Créativité

Le verbe créer ne s'appliquait jadis qu'à Dieu et signifiait faire quelque-chose avec rien; appliqué à l'homme, elle est une manifestation de la vie consistant
à unir dans une synthèse nouvelle des ingrédients divers, ( images, idées, sentiments...) innés ou produits par l'expérience et mystérieusement liés entre eux dans l'âme. James Joyce utilise la métaphore de la forge pour rendre compte de l'acte créateur. «Bienvenue, ô la vie! Je cours pour la millionième fois rencontrer la réalité de l’expérience et façonner dans la forge de mon âme la conscience amorphe de ma race.» James Joyce, Dedalus, portrait de l'artiste en jeune homme, roman autobiographique.

«L’observation de plusieurs créateurs, précise Andrée Mathieu, a permis au psychologue humaniste Carl Rogers d’identifier les trois principales caractéristiques de la personnalité créatrice: l’ouverture à l’expérience, une source interne d’évaluation et l’aptitude à jouer avec les concepts.
L’ouverture à l’expérience se manifeste, entre autres, par la curiosité et par la sensibilité esthétique. Dans Le courage de créer, le psychanalyste Rollo May s’interroge: «Que l’être humain ait marqué une pause dans la course endiablée de l’évolution afin de peindre les rennes et les bisons ocre et rouges de Lascaux ou d’Altamira, dont la vue nous emplit encore aujourd’hui d’émerveillement, n’est-ce pas l’un des traits qui le distinguent des autres espèces? Et si l’appréhension de la beauté était la voie de la vérité? Et si l’«élégance»
— terme utilisé par les physiciens pour décrire leurs découvertes — était la clef de l’ultime réalité?»... Pour stimuler leur sensibilité esthétique, il est important que l’école mette les élèves en présence des grandes oeuvres de la littérature, de la musique et de la peinture.
Que peut-on espérer des monstrueux édifices en béton, aux murs dénudés, sans même un regard sur la nature, et par surcroît bercés par le rythme du heavy metal qui monte de la cafétéria?
Le lieu interne d’évaluation appelle l’originalité et l’autonomie intellectuelle. L’individu créateur ne recherche pas l’approbation, il prend ses décisions sur la base de son propre jugement et évalue son travail selon ses propres critères. À l’école, l’élève doit apprendre à exercer son autonomie, mais il doit aussi apprendre qu’il y a des limites à cet exercice. La discipline n’est pas un frein à la créativité, au contraire. N’est-ce pas quand les contraintes sont les plus élevées que surgissent les solutions les plus créatives?
L’habileté à jouer avec les concepts, c’est l’aptitude à générer une grande quantité ainsi qu’une grande variété d’idées (fluidité et flexibilité conceptuelles). Un exemple permettra d’illustrer l’effet néfaste d’une spécialisation trop précoce sur la flexibilité conceptuelle. Si on demande à un jeune programmeur, qui ne s’intéresse qu’à l’informatique depuis le cours secondaire, de dire tous les mots qui lui viennent à l’esprit quand on prononce le mot «langage», il y a de fortes chances pour qu’on entende: «Programmation, Fortran, Cobol, Pascal, etc.». Si on pose la même question à une jeune personne dont les connaissances et les intérêts sont plus diversifiés, on pourra entendre: «Gestes, mots, non-verbal, danse, couleurs, etc.». L’habileté à jouer avec les concepts c’est aussi l’aptitude à produire des associations inédites et à faire des synthèses. Pour développer l’esprit de synthèse, l’école doit rétablir les liens entre les disciplines et favoriser l’intégration du savoir.

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