Ruralité

"L'espace rural se caractérise par une densité de population relativement faible, par un paysage à couverture végétale prépondérante (champs, prairies, forêts, autres espaces naturels), par une activité agricole relativement importante, du moins par les surfaces qu'elle occupe."

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"La méthode la plus courante consiste à fixer une taille limite entre ville et campagne, limite qui varie cependant sensiblement d'un Etat à l'autre. Le seuil des 2 000 habitants par unité administrative de base (la commune pour la France, par exemple), le plus utilisé, a été choisi dans des pays aussi différents que la France, l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, Israël, l'Ethiopie, le Liberia, le Honduras, la Bolivie, Cuba ; la limite très voisine de 2 500 habitants, elle aussi fréquente, est utilisée aux Etats-Unis, au Mexique, au Venezuela, à Porto-Rico, à Bahrein. Le seuil des 5 000 habitants est retenu dans plusieurs pays d'Afrique (Cameroun, Soudan, Tchad) ainsi qu'en Inde, en Iran, en Autriche, en Tchécoslovaquie. La limite peut cependant monter jusqu'à 10 000 habitants (Sénégal, Jordanie, Portugal) et même à 50 000 au Japon, pour tomber à 1 000 habitants au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, à 500 en Papouasie-Nouvelle-Guinée, à 400 en Albanie et à 200 dans les pays scandinaves.

Certaines définitions étrangères intègrent d'autres critères, en plus de la taille : nature des activités (pourcentage d'actifs agricoles relativement élevé par exemple), densité maximum de population (390 habitants/km² en Inde), manque de certains équipements (au Cameroun, en Inde). Enfin, les critères sont parfois purement administratifs : les chefs-lieux d'un certain niveau peuvent être considérés comme des villes, quelle que soit leur population, ou bien l'administration dresse elle-même la liste des villes (plusieurs pays africains, ainsi que la Hongrie).

La notion d'espace rural est donc floue et varie d'un pays à l'autre.
"

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"Trois types d'usage de l'espace rural

Philippe Perrier-Cornet (*) distingue trois types d'usages de l'espace rural (avec comme définition l'espace à dominante rurale selon sa définition de 1999) : la « campagne cadre de vie », la « campagne ressource » et la « campagne nature ».

La première est une campagne résidentielle, celle que choisissent les citadins qui viennent s'installer dans les espaces périurbains, impliquant un étalement de la population autour des villes et donc une logique volontariste de transfert d'équipements vers ces nouvelles populations. Cependant, cette organisation des campagnes autour des villes peut nuire au développement des premières, dans un contexte où les secondes ont leur organisation propre.

La "campagne ressource" est une campagne productive à la fois de produits agricoles et de biens industriels (...).

Enfin la « campagne nature » inclut les espaces naturels plus ou moins protégés, comme les parcs nationaux et régionaux, les réserves diverses (...)

(...)

Trois types de dynamiques

Les espaces ruraux peuvent également être classés selon leur dynamisme (...).

Les espaces périurbains, très dépendants des villes pour les emplois comme pour les commerces et les services, connaissent une croissance démographique encore rapide malgré un ralentissement récent et un rajeunissement de leur population.

Au contraire, les espaces ruraux dits « profonds » (ou « fragiles »), éloignés des villes, gardent un accès difficile aux services publics, une couverture en téléphonie mobile insuffisante, des temps d'accès aux réseaux de transport rapides encore longs, comme dans une partie du Massif central, du Sud-ouest et des Alpes du Sud ; ils voient leur population vieillir et connaissent un certain déclin démographique, malgré un accueil important de retraités.

Enfin des espaces ruraux dits « vivants », plus ou moins éloignés des villes, gardent un certain équilibre démographique grâce au tourisme ou à des industries traditionnelles adaptables ou à des industries agro-alimentaires récentes soutenues par une agriculture dynamique."

(*) Directeur de recherches à l'Institut national de la recherche agronomique, Dijon.

Sénat français - Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, L'état du territoire. Rapport d'information no 241. Session ordinaire de 2002-2003. Annexe au procès-verbal de la séance du 3 avril 2003. Rapporteur: Jean-François Poncet (site du Sénat français) - rediffusion autorisée par le site d'origine

Enjeux

Cette description des changements survenus récemment dans l'espace rural français s'applique, mutatis mutandis, à d'autres pays:

"Des comportements des ruraux de plus en plus urbains, et un regard des citadins sur l'espace rural devenu positif

L'image d'un monde rural replié sur lui-même, d'un mode de vie rural particulier et autonome n'est évidemment plus de mise. Les ruraux français se sont ouverts sur la planète entière par l'intermédiaire de la télévision (la quasi totalité des ménages en est dotée et les ruraux sont des téléspectateurs particulièrement assidus), de l'internet (même si ce média est encore moins utilisé qu'en ville), des voyages touristiques, etc. Les agriculteurs ont été soumis aux pressions de l'Organisation Mondiale du Commerce dont les décisions ont fortement contribué à l'inflexion de la Politique agricole commune vers une baisse des prix agricoles et un soutien direct aux agriculteurs, etc. Les entreprises industrielles rurales, agro-alimentaires ou autres, sont désormais soumises à une concurrence mondiale.

Les ruraux se sont ouverts sur l'Europe
. La PAC règle plus que jamais la vie et le revenu de nos agriculteurs. L'orientation vers une agriculture plus durable a amené ces derniers à utiliser des techniques plus respectueuses de l'environnement (la consommation des engrais chimiques est en baisse). (...)

Les ruraux se sont ouverts sur le territoire national
 : 85 % des ménages ruraux sont dotés d'une voiture et souvent de deux, le réseau routier et autoroutier s'est étendu et amélioré, les liaisons ferroviaires sont devenues plus rapides, parfois il est vrai aux dépens des dessertes locales ; les ruraux se sont mis à partir en vacances, même si c'est moins longtemps, moins souvent et moins loin que les citadins.

Les ruraux se sont ouverts sur leurs voisins. Ceux de la ville qu'ils côtoient plus souvent qu'autrefois puisqu'ils vont eux-mêmes souvent travailler en ville ou y faire leurs courses, ou parce qu'ils voient s'installer dans leur propre village des citadins en mal de terrain à bâtir bon marché et de tranquillité. Les ruraux se sont ouverts également sur leurs voisins des autres villages : « l'esprit de clocher » recule avec la mobilité des individus. Les associations pluricommunales fleurissent à la campagne et surtout l'intercommunalité progresse avec une rapidité qui déjoue les prévisions : les "pays" connaissent un réel succès (même si celui-ci est inégal selon les régions), les communautés de communes se multiplient à un rythme rapide, au risque, il est vrai, d'une superposition des circonscriptions d'administration ou de projet, dans laquelle les élus eux-mêmes se perdent parfois ; au risque également d'une concurrence avec les conseillers généraux ou au contraire d'une mainmise de ces derniers sur ces nouvelles circonscriptions ; au risque enfin d'une concurrence avec les régions qui s'intéressent elles aussi aux espaces ruraux.

Cette ouverture sur le monde, cette mobilité des hommes et des idées impliquent une mutation des comportements et des représentations à la fois chez les ruraux et chez les citadins.

Les comportements spécifiquement ruraux n'existent plus vraiment : bien des ruraux sont plus ou moins « urbains »
comme en témoignent la progression des départs en vacances et des voyages lointains, la multiplication de nouvelles associations locales (sportives, culturelles, musicales, d'animation, du troisième âge, etc.), le rapprochement du vote des ruraux (par ailleurs très différencié) de celui des citadins, sauf exceptions locales. L'image, plutôt négative, que les ruraux avaient traditionnellement d'eux-mêmes et de la campagne (retard, isolement, etc.) s'est inversée : ils sont fiers aujourd'hui d'habiter la campagne, de bénéficier du calme, de la nature, du "bon air" et regardent avec une certaine condescendance les citadins soumis, selon eux, au bruit, à la pollution, à l'insécurité, à l'entassement ...

L'image négative que les citadins avaient traditionnellement de la campagne s'est inversée également : celle-ci est devenue symbole d'identité à défendre, de patrimoine à valoriser, de nature et de paysage à conserver, de calme et de sécurité à préserver
. Moins qu'un espace agricole, l'espace rural est désormais pour les citadins un espace de détente, une réserve de nature et, pour certains, un cadre de vie désiré. Les citadins estiment désormais avoir un droit de regard sur l'espace rural : ils sont sensibilisés aux pollutions agricoles et à la transformation des paysages par l'urbanisation, par l'implantation d'axes de communication, par les reboisements, les remembrements, les friches, etc."

Sénat français - Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, L'état du territoire. Rapport d'information no 241. Session ordinaire de 2002-2003. Annexe au procès-verbal de la séance du 3 avril 2003. Rapporteur: Jean-François Poncet (site du Sénat français) - rediffusion autorisée par le site d'origine

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