La reine de Saba

Raoul Ponchon
Sept cents épouses, mais...
En lisant les vers... mystiques
Du Cantique des Cantiques
La jeune Balkis pensa
«Je me sens le coeur champêtre;
Dieu, quel gaillard ce doit être
Celui qui vous exhala!

«C'est tout à fait mon affaire
Comme je n'ai rien à faire
Je brûle de l'aller voir.
Sommes aujourd'hui le douze;
Le treize donc je l'épouse,
C'est là mon plus cher espoir.»

Elle appelle sa nourrice,
Lui dit son royal caprice,
Et voilà la chère enfant
Qui se pare, se bichonne,
Puis elle califourchonne
La trompe d'un éléphant.

Derrière elle hurle, bêle,
Glapit une ribambelle
D'okopis et de jumarts,
Chargés d'or, d'encens, d'ivoire...
D'autruches à n'y pas croire,
De chameaux de cauchemar;

Autant de dons pour le Maître.
Et pendant un kilomètre
C'est un émerveillement.
Bientôt la petite folle
Donnait une croquignole
À son cousin Soliman.

Heureusement que le sire
Était en humeur de rire,
Mais quand il sut ses projets
«Songe, avant que tu t'enflammes
Que j'ai déjà sept cents femmes.
- Las! dit-elle, je le sais.

Puis ils se mirent à table.
Les mets les plus délectables
Furent servis, et des vins
Indiscutables, sublimes,
Émoustillant leurs escrimes
Sur l'homme et ses quatre fins.

Il lui lançait des répliques
Définitives, bibliques,
Pour montrer son gai savoir.
Et la mignonne princesse
Sentait, sous tant de sagesse,
Son petit coeur s'émouvoir.

Car il parlerait encore,
Mais voici qu'elle l'implore
Et du geste et du regard
«C'est l'heure de la sieste,
Va, tu me diras le reste
Sur le minuit - pour le quart.»

Le lendemain, autre antienne.
La petite Sabéenne
Avait l'air désappointé.
«Il a raison, pensait-elle,
Ce Soliman en dentelle,
Tout sur terre est vanité.

Et comme le vieux monarque
Voyant qu'elle se rembarque
Lui fait voir un gros souci
Et lui jure sur son âme
Qu'il veut la prendre pour femme,
Elle lui répond: «Merci

Pour les trésors de sagesse
Dont tu me fis grand largesse,
Mais, au pays de Saba,
Nous tenons pour un principe
Qu'il n'est pas besoin de pipe
À qui n'a pas de tabac.»

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