Théophraste
En rhétorique, il donnait, selon Cicéron, des préceptes soignés; en logique, il commentait, comme l’a montré Prantl, presque toutes les parties de l’Organon, il complétait, en plusieurs points, la théorie du jugement et du syllogisme; en métaphysique, il maintenait les principes du maître, spécialement sur le « nous » ou l’intellect dans l’homme, tout en manifestant parfois une tendance à faire appel à l’immanence là où Aristote invoquait la transcendance; en morale, il plaçait la vie spéculative au-dessus de la vie pratique; il insistait sur la nécessité de joindre les biens extérieurs à la vertu pour vivre heureux, et en ce sens peut-être disait que la fortune et non la sagesse régit la vie humaine. Il maintenait toutefois que la vertu mérite d’être recherchée pour elle-même; que sans elle, les biens extérieurs n’ont aucune valeur; mais il se montrait peu rigide et permettait à l’homme de s’écarter des règles morales pour gratifier son ami d’un grand bien ou pour lui éviter un grand mal. C’est surtout comme observateur de la nature ou de l’homme et comme historien que Théophraste occupe une place très voisine du maître. Il y a un grand nombre d’observations personnelles ou vérifiées dans l’Histoire où il distingue les plantes d’après leurs parties, leurs accidents, leurs naissances, leurs manières de vivre, leurs usages; dans les Causes, où il explique ces différences d’après les célèbres principes d’Aristote. Il y a, dans les deux ouvrages, l’affirmation, implicite et explicite, que la nature est soumise à des lois régulières. Les Caractères, quelle que fût d’ailleurs la place de cette collection de portraits dans l’œuvre de Théophraste, impliquent l’emploi de la même méthode, pour qui les considère en eux-mêmes et non dans l’originale imitation de La Bruyère. Elle se retrouve encore dans ses fragments historiques, où il classait sur chaque question les opinions de ses prédécesseurs, de manière à fournir, comme l’a établi Diels, des documents aux biographes, aux auteurs des Successions des philosophes et de doxographies, en particulier à celui des Philosophomena attribués tantôt à Origène, tantôt à saint Hippolyte, à celui des Stromates du pseudo-Plutarque, à Diogène Laërce et à Stobée, à cet Aétius chez qui presque tous ont puisé et dont Diels a tenté de reconstituer les Placita. Théophraste avait encore écrit des monographies sur les métaux, sur les pierres, sur les météores, sur les animaux, sur Anaxagore, Anaximène, Archélaüs, Démocrite, Diogène, Empédocle, Métrodore, etc., des recueils de lois, une histoire religieuse, une histoire de la géométrie, etc. Wimmer a édité ses œuvres, sauf les Caractères, en 3 volumes (Leipzig, 1854-1862), dans la collection Teubner où les Caractères ont paru en 1898.
source: F. Picavet, article « Théophraste » de la La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de « La grande encyclopédie », [191-?]. Tome trentième (Sigillateur-Thermopole), p. 1194-1195.