Charité

Jacques Dufresne

Parfois les soirs de fin d'été et d'automne, la couleur d'or et de feu du soleil couchant semble éclairer toutes choses de l'intérieur. C'est là l'image parfaite de la charité, cet amour de Dieu qui éclaire de l'intérieur et inspire tous nos actes. La charité n'est pas seulement une vertu théologale, comme la foi et l'espérance, elle est aussi la vertu fondamentale, l'âme des autres vertus. Que disparaisse la charité, et la prudence, la crainte, la tempérance ne sont plus que des façades.

Bien des textes théologiques semblent indiquer que la charité à l'égard des êtres humains est subordonnée à l'amour de Dieu. On peut en conclure que la personne charitable est celle qui aime ses semblables par amour de Dieu. L'idée de charité aura souffert de cette interprétation qui a incité bien des malheureux à dire aux personnes réputées charitables: «aimez-moi donc aussi pour moi-même un peu!» Le véritable rapport de charité avec l'autre consiste à l'aimer divinement, à l'aimer à la manière de Dieu. Non seulement l'autre se sent-il alors pleinement aimé pour lui-même, mais encore se sent-il aimé et reconnu pour ce qu'il y a de divin en lui. Certains tableaux, tel le Mendiant de Murillo, certaines sculptures, comme celles de Donatello illustrent cet amour. Si peu chrétien pourtant, Nietzsche en a eu l'intuition: «que votre amour soit de la pitié (Mitleiden) pour des dieux souffrants et voilés.»

Naturelle à sa racine, la charité n'atteint sa plénitude que par ce mouvement descendant de Dieu vers l'homme qu'on appelle la grâce. À ce degré, elle est infuse, surnaturelle. Elle a pour siège la volonté, l'appétit intellectuel, précise saint Thomas, pour bien la distinguer du désir orienté vers le bien sensible.

***

L'équivalent de charité en hébreu est zedakah, mot qui est synonyme de justice, de droiture. Donner à plus pauvre que soi est un devoir, non une forme de générosité, la reconnaissance d'un droit, non une faveur.

Maimonide distingue sept degrés dans la charité:

(1) Donner, mais tristement.
(2) Moins qu'il ne convient, mais de bon coeur.
(3) Seulement après avoir été invité à le faire
(4) Avant
(5) De telle sorte que l'identité de celui qui donne soit ignorée de celui qui reçoit.
(6) De telle sorte que celui qui reçoit ignore l'identité de celui qui donne.
(7) De telle sorte que l'un et l'autre agissent incognito.

Essentiel

Hymne à l'amour

1 Corinthiens, chapitre 13


«1-Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit.
2-Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien.
3-Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
4-La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n'est point envieuse; la charité ne se vante point, elle ne s'enfle point d'orgueil,
5-elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne soupçonne point le mal,
6-elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité;
7-elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.
8-La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.
9-Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie,
10-mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra.
11-Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant.
12-Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu.
13-Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, l'amour; mais la plus grande de ces choses, c'est l'amour.»

  • Saint Paul

Enjeux

Le mot charité n'est guère employé aujourd'hui que dans l'expression faire la charité? Or ce n'est là qu'une manifestion extérieure, parmi d'autres, de la charité. C'est pour éviter l'humiliation liée à cette charité réduite au don d'argent qu'on a donné tant d'importance à l'État et à sa justice.

L'État ne suffisant pas à la tâche du secours aux pauvres, aux malades et aux malheureux, on est obligé de miser de nouveau sur les dons de charité. Quelle sera leur importance en l'absence de l'inspiration religieuse dont ils étaient une manifestation?

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