Bernard Le Bovier de Fontenelle

02 / 02 / 1657-09 / 01 / 1757
Né à Rouen le 11 février 1657, mort à Paris le 9 janvier 1757. Il était le fils d’un avocat au parlement et de Marthe Corneille, sœur de Pierre et Thomas. À treize ans, au collège des jésuites de Rouen, il concourut avec éloges au prix des Palinods et il traduisit peu après en vers français quelques pièces latines du père Commire; il plaida une cause et renonça au barreau. Honoré d’un accessit par l’Académie en 1675, il donna au Mercure galant diverses pièces trop ingénieuses, notamment L’Amour noyé et Histoire de mes conquêtes où il s’est lui-même dépeint joliment. Sa tragédie d’Aspar (1681) tomba lourdement; mais les opéras de Psyché et de Bellérophon, dans lesquels il avait mis beaucoup du sien, eurent du succès sous le nom de Thomas Corneille. Établi à Paris, il donna coup sur coup : Les Dialogues des morts (1683), où il faisait Platon galant et Phryné moraliste; Le Jugement de Pluton (1684), critique des dialogues et réponses aux critiques; Les Lettres du chevalier d’Her… (1685), badinage un peu sec; même année, un Éloge de M. Corneille, qu’il étendra en 1742, en y joignant deux autres pièces (Histoire du théâtre français jusqu’à Corneille, curieuse par un goût assez vif du théâtre du moyen âge et de la poésie spontanée des trouvères; Réflexions sur la poétique, à rapprocher de sa Description de l’empire de la poésie, 1678, et du morceau intitulé Sur la Poésie en général); Les Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), mélange délicat, et qui réussit à souhait, d’astronomie et de bel esprit, de physique cartésienne, de réflexions morales et d’ironie; même année, les Doutes sur les Causes occasionnelles, critique courtoise du système du P. Malebranche; l’Histoire des oracles (1687), tout son bagage pour l’Académie des inscriptions à laquelle il sera associé en 1708; abréviation libre d’un ouvrage du Hollandais Van Dale, où il se complaisait à réfuter quelques théologiens, tout en préludant à la satire des anciens; les Poésies pastorales (1688), trop spirituelles, avec un Discours sur l’églogue et une Digression sur les anciens et les modernes dans laquelle il donnait aux modernes assez d’avantages et à l’idée du progrès assez d’appui pour déplaire à l’Académie : elle le refusa quatre fois et ne le reçut qu’en 1691; elle avait couronné en 1687 son Discours sur la patience. L’opéra de Thétis et Pélée réussit en 1689, Énée et Lavinie beaucoup moins en 1690. Citons un Parallèle de Corneille et de Racine (1693). Plus encore que sa préface pour l’Analyse des infiniment petits du marquis de l’Hôpital (1696), ses Entretiens sur la pluralité des mondes le firent choisir comme secrétaire de l’Académie des sciences, renouvelée en 1699; et ses Éléments de la géométrie de l’infini (1727, in-4) ont moins fait pour la gloire de cette assemblée que son Histoire de l’Académie royale des sciences, avec deux préfaces, recueil contenant des extraits des mémoires des savants et les éloges des académiciens morts; en 1702, l’Histoire depuis l’année 1699; en 1733, depuis l’année 1666. Par ses éloges académiques, Fontenelle a magistralement ouvert la voie à d’Alembert, Condorcet, Cuvier, Arago, etc. En 1752, il publia deux volumes contenant une tragédie et six comédies avec préface; même année la Théorie des tourbillons cartésiens, avec des réflexions sur l’attraction newtonienne. L’édition de ses œuvres en 1766 donne en outre divers morceaux : De l’Existence de Dieu, Du Bonheur, De l’Origine des fables, Sur l’Instinct, Sur l’Histoire, et trois fragments : Traité de la raison humaine, De la Connaissance de l’Esprit humain, enfin ce qu’il appelait Ma République.

Le « prudent » et « discret » Fontenelle est taxé par un contemporain d’orgueil approbateur, traité d’homme impassible qui louait pour être loué, d’homme indulgent par vanité, attentif à sa gloire et à ses moindres gestes. Ce fut une façon de sage occupé de son bonheur, mais bienveillant et même secourable. Son intelligence souple et lucide a très bien servi les lettres et surtout les sciences, qu’il sut excellemment rendre accessibles et même attrayantes en gardant l’exactitude. La qualité d’homme de lettres fut relevée par la brillante considération attachée à la personne de cet académicien qui ne fut rien de plus, quoique familier du duc d’Orléans et de Fleury. Comme Voltaire, il exerça la royauté littéraire et mondaine, et, comme lui, il eut une sorte d’universalité, à la fois causeur fêté, poète badin et dramatique, philosophe, critique, historien des idées et géomètre. Ses vues sur la philosophie en poésie, sur l’amour et l’intérêt au théâtre, sur l’histoire, sur le progrès, sont attachantes; et, comme dit Trublet, « la main d’œuvre est toujours bonne chez Fontenelle », quand il ne se travaille pas trop. Fontenelle donna lui-même trois éditions de ses œuvres (1724, 1742, 1752-1757). Nous citerons encore : Œuvres diverses (La Haye, 1728-1729, 3 vol. in-fol.; 3 vol. gr. in-4); Œuvres complètes (Paris, 1758-1866, 11 vol. in-12; 1818, 3 vol. in-8; 1790, 8 vol. in-8; 1824-1825).

source: La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome dix-septième (Fanum-Franco), p. 756-757.

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Sur Fontenelle

Remy de Gourmont
Évocation de la pensée de Fontenelle, à l'occasion de la parution d'une biographie écrite par A. Laborde-Milaa.



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