Lapons
Les Sami sont des indigènes de la Norvège, de la Suède et de la Finlande. Certains habitent également la presqu'île de Kola, en Russie. Depuis le 16e siècle, ils vivent dans presque toutes les régions nordiques, où ils sont actuellement sédentarisés. Leur territoire va de Idre, dans la région de Dalarne en Suède et les régions voisines en Norvège, au sud d'Engerdal dans le département du Hedmark. Au nord et à l'est, il va de Varanger, en Norvège, jusqu'à la presqu'île de Kola, en passant par Utsjoki, en Finlande.
On évalue leur nombre à environ 60 000 ou 100 000. Le chiffre de 70 000 est sans doute plus exact: 40 à 45 000 en Norvège, essentiellement au Finnmark (où ils sont environ 25 000). Ils sont à peu près 17 000 en Suède, 5 700 en Finlande et 2 000 en Russie.
On utilise parfois le mot samé sans le définir avec précision. Selon la loi N°56 du 12 juin 1987 traitant du Parlement samé (Sametinget) et d'autres problèmes juridiques concernant cette communauté (la loi samé), un Samé est une personne qui a: le samé comme langue maternelle, ou dont le père, la mère, ou un des grands-parents a le samé comme langue maternelle, ou bien qui se considère comme tel(le) et vit selon les règles de la société samé, et qui est reconnu(e) par la communauté samé comme l'un des siens.un parent (père ou mère) qui remplit les conditions énoncées ci-dessus.
C'est ainsi que l'usage courant de la langue est essentiel pour déterminer si une personne peut se dire Samé et si elle a le droit d'élire un représentant au Parlement ou d'y être éligible. La définition telle qu'énoncée ci-dessus est aussi utilisée en Finlande pour le Parlement samé. Lorsque la Suède en viendra à créer un Parlement similaire, il est probable qu'elle adoptera la même définition. "
"La langue
Faisant partie de la branche finno-ougrienne de la famille de l'Oural elle s'apparente étroitement aux langues finnoises de la mer Baltique, comme le finnois et l'estonien. Il existe nombre de théories sur l'origine de cette langue. L'une d'entre elles prétend qu'à l'origine les Sami parlaient une langue tout à fait différente, le Proto-Lapon. D'autres inclinent à penser que leurs ancêtres, que l'on croit généralement d'origine orientale, parlaient une tout autre langue, apparentée au finnois de la mer Baltique, et que cette langue a subi l'influence déterminante des Finnois.
Le terme langue samé est un mot qui peut induire en erreur : en effet, il y a en réalité trois langues distinctes : le samé oriental, le samé central et le samé méridional. Le samé central se décompose en trois : le samé nordique, le pitesamé et le lulesamé. Les pricipaux dialectes semblent être les suivants : le samé méridional, l'umesamé, le pitesamé, le lulesamé, le samé nordique, l'inaresamé, le skoltesamé, le kildinsamé et le tersamé. Toutefois les spécialistes ne sont pas tous d'accord sur cette question.
Quelque 20 000 personnes parlent cette langue en Norvège, 3 000 en Finlande, 10 000 en Suède et environ 1 000 en Russie. La plupart des Sami utilisent le samé nordique. C'est le cas des comtés du Finmark, de Troms et du Nordland, au nord d'Ofoten. On parle le lulesamé dans une partie du Nordland, le samé méridional du Nordland au Trøndelag. Dans le Finmark oriental, à Varanger, on s'exprime aussi en skoltesamé ou samé oriental."
"La culture samé: traditions et modernité
Certains de ses éléments se retrouvent dans les régions arctiques et subarctiques orientales de l'Europe et de l'Asie. D'autres aspects de cette culture proviennent des contacts qu'elle a entretenus avec des peuples du Nord avant l'ère viking. Il est évident que l'ancien mode de vie, la chasse et la pêche, imprègne leurs traditions. Au 16e siècle, les Sami abandonnèrent progressivement la chasse du renne pour devenir des éleveurs nomades, au gré des transhumances saisonnières. Il n'y en a plus guère aujourd'hui (sur le territoire norvégien moins de 10% d'entre eux élèvent encore des rennes).
Différentes traditions forment son patrimoine: la musique joik - poèmes scandés ou chansons poétiques, l'usage d'une langue qui lui est propre, les légendes, les tentes traditionnelles et les cabanes (faites de tourbe et de couches d'écorces), le chamanisme, la médecine traditionnelle, les costumes nationaux, l'usage de traîneaux de rennes, la fabrication d'objets en bois sculpté et le respect de l'environnement.
Le joik est la forme originelle de la musique samé. Elle constitue l'un des éléments des anciennes pratiques magiques, le chamanisme. En tant que moyen d'expression, elle est extrêmement variée et un chanteur peut improviser beaucoup de variations sur un thème. Parmi les joik les plus populaires figurent ceux décrivant les traits caractéristiques d'une personne - qui devient par la suite le propriétaire légitime du joik en question. Aujourd'hui on fait des enregistrements de musique samé, traditionnelle ou contemporaine, et on donne aussi des concerts. Les travaux de Nils Aslak Valkeapääs ont été pour beaucoup dans la renaissance du joik. Ailu Gaup (pour la musique traditionnelle) et Mari Boine Persen (interprète des mélodies modernes à thèmes joik) sont aussi instrumentistes de musique samé.
La littérature orale des Sami est très importante, et la poésie qui accompagne le joik en est une forme bien particulière. Dans son ouvrage, Lapponia, Johannes Schefferus cite deux poèmes joik dont l'un est le plus ancien qui nous soit parvenu.
Les légendes sont nombreuses et très variées. Certaines d'entre elles ont été consignées par J. K. Qvigstad (1853-1957) dans un livre intitulé Lappisk eventyr og sagn (Contes et légendes sami).
Avant le début du vingtième siècle, seuls pouvaient être publiés en langue samé la littérature religieuse, les dictionnaires, les manuels de langue. Traduit par le missionnaire Morten Lund, le petit catéchisme luthérien a été imprimé dès 1728. Le premier romancier à écrire un roman en samé fut Anders Larsen (1870-1949). Ce livre, intitulé Bæivve-Algo (l'Aube) raconte l'histoire d'un jeune garçon vivant à la fois dans les deux sociétés, la samé et la norvégienne. Mais la production littéraire ne prit véritablement son essor que dans les années 1970. Parmi les auteurs contemporains, citons Nils Viktor Aslaksen, Rauni Magga Lukkari, John Gustavsen et Ailo Gaup.
De leur côté les peintres puisent leur inspiration à la fois dans les thèmes traditionnels du renne, et dans les thèmes contemporains. Beaucoup reproduisent dans leurs oeuvres les symboles sacrés que sont les tambours des chamans. John Savio (1902-1938) utilise fréquemment le thème du renne, tandis que Iver Jåks (1932-) choisit ses sujets dans un répertoire beaucoup plus large. Dès les années 70 aussi, le nombre de ces peintres ne cessa de s'accroître ; citons parmi eux Synnøve Persen, Trygve Lund Guttormsen et Hans Ragnar Mathiesen.
On fit paraître des journaux et des magazines en samé dès 1870. La publication la plus ancienne, qui existe toujours sous le titre de Nuorttanaste, (et diffusée par les autorités ecclésiastiques), est imprimée régulièrement depuis 1898. Le journal Sámi Áigi, créé à Karasjok, sortit son premier numéro en 1979.
La radio diffuse des programmes en samé depuis 1946. Depuis cette époque, les programmes sont devenus plus importants et abordent des sujets plus variés. La télévision norvégienne diffuse aussi de temps en temps des programmes en samé.
A Kautokeino le groupe théâtral Beaivvás créé fin 1979 détient le statut de théâtre depuis 1990. Jusqu'en 1987 Beaivvás a monté environ une dizaine de grandes productions. II est passé à la radio et à la télévision. Il va en tournée dans toutes les régions où vivent les Sami, en Norvège, dans les pays nordiques et au-delà. Les productions de Beaivvá s'inspirent des thèmes de la tradition comme de la vie contemporaine, des cultures étrangères, et s'intéressent aux problèmes linguistiques.
Le duodji - l'artisanat - jadis cantonné à l'usage domestique, est aujourd'hui produit et vendu en grandes quantités. Il est devenu le moyen d'existence de nombreux Sami et une source complémentaire de revenus, non négligeable, pour ceux qui continuent à effectuer des tâches traditionnelles. Petit à petit, c'est devenu une industrie importante, qui, outre des objets traditionnels fabrique aussi des objets d'art. La production et la vente sont de mieux en mieux organisées."
Un aperçu historique
"Il faut remonter en l'an 98 de notre ère pour retrouver les premiers récits sur les Sami. A l'époque, Tacite décrit dans son livre De origine et situ Germanorum ce peuple qu'il nomme les fenni. Bien plus tard, en 555, l'historien grec Procope, décrivant la guerre qui sévit entre les Romains et les Goths, parle de la Scandinavie en l'appelant Thulé et dit que parmi ses habitants il y a des gens qu'il appelle des skrithiphinoi (skrid finns). Vers 750 Paulus Diaconus les mentionne également en précisant qu'ils pratiquent la chasse, qu'ils utilisent des planches de bois pour se déplacer, et qu'ils ont des animaux qui ressemblent aux cerfs (c'est-à-dire des rennes). Les sagas islandaises confirment ces récits. Rédigées principalement au 13e siècle, les sagas évoquent surtout les 10e et 13e siècles. Certains commerçants entretenaient des relations avec les Sami, faisant des échanges, et prélevant des impôts : à l'époque les peaux d'animaux étaient très prisées ; à l'époque viking, au Moyen Age, les fourrures furent très recherchées par les Russes et par d'autres peuples du Nord.
Les informations les plus anciennes et les plus complètes concernant les Sami nous viennent des récits d'Ottar,écrits à la fin du 9e siècle. Venu probablement de Malangen, au nord de la Norvège, Ottar servit à la cour du roi anglais Alfred le Grand. La description qu'il fit de sa région natale fut ajoutée à l'histoire du monde (faite par Orosius) dans la version anglo-saxonne du roi Alfred d'Angleterre. Ottar raconte qu'il avait 800 rennes semi-domestiques, dont certains servaient d'appât, ce qui était particulièrement utile, mais l'essentiel de ses revenus venait des impôts sur la population.
Plus tard, en 1673, Johannes Schefferus publia un ouvrage intitulé Lapponia, mine d'informations sur leur vie au 17e siècle.
Au Moyen Age, la Suède, la Norvège (par la suite l'alliance dano-norvégienne), la Russie, prétendaient toutes gouverner les régions où vivaient les Sami qui, parfois, se voyaient forcés de payer des impôts à plusieurs pays simultanément. En 1751 la Suède et l'alliance dano-norvégienne se mirent d'accord sur un tracé des frontières, et en conséquence la Suède remit à l'alliance dano-norvégienne les paroisses de Kautokeino et Karasjok au Finnmark. La Norvège et la Russie se mirent d'accord sur leur frontière commune en 1826.
Selon les premiers écrits que nous possédons, les Sami étaient païens. On se mit à construire des églises sur leur territoire dès le 12e siècle. Le Collège des Missions, fondé par les Danois en 1714 à Copenhague, envoya deux ans plus tard le piétiste Thomas von Westen évangéliser les Sami. Le Collège avait en outre une fonction pédagogique.
Von Westen alla prêcher dans toute la région sous juridiction norvégienne de 1716 à 1727. Il était farouchement opposé au chamanisme, et à ses attributs essentiels, le chaman et les tambours sacrés. Il encouragea toutefois l'usage de la langue samé par les missionnaires et le clergé ; après sa mort, en 1727, cette politique fut de plus en plus contestée.
Au 19e siècle, Niels Vibe Stockfleth, prêtre et missionnaire très actif, porta à la langue un intérêt qui fut pour beaucoup dans sa reconnaissance. Il traduisit de nombreux ouvrages, notamment le Nouveau Testament, et il réussit, ce qui n'était pas rien, à faire enseigner le samé dans les programmes de l'Université de Christiania, l'actuelle Oslo.
Au Moyen Age les Sami étaient chasseurs et trappeurs. Ils vivaient dans de petites communautés, les siidas, qui avaient chacune son propre territoire. Eléments fondamentaux de la société, ces communautés étaient, d'après les découvertes faites par l'Institut nordique samé, propriétaires à part entière de leurs territoires.
Les colons s'implantèrent pour de bon au 17e et 18e siècles. Ils tiraient leurs revenus surtout de leurs activités agricoles, ce qui était contraire aux traditions locales. Ces fermiers habitaient des maisons, produisaient du beurre, de la laine et du lait, toutes denrées que de nombreux Sami trouvaient fort utiles ; à l'inverse, beaucoup de colons adoptèrent la culture autochtone : coutumes, vêtements, nourriture et usages domestiques.
Vers l'an 1850, le darwinisme social provoqua un changement: on commença à faire des réformes, et en premier lieu dans le système scolaire. À la fin du 19e siècle, les enseignants eurent pour consigne de limiter l'usage du samé dans les écoles. À partir de 1902, il fut interdit de vendre des terrains à quiconque ignorait le norvégien; le processus de "norvégianisation" était en plein essor. Entre les deux guerres mondiales cette politique fut appliquée très brutalement.
Après la Seconde Guerre mondiale la Norvège changea d'attitude. Des experts écrivirent un certain nombre de rapports sur l'enseignement et élaborèrent des stratégies plus libérales qui toutefois ne devaient être appliquées que plus tard.
Un grand progrès fut accompli avec la reconnaissance officielle, en 1960, du droit des Sami à préserver et développer leur culture. Leur langue fut enseignée dans les écoles, de nouvelles institutions furent créées - telles le musée de Karasjok, la maison de la culture des Sami du Sud dans le département du Sud-Trøndelag.
Lors de la construction d'un barrage hydro-électrique sur la rivière Alta (Finnmark) en 1980-1981, de nombreux Sami protestèrent vigoureusement et la controverse qui s'ensuivit suscita un regain d'intérêt à leur endroit qui se traduisit par de nouveaux rapports et de nouvelles mesures."
Elina Helander, Les Sami de Norvège (reproduction autorisée)