Portrait d'un caractère extrême
Introduction
La caractérologie a mauvaise presse aujourd’hui car les psychologues la trouvent trop simpliste et la psychiatrie officielle est aveuglée par les explications bio-pharmaceutiques de la symptomatologie mentale et peu intéressée de toute façon par les idées d’un non médecin.
Elle eut quand même son époque de popularité au milieu du 20e siècle. Le philosophe français René Le Senne avec ses 12 tempéraments résultant du croisement de 3 propriétés de base décrites par les hollandais Heymans et Wiersma.
La classification en 16 types par l’américaine Isabel Briggs-Myers s’est inpirée de la typologie de Carl Jung et est encore utilisée pour l’embauche par des cabinets de ressources humaines.
Sans oublier l’Ennéagramme, classification antique actualisée par l’arménien Gurdjieff, le bolivien Ichazo et le chilien Naranjo avant d’être enseignée aux États-Unis par Don Riso ; elle présente 9 caractères et connaît encore aujourd’hui des adeptes, dont en France.
Dans The Varieties of Temperament (New York : Harper ; 1942) le psychologue américain William Sheldon (1898-1977) propose 3 composantes préfixées endo-, méso- et ecto-, en allusion aux trois feuillets embryonnaires : l’endoderme qui mène aux organes digestifs, le mésoderme qui donne le système locomoteur et l’ectoderme qui forme le système nerveux.
« Le tempérament est le niveau de personnalité qui se situe juste au dessus de la fonction physiologique et au-dessous des attitudes et opinions acquises... La caractérologie est la science du comportement » pp. 4-5
Sheldon a consacré sa carrière à étudier les constitutions physiques et les traits de caractère de milliers d’étudiants et diplômés dans les collèges et universités états-uniens. Il attribuait à chacun une cote de 1 à 7 sur une échelle des trois axes de l’endotonie, de la mésotonie et de l’ectotonie.
Les contreparties mentales des 3 types sont respectivement l’affection, la conation et la cognition, et les contreparties physiologiques sont le digestif, le musculaire et le cérébral.
a) L’endotonique est extraverti, aime le confort et le luxe, manger et digérer, dormir, les amis nombreux sans discrimination et les témoignages d’affection et d’approbation; il est tolérant, sociable, pacificateur, d’humeur égale, détendu, et dépend des autres en cas de désarroi. Sa personnalité est toute en rondeur. Il valorise les joies de l’enfance (manger, dormir, jouer, fêter). Son id freudien prédomine.
b) Le mésotonique, décrit ci-après, personifie la carrure. Il valorise la jeunesse, le milieu de la vie fait d’action et de réussite. Son ego est bien développé.
c)L’ectotonique est un observateur cherchant à comprendre ou un artiste touché par la beauté ; hyperattentif tout en évitant d’attirer l’attention, il fuit le bruit et les foules, préfère la solitude en cas de désarroi et résiste aux habitudes; retenu et crispé dans son maintien et dans l’expression de ses sentiments, il s’épanouit tardivement dans la vie, valorisant la réflexion et la sagesse des aînés. C’est un linéaire, un introverti, un sensible. Son superego est bien en selle.
La majorité des gens présentent un mélange des trois composantes.
Un mésotonique extrême
Sheldon a défini tous les aspects de la mésotonie et a présenté à titre d’exemple les traits de deux jeunes hommes méso-toniques purs, l’un qualifié d’encombrant (du prénom fictif de Eugene) et l’autre d’extrême (surnommé Boris), tous deux dotés de caractéristiques qui ne peuvent passer inaperçues même aux yeux des profanes. Le psychologue utilise le qualificatif de ‘cas’ car nous sommes aux limites de la ‘normalité’ comportementale.
La version française - LES VARIÉTÉS DU TEMPÉRAMENT, une psychologie des différences constitutionnelles (Paris : PUF ; 1951) est la référence de mes propos et la pagination y réfère, question de démontrer au lecteur que je n’invente rien.
Voici donc des traits de la mésotonie extrême, publiés en 1942, exactement 75 ans avant 2017.
POSTURE ET DÉMARCHE
« Maintien et mouvement sont péremptoires. Le tronc est droit, que le sujet soit debout ou assis ; la tête haut levée. La démarche est alerte, décidée, le corps se déplace avec vigueur » p. 54
« Les épaules sont rejetées en arrière, la mâchoire paraît avancée, les lèvres fermes et musclées sont prêtes à montrer les dents. Chacun des mouvements est vigoureux, particulièrement celui des épaules et des bras dans la démarche. La posture suggère la violence menaçante. » pp. 134, 137
DOMINATION
« Dès l’enfance il a le goût des jeux brutaux et dynamiques, l’affirmation de soi, la combativité et les qualités dominatrices » p. 290
« Il finit toujours par dominer dans toute relation un tant soit peu suivie : le désir de conquérir et de soumettre est une tendance motivationnelle primaire, il faut prendre de l’importance dans une situation quelconque, s’il doit la tolérer. » pp. 134-135
SOMMEIL
« Le lever matinal est agréable, le matin est le meilleur moment de la journée. Se lever tôt est de règle » p. 56
« On en trouve qui typiquement ont besoin de un cinquième à un tiers de sommeil que les individus moyens de leur âge … tout en conservant une énergie sans limites et sans signes de fatigue … Il se sentent bien au matin, aiment sauter à bas du lit… Il s’endort aussitôt couché » p. 282
AMOUR DU POUVOIR
« Il aime la domination, a l’appétit du pouvoir. Le désir est profond et constant de jouer un rôle important dans le monde, d’exercer le pouvoir sur les autres créatures et sur le milieu. Ce trait revêt les aspects de l’ambition, du besoin de prestige, du désir de paraître. Il est entièrement disposé à assumer des responsabilités, trait étroitement associé avec la tendance naturelle au rôle de chef. Ils aiment à être servis et attentivement entourés, à avoir des serviteurs, à donner des ordres » pp. 57-58
« La mésotonie représente le besoin d’activité vigoureuse et la résolution de soumettre le milieu à sa propre volonté. Ceux qui réussissent sont des conquérants. L’extase nait de la victoire sur les obstacles vigoureusement surmontés. Les objets qui les préoccupent sont la compétition, l’argent, le standing, le pouvoir, le succès, le sexe, le prestige, témoins de l’horreur de vieillir » pp. 137, 282 et 290
GUERRIER DANS L’ÂME
« Lorsqu’excessif, le goût du pouvoir peut conduire au complexe napoléonien, l’ambition de conquérir sur une grande échelle. On doit être pris au sérieux. Ce trait représente une des manifestations les plus dangereuses de la mésotonie, car c’est la caractéristique des faiseurs de guerre » pp. 57-58
« Les membres les plus mésotoniques de l’espèce humaine tirent le plus clair de leurs extases de modes d’expression corporelle agressifs, ce qui les rend capables de déclencher à l’occasion une bonne guerre. » p. 295
« Le mésotonique éprouve de temps à autre le frisson excitant de tuer quelque chose. » p. 74
PRISE D’HABITUDES
« Mésotonie signifie aptitude à prendre des habitudes. Ils suivent des schèmes ordonnés, routiniers, et changent rarement dans leurs opinion, ou dans leurs attitudes internes. Ils sont enclins à porter le même vêtement (corporel et) mental d’un bout à l’autre de leur existence » p. 291
« Il est peu curieux et, mentalement, peu explorateur. » p. 139
« Il n’a pas de curiosité intellectuelle et s’intéresse peu à l’avenir » p. 140
SANS COMPASSION
« Il y a absence de délicatesse, de scrupules ou de remords d’aucune sorte. Il est sans pitié, en ce sens qu’il utilisera sans hésitation les choses et même les êtres dans la poursuite d’un objectif. Un tel sujet ne se met pas à la place des autres. Il ne tient pas compte des objectifs ou des désirs qui contrecarrent les siens » p. 64
« Pour lui les êtres sont des objets à utiliser et non des objets d’affection » p. 132
« Les êtres lui restent indifférents sauf dans la mesure où il a besoin d’eux pour les utiliser à quelque fin spécifique. » p. 138
DÉCISIONS SANS RÉFLEXION
« Il y a absence de doute. Le sujet prend ses décisions immédiatement, sans regard en lui-même et sans perception de ses motifs. Ses réactions aux circonstances dans lesquelles il se trouve impliqué sont peu entravées par l’hésitation. Le foyer mental se situe exclusivement dans la réalité extérieure. » pp. 69-70
LE STATUT COMME BUT DE LA VIE
« Les buts fondamentaux de l’existence sont personnifiés par la lutte compétitive : compétition pour le pouvoir, pour le standing, pour l’argent, pour la situation » p. 73
AGRESSIVITÉ ET SUFFISANCE
« Il est ouvertement agressif, conquérant, et gonflé d’un sentiment de puissance. Il envisage de vastes entreprises et de grandes aventures, ses énergies semblent illimitées. Son sentiment d’importance personnelle se donne libre cours. » p. 71
COMBATIVITÉ
« L’agressivité est compétitive, il a du plaisir à la lutte et à la compétition pour dépasser les autres. Il prend volontiers l'initative de se mettre en avant ou de s’emparer de ce qu’il lui faut. On ne le déconcerte pas facilement. Il suit une seule direction, sans hésiter, libre d’entraves, d’inhibitions, d’hésitations. Il entre en lice d’un pas alerte, il en a le culot. Au combat il est courageux, voire violemment combatif, sans crainte aucune » p. 61
ASSURANCE INÉBRANLABLE
« Parfaitement maître de lui-même, il n’est jamais déconcerté ou dans l’embarras quant à ce qu’il doit dire ou faire. » p. 138
« Devant une situation embêtante… il luttera pour infliger une revanche brutale... il édifiera quelque chose … il passe invariablement à l’action » p. 72
« Son tempérament se révélera lors d’une épreuve décisive comme une discrimination publique défavorable, une offense insultante, une provocation à la compétition » p. 296
EXHIBITIONNISME
« Il a le goût de se trouver bien en vue. Préfère les maisons situées sur une colline dans une situation évidente, dominatrice. Son bureau est placé de préférence au milieu de la pièce. » p. 63
« Il est très exhibitionniste » p. 138
INSENSIBLITÉ PSYCHOLOGIQUE
« L’insensiblité est psychologique, spécialement à l’égard des besoins et des désirs moins manifestes et plus subtils de l’entourage. Il agit avec une dureté arrogante dans les relations sociales. » p. 62
ABORD DIRECT
« Les manières sont directes et hardies. Il est enclin à fixer un regard direct sur l’interlocuteur, sans ciller, genre flamboyant. En approchant parfois sa bouche de la figure de l’interlocuteur. Pas d’hésitation dans l’approche. » pp. 59-60, 65 et 138
TÉMÉRITÉ
« Il aime le risque, le danger couru sans nécessité et avec témérité. Pour lui le bluff est amusant et ne voit rien de pénible à être convaincu de bluff. » pp. 58-59
NOURRITURE
« Il ne vit en aucune façon pour manger, ne se soucie pas de bonne cuisine et n’est pas gourmet » p. 131
COLÈRES
« Une des caractéristiques les plus évidentes est un tempérament violent, explosif ; il le manifeste toute sa vie, et, en plus d’une occasion, a blessé (psychologiquement) des tiers » p. 132
« Son attitude envers un individu paraît parfois changer brusquement, habituellement dans le sens d’une réaction de colère. » p. 139
INTOLÉRANCE
« Il est intolérant, impatient à l’égard des hommes, des institutions et des situations. Sa conversation est faite principalement d’anathèmes violents à l’égard des individus ou des groupes » p. 132
VOIX SANS RETENUE
« Sa voix s’élève à une violence forcée dès qu’une question est soulevée, et s’il y a la moindre trace d’opposition, il se met à crier. La voix peut être stridente. » p. 136
JEUNESSE AU POUVOIR
« La jeunesse devrait avoir plus d’influence en matière d’affaires, de gouvernement, dans l’ordre social tout entier » p. 74
Conclusion surprise
Trois-quarts de siècle se sont déjà écoulés depuis qu’un caractérologue américain peu connu du grand public eut brossé un tableau si fidèle et si saisissant du sociopathe catapulté par des forces obscures à la présidence de son pays en janvier 2017, un prénommé Donald.