiront des actionnaires, permettront aux politiques de mieux jouer aux protecteurs de notre santé et faciliteront la discrimination par les assureurs et les employeurs.
DEPUIS LA PANDÉMIE
Pas besoin de mentionner le stress des confinements, des sorties contrôlées, du nombre de personnes qu’on peut recevoir ou visiter, chez qui on peut ou ne peut pas aller selon le type d’habitation, leur lieu de résidence, leur histoire de contacts, leur voyage récent, leur lien de parenté, les risques de leur occupation.
Question sexe, une très professionnelle et compétente hygiéniste en chef est allée jusqu’à suggérer (le 2 septembre 2020) la masturbation comme activité plus sécuritaire en temps de pandémie ainsi que le port du masque et l’évitement de contacts faciaux lors d’une nouvelle rencontre amoureuse en chair et en os. Sans commentaire.
Un ami européen, expert en santé publique par surcroît, se plaint durant une période de confinement strict de ne pouvoir sortir de son chalet en bord de Méditerranée pour aller se promener sur son bout de plage déserte, ni d’enlever son masque pour respirer de l’air pur, ni même de faire du kayak près de criques inhabitées, un drone pourrait le retracer et en faire un dangereux délinquant criminalisé. Le masque obligatoire aux bien-portants dans une rue déserte, c’est logique ?
On ne peut plus aller au théâtre, au cinéma, à l’église, à la librairie, au concert classique, à la bibliothèque, même si la distanciation y est respectée, la ventilation convenable et les masques bien ajustés, ni manger dans des restaurants qui respectent toutes les règles et sont même prêts à fermer leur bar et cloisonner les espaces. Au diable la culture, les carrières de nos artistes, la religion, la socialisation minimale des enfants et des personnes seules, le répit pour les femmes « à la maison ».
Certains fêtards plutôt jeunes se rassembleront clandestinement malgré l’interdiction, c’est évidemment répréhensible; si quelques-uns d’entre eux diront que le geste est politique, les autres diront que c’est pour décompenser après une année porteuse de privations, d’angoisse quant à leur avenir, et de découragement. Et on ne sévit pas contre les hôtels qui les hébergent.
Les dérapages vont de l’enfermement par l’extérieur du domicile de familles délinquantes (la police chinoise l’a fait à Wuhan) jusqu’au verrouillage de la porte de chambre d’aînés déments en résidence. Votre proche-aidé se meurt à l’hôpital, à la résidence, au CHSLD/EHPAD, vous ne pouvez pas quand la fin approche aller lui tenir la main, lui fermer les yeux. Combien ont envisagé le suicide ? Combien de grands parents n’ont pu voir leur progéniture depuis des mois alors que c’est le seul plaisir qui leur reste dans la vie ?
On a calculé que l’introduction du virus dans les CHSLD provenait surtout du personnel, pas des proche-aidants que l’on interdit souvent et qui ne coûtent rien. L’isolement strict dans leur chambre de résidence communautaire pour aînés autonomes ou semi-autonomes, sans aucun visiteur, est-il acceptable? Quelques-uns, quelques-unes sont laissé mourir de faim (dont une dans ma famille élargie).
Que dans une région on n’ait pas le droit de sortir de son domicile, cela se voit durant la guerre (explosions attendues), au cours d’une opération de police (actes de terrorisme) ou pendant le nuage toxique d’un incendie chimique, mais ne dure pas longtemps. Cela nous fait penser à l‘assignation à domicile, un substitut de la prison ferme, appliqué à des innocents.
Des amendes plusieurs fois plus élevées qu’en Europe pour se réunir soulèvent des questions. Les rassemblements irresponsables sont certes déplorables, mais la ligne est floue entre dénonciation et délation, et on n’est tout de même pas en Allemagne de l’Est à l’époque de la Stasi. L’isolement de la quarantaine stricte a pour effet secondaire d’empêcher de descendre dans la rue pour quelque motif que ce soit, des politiques l’ont sûrement remarqué, et la cerise sur le gâteau, le couvre-feu, mène à davantage de contrôles policiers.
Des pays autoritaires en profitent pour peaufiner le contrôle de leur population. Mais même en démocratie certaines autorités pourraient utiliser la santé publique par ambition politique personnelle. Cela fait penser au plaisir qu’éprouvait le Dr Knock d’avoir pris le contrôle de son village: « Dans quelques instants, il va sonner 10 heures, pour tous mes malades c'est la deuxième prise de température rectale, et dans quelques instants, 250 thermomètres vont pénétrer à la fois… ».
Une consigne de quarantaine peut frapper dur chez les moins nantis. Si vous n’habitez pas seul ou seule, elle peut inclure de dormir dans un autre lit, de passer la journée dans une pièce inoccupée, d’utiliser une toilette qui vous est réservée, de manger en privé, de regarder la télévision en solo, de sortir dans sa cour privée, même d’éviter une promenade en rue déserte par crainte d’être verbalisé.
Mais combien de couples, de familles ou de mères monoparentales ont une chambre pour invités, une pièce inoccupée par les enfants, deux télévisions, deux salles de bain, deux tables à manger, une cour privée, l’Internet, deux lignes pour les réseaux sociaux et un chien pour promenade permise ?
Les masques à l’extérieur affadissent la vie sociale, on teste sans consentement des groupes à risque, le langage paternaliste des autorités culpabilise. Les fermetures commerciales paupérisent, notamment les propriétaires et employés des petites entreprises. Des employés au salaire minimum, des racisés, des immigrants, beaucoup de femmes. Les fermetures éducationnelles en personne découragent nos étudiants collégiaux et universitaires d’ici ou venus de l’extérieur. L’augmentation de la dépendance aux substances.
La charge mentale des femmes est doublée par le télétravail, les fermetures d’écoles, le chômage du conjoint favorisant la violence conjugale. La téléconsultation médicale rend la pratique difficile et le masque nuit à la relation soignant-soigné durant la consultation en personne. Les ordonnances d’antidépresseurs ne cessent de croître. Les secours psychologiques sont dépassés.
On attend un recul historique des natalités à cause des pertes d’emploi, au moment même où il semble impératif de rajeunir la démographie québécoise dont le taux de vieillissement est un des plus élevés au Canada et même dans les pays développés.
Une généraliste chef d’équipe médicale en soins à domicile dénonce le confinement dans les résidences privées pour aînés autonomes – pas le droit de sortir prendre l’air, de recevoir un proche - elle a l’impression qu’on sacrifie la vie de ces personnes âgées pour avoir de belles statistiques de mortalité et a constaté des impacts plus graves que la covid elle-même tels que la malnutrition, la dépression, voire la psychose (Le Devoir, Montréal, Section Santé, 1.3.2021).
Les politiques prennent des décisions parfois sensées mais parfois insensées. Dès le 28 février 2020, l’Oms préconisait d’interrompre les chaînes de transmission, de trouver, isoler et prendre en charge chaque cas et rechercher tous les contacts. Plusieurs n’ont pas réagi à temps. Ils pensent aussi à leur popularité chez les électeurs, aux sondages, et ne révèlent pas leurs problèmes avec l’approvisionnement du matériel de protection et des tests, avec le retraçage et avec l’isolement des infectés. Et on hésite à bannir les voyages de loisir à l’étranger et à surveiller de près la quarantaine des arrivants par avion.
Les autorités font des choix parmi les recommandations de la santé publique, elle-même victime des incertitudes épidémiologiques entourant le virus, et parfois les contredisent ou les ignorent. La transmission d’articles scientifiques fiables aux cabinets ministériels sans accusé de réception donne l’impression que cette contribution citoyenne est du temps perdu. L’entretien de la peur documentaire et les mensonges par omission ne font qu’augmenter l’anxiété de tous, diminuer la résilience et fragiliser le contrat social.
Pas besoin de surfer longtemps avant de découvrir ici et ailleurs des mesures contraignantes de protection qualifiées de contradictoires, ratissant trop large, imprévisibles, illogiques, improvisées, mal fondées, trop hésitantes ou trop hâtives, présentées de façon infantilisante ou tronquée. Pourtant certains pays ont réussi avec la triade ‘dépistage, retraçage, isolement’ d’une minorité tout en laissant les gens sortir, écoles, commerces et restaurants ouverts. Corée du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Taïwan, Vietnam, Japon ont été beaucoup moins touchés, alors pourquoi ?
Les informations grand public sont filtrées. On rapporte des taux de décès covidiens quotidiens sans les comparer aux décès non covidiens survenus le même jour, nous privant du taux de surmortalité virale; il ne faudrait pas que la sensibilité à l’idée de la mort occulte ces réalités.
On ignore encore la validité des certificats de décès covidiens, variable selon les régions; on ne peut signer la cause d’un décès de façon laxiste voire intéressée quand on sait que l’attribution au c19 nourrira les statistiques sur lesquels les décideurs se fonderont pour prendre de graves décisions. On diffuse peu souvent le taux de mortalité covidienne par habitant, par groupe d’âge, par ethnies, par code postal, par lieu et type d’habitation.
Le public aimerait connaître le taux des faux positifs chez les asymptomatiques avec les tests dits CPR, ce qui inquiète ceux mis en quarantaine. Quand un aîné fragile en institution sanitaire décède et qu’on attribue la mort au c19 en se fiant seulement sur un PCR positif, si c’est un faux positif le diagnostic du décès est faux lui aussi et les taux de mortalité en sont gonflés.
La difficulté à contrôler la pandémie est attribuée, selon les régions du globe, à la délinquance citoyenne (pays latins), l’improvisation, les changements de cap, les incertitudes scientifiques, moins de grands-parents à la maison, la hiérarchie des valeurs, l’impossibilité de la mission, des hôpitaux mal préparés, l’opacité des messages, les contrats sans appel d’offre, une virulence croissante, les problèmes d’approvisionnement de matériaux de protection, trop de voyages, les ruptures de personnel soignant, une contagiosité accrue, la lassitude des décideurs, une population plus vieilissante, des facteurs culturels (catholicisme et francophonie), moins d’immigrants (généralement en meilleure santé), un variant sournois, et j’en passe.
On comprend que nos élus actuels au Québec aient dû composer avec l'incurie des administrations précédentes mais on se demande pourquoi la province est la plus distincte en termes d’infections et de létalités covidiennes depuis le début. En fin de première vague de juin 2020 les morts cumulées du Québec faisaient un peu plus de la moitié de toutes celles du reste du Canada, surtout à cause de l’hécatombe dans nos CHLSD/EHPAD. Et durant la seconde vague le 19 janvier 2021, le rapport québécois entre les décès et les cas était de 1 décès par 27 cas, celle au Canada de 1 décès par 39 cas, une différence de 44%.
Pourquoi cette distinction du reste du Canada alors que la 2e vague était prévisible ? Un premier livre au Québec tente de répondre :
« Système d’alerte en panne, fausses pistes scientifiques, préparation en catastrophe des hôpitaux, tragédie dans les CHSLD, chasse planétaire aux équipements de protection, hésitations sur le port du masque, sévère plan de confinement pour Montréal… Ce suspense se lit comme un roman sauf que tout est vrai. La réalité dépasse la fiction dans le livre de Alec Castonguay chez Québec Amérique, Montréal, 2012 : Le printemps le plus long : au cœur des batailles politiques contre la COVID-19. (Distributeur français : www.librairieduquebec.fr).
Au plaisir de lire les enquêtes en France, elles ne manqueront pas de croustillant.
POTS CASSÉS À RÉPARER
LES MÉDECINS DE FAMILLE
Si on doit impérativement réduire l’engorgement des soins hospitaliers et intensifs, c’est que notre système provincial n’était pas et n’est pas encore prêt à affronter une telle pandémie, reflet d’une politique managériale centralisatrice et de restructurations néolibérales qui depuis des décennies et notamment quand des médecins étaient au pouvoir, ont dépouillé le service public d’une gouvernance efficace, a laissé tomber les CLSC (Centres locaux de santé communautaire), n’a pas obtenu l’accès généralisé aux médecins de famille tout en favorisant les spécialistes par des politiques hospitalo-centristes, et a fermé trop de postes.
Avec ce qu’ont coûté réellement les deux nouveaux centres hospitalo-universitaires de Montréal on aurait pu doter la communauté métropolitaine de plusieurs hôpitaux de moyenne dimension et de cliniques multidisciplinaires bien réparties.
On aurait pu confier aux médecins généralistes, en les encadrant et les outillant bien, la tâche de surveiller leur clientèle dès les premiers symptômes avec des tests valides et rapides, un questionnaire pertinent, l’auscultation, des conseils sur les moyens naturels pour renforçer l’immunité, voire des traitements symptomatiques pour lesquels il y aurait des données relativement fiables même s’ils comprennent des médicaments présentement non autorisés dans cette indication, afin qu’ils réfèrent à l’hôpital tous ceux, et seulement ceux, ne pouvant être soignés en ambulatoire et ainsi alléger le fardeau hospitalier.
Encore aurait-il fallu en premier lieu que dans la province l’accès aux médecins de famille ne soit pas si lent, si restreint et si mal réparti. Cette faille importante a commencé avant la pandémie. Une montréalaise me confiait le 28 janvier 2021 qu’elle devra attendre 435 jours avant d’avoir un médecin de famille du régime public. Un citoyen qui se croit atteint n’a que deux choix, une clinique privée ou les urgences.
LE MENTAL DES ENFANTS
Depuis la pandémie on intensifie le dépistage des troubles de comportement dans les écoles américaines et canadiennes, sous l’influence des entreprises et la complicité des directeurs pédagogiques et des ministères, pour psychiatriser et médicamenter dès le jeune âge, voire en les y obligeant légalement, au risque de gâcher leur vie, alors que ces troubles résultent du manque de contacts sociaux, du télé-enseignement forcé, de la dépendance aux écrans (Elia Abi-Jaoude, CMAJ 2020;192(6) : E136), des familles dysfonctionnelles, du burnout des « femmes à la maison », de la promiscuité dans les petits logements.
On a besoin de personnels appropriés pour appuyer les enseignants, pas de colporteurs de psychotropes. Et si le télé-enseignement au primaire et au secondaire s’est déjà avéré moins efficace chez les jeunes de familles éduquées, c’est encore pire chez les défavorisés. En plus de forcer la vision par trop d’heures d’écran et d’empirer leur sédentarisme.
RECOMMANDATIONS
Avec une fraction des 6 types de coûts vaccinaux - subventions, précommandes, achats, distribution, inoculation et responsabilité civile - on aurait pu :
(a) diminuer les facteurs de contagiosité dans les CHSLD/EHPAD, les résidences pour aînés autonomes, chez les minorités défavorisées, dans les quartiers pauvres, dans les prisons, au travail;
(b) adapter et équiper écoles et établissements sanitaires à la nouvelle situation;
(c) établir et financer des normes de soins appropriées (gouvernance et personnels) dans les CHSLD publics;
(d) légaliser la nationalisation des CHSLD privés, dont les taux de négligence mortelle de certains ont soulevé une vague d’indignation au pays et tel que recommandé par Médecins du Québec pour un régime public (Avril 2020, sur mqrp.qc.ca).
LE GRAND ESPOIR
Industries, santés publiques et gouvernements promettent la main dans la main des surplus de protection pandémique par l’annonce triomphante de 164 vaccins en essais précliniques dans les laboratoires et 48 en essais cliniques, chiffres de l’OMS en novembre 2020.
Les premiers disponibles début 2021 contiennent le plus d’inconnu – Pfizer/BioNTech et Moderna – car ils introduisent du matériel génétique synthétique dans l’intimité de nos cellules, l’ARN messager porteur de la séquence de la protéine de la spicule du virus, dite aussi protéine S (Spike), pour que les cellules synthétisent à leur tour cette spicule qui servira d’antigène devant déclencher la formation d’anticorps spécifiques au c19 par notre système immunitaire.
Des fabricants se sont lancés dans cette voie qui consiste à reproduire des quantités gigantesques de ces « bouts de gènes » synthétiques au lieu d’utiliser des méthodes plus traditionnelles, la production d’ADN ou d’ARN ne requérant que la séquence du matériel génétique viral.
Cet ARNm vaccinal était de 69% à 81% « intègre » dans les lots expérimentaux chez Pfizer, mais on découvrit qu’ils descendaient jusqu’à 51-52% dans les lignes de production massive des lots commerciaux et alors il a fallu se réajuster à Puurs en Belgique flamande. On a donné, comme explication des retards de livraison, la nécessité d’agrandir et de moderniser l’usine, ce qui affecte grandement le Canada.
Les agences américaines, européennes et canadiennes du médicament sous haute pression politique ne s’inquiétèrent pas de ce problème en novembre 2020, à savoir une diminution possible de la réponse immunitaire et l’accumulation d’ARN « tronqués » dont on ignore les risques.
Pfizer a promis de retrouver un taux d’intégrité à 75% mais on attend la confirmation. Lire Lise Barnéoud dans Le Monde du 16 janvier 2021 qui s’inspire des documents secrets volés à l’Agence européenne le 20 décembre 2020. Vaudrait-t-il mieux attendre que les premiers vaccins de type ARN messager soient suffisamment évalués pour éviter de mauvaises surprises avec un mécanisme d’action inédit chez l’humain ? La sagesse traditionnelle dit oui, l’urgence politique dit non.
Restons prudents, on a vu ce qui arrive aux avions 737 MAX quand Boeing « tourne les coins ronds » (québécisme populaire). Ceux qui qualifient l’introduction de matériel génétique de synthèse dans nos cellules de « viol qui les transforme en organismes génétiquement modifiés, et la population vaccinée en cobayes » vont trop loin car l’ARNm de Pfizer-BioNTech et Moderna ne peut entrer dans le noyau cellulaire. Le mécanisme diffère toutefois chez Astra-Zeneca dont voici le principe actif:
« Adénovirus de chimpanzé codant pour la glycoprotéine Spike du c19, produit sur des cellules rénales embryonnaires humaines génétiquement modifiées et par la technologie de l’ADN recombinant. Ce produit contient des organismes génétiquement modifiés » (Monographie européenne de A-Z, EMA, RCP, 29.1.2021).
Souvenons-nous que dans tous les domaines de la médecine préventive c’est en vaccinologie que l’omerta est la plus visible, sans jeu de mots, et les données complètes des essais demeurent confidentielles comme des secrets d’État. Même les plus prestigieuses revues scientifiques s’autocensurent en vaccinologie. Un autre genre d’endémie.
Les journalistes influenceurs, tous médias confondus, savent cela et craignent de perdre leur emploi, être dénigrés ou harcelés ou menaçés de poursuite juste pour avoir osé poser des questions concernant tout nouveau vaccin breveté. Pourtant l’autocensure dans les débats scientifiques ne fait que nuire à l’éclairage des décideurs sanitaires (Jeanne Lenzer & Shannon Brownlee, Scientific American, 30 novembre 2020).
Quant aux médecins universitaires qui publient ou diffusent des effets indésirables graves pouvant affecter les ventes d’un produit vaccinal ou non, ils savent qu’ils s’exposent à des rétorsions coûteuses comme des harcèlements, des blocages d’évolution de carrière, des congédiements, des réputations ternies, tellement les firmes sont influentes dans ces milieux.
Jamais, depuis les débuts de la médecine scientifique au milieu du 20e siècle, la vaccinologie a été aussi manipulée par des intérêts politiques et commerciaux, les chercheurs indépendants aussi bâillonnés ou ignorés, les agences du médicament aussi indument asservies (Éditorial, BMJ 2020; 371: m4425). Sous la terreur trumpienne la capture réglementaire a atteint des sommets à la FDA.
On peut dire comme Luc Perino que « La covid-19 a malmené les citoyens, les politiques et l’économie, mais il a surtout brutalisé la science […] et la modélisation d’une épidémie est une tâche insurmontable ».
Deux commentaires sont révélateurs:
« Pfizer a signé un accord avec la B&M Gates Foundation en septembre 2019. Le développement du vaccin a commencé le 10 janvier 2020 (Polack et al. N Engl J Med, 31 décembre 2020; 383: 2603-2615).
Le vaccin Moderna a commencé à être développé début février 2020 (Moderna Inc. 25 janvier 2021 sur https://investors.modernatx.com/node/10841/pdf, mais la déclaration d’état de pandémie n’a été proclamée par l’OMS que le 11 mars 2020 [après l‘avoir qualifiée le 30 janvier 2020 de « Urgence de santé publique internationale »].
Il est difficile de soutenir, comme c’est encore le cas actuellement, que les gouvernements ont été confrontés par surprise à cette pandémie ! » (Emma Kahn, AIMSIB, 21 février 2021). Au Québec la pandémie fut déclarée le 13 mars 2020.
« Sans transparence, la confiance du public est impossible. Afin de clarifier de nombreuses questions sur ces vaccins, il faut avoir accès aux données cliniques brutes au niveau des patients, par des chercheurs indépendants. Mais aucune des entreprises impliquées dans la stratégie vaccinale de l'Union européenne n’a partagé ces données avec des tiers à ce stade ...
Pfizer ne commencera à rendre les données brutes disponibles que 24 mois après la fin de l'étude. La déclaration de partage de données de Moderna indique que les données ’peuvent être disponibles sur demande une fois la période d'essai terminée’. Cela veut dire entre le milieu et la fin de 2022, car un suivi est prévu sur 2 ans » (NoGracias.org, 19 janvier 2021).
Les fabricants tirent les ficelles à l’Organisation mondiale de la santé par fondations caritatives interposées, dans des comités d’experts sponsorisés, dans les Santés publiques sous influence et dans les cabinets de nos dirigeants dont les portes restent grandes ouvertes aux lobbyistes.
Aux É.-U. des experts des Centers for Disease Control ou CDC ont des intérêts particuliers dans les entreprises vaccinales et les portes tournantes à la direction sont monnaie courante, tout comme à la FDA. Les actionnaires se réjouissent pendant que les gouvernants dépensent, légifèrent et moralisent.
La course folle entre les États pour obtenir en premier ces nouveaux vaccins fait penser à une chasse aux trésors où les plongeurs se battent pour aller ouvrir un coffre aperçu près d’une épave sans savoir si le trésor y est. « Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils [convoitent] » (Luc 23 :34)
Tandis que les firmes protègent jalousement leurs brevets sans partager leurs méthodes, c’est à qui négociera en secret le meilleur prix avec des gouvernements en position de faiblesse et qui préfèrent cacher les ententes et les contrats, incluant le prix par dose, la prime de livraison et sa cédule, l’immunité juridique, la propriété intellectuelle. Des milliards sont en jeu. Pauvres contribuables.
Ces tout puissants fabricants refusent de partager leurs méthodes avec les concurrents afin d’accélérer le développement en temps de pandémie, même si elles en ont été substantiellement subventionnées. Elles refusent aussi à mettre en œuvre la promesse d’un accès abordable en temps opportun dans les pays pauvres touchés. Tout cela à cause des [maudits] brevets qui font obstacle à cet accès (Pierru, Stambach et Vernaudon, Le Monde Diplomatique, No 804, Mars 2021).
On suivra les blogues du professeur de pharmacie américain Peter Doshi sur bmj.com concernant les incertitudes vaccinales et les médiocrités méthodologiques. Aussi les réflexions de Bernard Dugué sur agoravox.com. Ne pas oublier que sans démonstration de réduction de la contagiosité, laquelle se fait attendre, un vaccin ne peut dispenser des mesures avérées utiles contre la transmission.
Qu’en est-il de la vaccination par des produits commercialisés en urgence avant d’avoir été suffisamment étudiés ? L’objectif logique bien sûr, est d’offrir un surplus de protection. Mais quand la covid survient quand même chez des vaccinés, il ne faut pas évoquer seulement une infection préexistante ou intercurrente, faut toujours évoquer aussi l’inefficacité. Faire connaître l’échec chez les vaccinés est un des objectifs d’une surveillance réactive, indépendante et transparente.
En cas d’effet indésirable post-vaccinal invalidant ou mortel, les fabricants jouissent d’une immunité juridique accordée servilement par l’État auprès duquel il faut soi-même quémander réparation. Le Québec se dotait en 1985 d'un programme d'indemnisation des victimes d'une vaccination sans égard à la faute mais en pratique seulement 6 523$ ont été versés entre 1988 et 2020, des poussières administrées par la Société de l’assurance automobile du Québec. Aux É.-U. le Countermeasures Injury Compensation Program a rejeté 90% des réclamations vaccinales durant la dernière décennie. Il faut prouver le lien de causalité, aller en appel, bonne chance…
On commence à rapporter des décès européens colligés par Eudravigilance et survenus après la première dose chez des personnes très fragiles en EHPAD, sans toutefois divulguer les éléments cliniques, recueillis avant et après la vaccination, pourtant si essentiels pour évaluer un lien de causalité.
Le nombre de personnes à vacciner pour en protéger une commence à être connu. Le Nombre Nécessaire de Vacciner (NNV) tel qu’observé dans les essais cliniques vaccin c. placebo et donc en conditions expérimentales et destinés aux agences de santé en vue d’une autorisation d’urgence et aux revues savantes, est l’inverse arithmétique de la réduction absolue du risque, seule variable valide pour exprimer l’efficacité clinique, contrairement à la réduction relative du risque trompeusement proposée à cet effet par les sponsors vaccinaux rapportant le résultat de leurs études.
À titre d’exemple, certains résultats pour le Moderna permettent de calculer un NNV expérimental de 176 pour prévenir la maladie et de 1 370 pour en prévenir une forme grave (Cunningham, BMJ 2020; 371: m4471), bien que l’efficacité présentée était une réduction relative du risque à hauteur de 94,5%. Le même raisonnement s’applique aux autres vaccins.
Certains citoyens et soignants, dans un premier temps, refuseront l’offre vaccinale:
a) Soit par principe, ils n’aiment pas les vaccins. D’accord que certains calendriers vaccinaux dans l’enfance sont très chargés dans certaines juridictions. Chaque vaccin est un cas particulier. Plusieurs sont des grands classiques incontournables, d’autres sont bons alors que quelques-uns demeurent discutables.
b) Soit empiriquement parce qu’une connaissance vaccinée a fait une grosse réaction anaphylactique et dut recevoir une injection d’adrénaline intramusculaire, risque acceptable à condition seulement d’être rarissime et que ledit vaccin soit démontré efficace sur des critères pertinents dans une majorité des vaccinés, ce que tous nous souhaitons mais attendons encore.
c) Soit scientifiquement, quand des soignants et des experts qui ont pris connaissance du peu de données disponibles préfèrent attendre l’achèvement de l’évaluation expérimentale et de l’observation sur le terrain. Ils ont le droit de s’exprimer sans discrimination par leur employeur ou leur Ordre tout en souhaitant que l’efficacité vaccinale soit au rendez-vous. Une éventuelle obligation, même chez les soignants, serait non éthique et d’ailleurs le Conseil de l’Europe s’y oppose en Assemblée parlementaire le 27.1.2021 (pace.coe.int/fr/files/29004/html).
d) Finalement, quelques rares refus pourraient être un message à la société : au-delà du matériel dans la vie, il y a du spirituel, et une certaine conception de la liberté consiste à pouvoir faire des choix individuels, à dire non en certaines occasions, cela nous distingue des autres créatures. Pour paraphraser Fiodor Dostoïevski dans ses Notes d’un souterrain, 1864, la liberté fait partie de ce « surplus d’humanité » que l’on retrouve chez l’HomoVivens de Jacques Dufresne.
Il ne faut pas démoniser ces hésitations car l’expression « Sûr et efficace » utilisée en réglementation pharmaceutique n’a jamais voulu dire « Totalement sûr et totalement efficace »; c’est plutôt une formule technocratique simpliste choyée par les industriels et reproduite par professionnels et médias.
Si un vaccin s’avère efficace contre l’hospitalisation, cette protection avantagera la personne et les ressources médicales ; s’il protège aussi contre la contagiosité, la citoyenneté et les ressources médicales en profiteront. Ce sera alors un vaccin « égoïste » et « altruiste » selon la formule de Luc Périno (Médecine 2018;14(2):56).
Ce qu’on attend d’un vaccin est qu’il protège longtemps toutes les catégories de sujets quant à la virulence et à la contagiosité, en plus d’être accessible. Nous verrons si les vaccins proposés tiennent leurs promesses; si c'est le cas tant mieux, sinon le Grand espoir pourrait se métamorphoser en Grande arnaque par acharnement vaccinal.
Durant la fausse pandémie H1N1 en 2009, le Québec fut champion au pays (3 fois plus de dépenses par habitant) et mondialement (par 5 fois) quant à sa couverture médiatique promouvant la vaccination (influencecommunication.ca, Bilan 2009). J’ai bien peur que cette distinction se répète en 2021, avant d’avoir le recul nécessaire, c.a.d. sans avoir comparé dans les mêmes milieux la mortalité des vaccinés à celle des non vaccinés.
ÉPILOGUE
Un jeune étudiant en économie et cycliste urbain fortement affecté par les confinements, m’a récemment posé trois questions déconcertantes :
a. Dans la Seconde guerre mondiale les Alliés ont sacrifié sans hésiter presque 11 millions de jeunes vies pour « sauver notre civilisation » du danger nazi et depuis la pandémie on voudrait « sacrifier notre civilisation » pour sauver des vieilles vies du danger covidien ?
b. Sauver du virus 60 vieillards malades dont l’espérance de vie est de 2 ans (120 personnes-années) a-t-il la même valeur que gâcher la vie de 2 vingtenaires dont l’espérance de vie est de 60 ans (120 personnes-années) ?
c. Une société de 8,5 millions (Qc) préfère-t-elle se faire faucher 0,5% de sa population (42 500) ou gâcher la qualité de vie des 99,5% (8 457 500) qui survivront ?
J’ai répondu spontanément à cet invincible :
Mourir intubé et seul n’est pas mon objectif de vie, et le tien non plus : aimerais-tu après avoir été heurté en vélo par un camion remorque, mourir dans l’ambulance refusée par chaque hôpital débordé de ta région ?
Une réponse longue aurait été trop compliquée.
C’est le respect des consignes qui incite à réfléchir sur les conséquences sociales et sociétales de nos réactions individuelles et collectives à la pandémie. Si c’est en temps de crise que se manifestent mieux la puissance des mondiales du vaccin, les stratégies des gouvernants et le caractère des gouvernés, c’est aussi le temps d’apprendre à en dialoguer publiquement et calmement en évitant les politiques et opinions extrêmes de nos voisins du sud. Ne sommes-nous pas déjà trop américanisés ?
Chez les Gafam, Big Vaccine (dont Bill Gates) et autres Big, et au Forum économique mondial, on applaudit pendant que les PME font leur deuil et que la précarité grandissante gruge inexorablement la santé physique et mentale. Si une pandémie désigne la mondialisation d’une épidémie mortelle, l’appellation mondialisation réfère aussi à une stratégie politique. Comme citoyen, laquelle est la plus dangereuse ?
Lors du post-mortem pandémique on pourra comparer les pertes de vies avec les pertes de libertés, et calculer les transferts d’argent des 99% vers les 1%. L’examen des cendres de l’incendie covidien devrait nous en apprendre davantage sur le noir épisode que nous traversons. L’Histoire pourra nous éclairer mais elle sera sujette aux valeurs de ceux qui l’écriront, on s’en doute et même on le redoute. Il faudra comme le penserait Hegel attendre quelque temps pour mieux saisir rétrospectivement les leçons, encore insaisissables, à tirer de la pandémie.