Heyerdahl Thor

06 / 10 / 1914-18 / 04 / 2002
"On ne peut pas vraiment dire de lui qu'il est un explorateur: il ne s'est pas aventuré en territoire inconnu, mais aux origines même de l'histoire de nos ancêtres. Ses recherches l'ont amené à découvrir notre paysage historique, et non notre paysage géographique.

Des régions polaires aux mers du Sud

Heyerdahl naquit en 1914 dans la petite ville de Narvik, sur la côte sud de la Norvège. Les ouvrages de référence font de lui un zoologue et un anthropologue. Mais c'est l'anthropologue qui a suscité l'intérêt du monde entier.

Après des études exhaustives du matériel ethnographique et archéologique en provenance de Polynésie, du continent américain et de l'Asie du Sud-Est, Heyerdahl élabora une hypothèse selon laquelle les premiers habitants de la Polynésie venaient non du Sud-Est asiatique, comme on le prétendait précédemment, mais du continent américain.

Tout comme Nansen en son temps, il vit son hypothèse accueillie avec la plus grande froideur, et résolut d'en prouver la véracité. Il construisit pour son expédition un radeau de balsa, qui était une exacte reproduction des radeaux des Indiens d'Amérique du Sud dans les temps préhistoriques. Partant de Callao (Pérou) en 1947 avec un équipage de six hommes, il fit voile vers les îles polynésiennes de Tuamotu à bord du désormais célèbre Kon Tiki.

Ce voyage de trois mois ne fut pas seulement une entreprise risquée, mais aussi un exploit scientifique. Heyerdahl écrivit par la suite un ouvrage ­ Indiens d'Amérique dans le Pacifique­, où il réunit tout un matériel pour étayer sa thèse. Il y affirmait que les premiers habitants de la Polynésie débarquèrent du Pérou environ au Ve siècle de notre ère, puis qu'une nouvelle vague de colons arriva plus tard (vers 1000-1300) en provenance de la côte nord-ouest d'Amérique du Nord.

Afin de consolider ses assertions, il organisa une expédition norvégienne aux îles Galápagos en 1953. Il y trouva des preuves concrètes de ce qu'il avançait: des vestiges amérindiens, datant des périodes inca et pré-inca ­ c'était la première fois que l'on trouvait de tels objets.

En 1955-56 (trois ans plus tard) il se rendit à l'île de Pâques avec une équipe de 25 hommes afin d'y effectuer de vastes fouilles archéologiques. Ces fouilles révélèrent l'existence de trois époques bien différentes, la deuxième étant celle au cours de laquelle furent érigées les célèbres statues de pierre. Il mit aussi au jour des statues encore plus anciennes, ressemblant beaucoup à quelques statues trouvées en Bolivie. Précisons toutefois que le point de vue de Heyerdahl sur l'histoire de la colonisation en Polynésie et sur les échanges culturels dont cette région fut autrefois le théâtre, est contesté, parfois avec vigueur, dans les milieux anthropologiques.

Heyerdahl se consacra à nouveau à l'océan lorsqu'il entreprit en 1969 la première expédition à bord du Ra dont les objectifs étaient à peu près analogues à ceux du Kon Tiki. Sur une embarcation en jonc qu'il avait baptisé Ra, du nom du dieu égyptien du soleil, l'équipage quitta Safi, au Maroc, pour traverser l'Atlantique et prouver ainsi que les navires en papyrus des anciens Egyptiens avaient été tout à fait capables de traverser l'océan. Heyerdahl maintenait son affirmation: il était tout à fait possible que les anciennes civilisations africaines et égyptiennes aient apporté leur contribution aux civilisations des Indiens d'Amérique centrale.

Toutefois, après 5 000 kilomètres, le Ra, mal construit, commença à se disloquer et il fallut abandonner. Mais l'expédition Ra II, entreprise l'année suivante, fut un succès total. Après deux mois en mer et un parcours de 6 100 kilomètres, elle atteignit la Barbade, prouvant ainsi que, théoriquement, à l'époque préhistorique, des bateaux tels que le Ra pouvaient traverser l'Atlantique en utilisant le courant des Canaries.
En 1977 Heyerdahl entreprenait une autre expédition sur une embarcation en roseaux, le Tigris. Cette fois aussi (comme Nansen), pour vérifier ce qu'il pensait être les routes maritimes de l'Antiquité. L'objectif de cette expédition était de connaître les routes commerciales maritimes et les échanges culturels dès l'an 3000 avant J.C. entre Sumer, en Mésopotamie, et d'autres civilisations, au Moyen Orient, en Afrique du Nord-Est, et dans l'actuel Pakistan.

Par la suite, il se consacra à d'autres recherches, notamment à l'étude de la préhistoire des îles Maldives de l'océan Indien. Il avait également d'autres fouilles archéologiques en cours, dont celle de Ténérife, dans les Canaries. Il y découvrit une pyramide dont l'architecture relève des mouvements solaires et qui vraisemblablement date du temps des Guanches, peuple originaire des Canaries. Heyerdahl procède actuellement à de vastes fouilles à Tucume (Pérou) où vingt-cinq pyramides ont été exhumées.

Les riches trésors et autres vestiges découverts sur les lieux révèlent que les peuples vivant dans cette région, avant les Incas, étaient d'habiles marins, entretenant des contacts permanents avec tous les peuples de la côte sud-américaine.Dans la ligne de ses études des lignes de communications culturelles immémoriales de Tenerife avec l'ancien comme avec le nouveau monde, Heyerdahl est maintenant ­ à l'âge de 80 ans ­ occupé à établir un musée sur l'île*."

* Heyerdahl est décédé au début de 2002.

Linn Ryne, Les explorateurs norvégiens (Rédigé par Nytt fra Norge pour le Ministère des Affaires étrangères de Norvège. Reproduction autorisée par le Ministère. Imprimé en octobre 1995; site ODIN)

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