L'Athéna Parthénos

Henri Lechat
Si la Lemnia était une Athéna familière, la Promachos, une Pallas guerrière, la Parthénos était la Pallas triomphante. La Parthénos, recouverte d'or, d'ivoire, de matériaux précieux, dont on dit que le bouclier a lui seul était un exploit artistique, occupait le naos, ou la pièce centrale, du Parthénon, temple qui lui était dédié. Quelques statuettes permettent aujourd'hui de se représenter l'apparence de cette œuvre colossale qui ne le cédait en célébrité qu'à celle du Zeus d'Olympie, œuvre de Phidias également.

Extrait de Phidias et la sculpture grecque au Ve siècle, de Henri Lechat, ouvrage paru au tournant du XXe siècle.
De l'une à l'autre des trois Athéna de Phidias, il existe une gradation frappante en ce qui touche à la fois leur importance matérielle et leur valeur officielle. À la Lemnia, haute de deux mètres, et simple offrande d'un groupe de citoyens, succède la colossale Promachos, offrande de la cité entière, trophée d'une gloire qui était l'œuvre et le patrimoine de tous; puis, en 438, est inaugurée l'énorme et précieuse Parthénos, faite d'ivoire et d'or, mesurant 10 mètres environ, et 12 avec son piédestal, ayant sur elle un poids d'or de quelque 1. 150 kilogrammes, soit, en monnaie, près de 4 millions, équivalant à une trentaine d'aujourd'hui: suprême hommage, qui ne devait plus être dépassé, de l'État athénien à la déesse patronne et éponyme d'Athènes, en laquelle s'unissaient l'idée religieuse et l'idée patriotique.

Au fond du Parthénon, dans ce demi-jour des temples grecs, plus favorable que la pleine clarté aux délicats assemblages de pièces rapportées, soit collées ou agrafées sur une forme de bois, qu'étaient les grandes idoles chryséléphantines, l'Athéna de Phidias offrait une vision d'une surnaturelle splendeur. L'ivoire faisait la douce blancheur polie de son visage, de ses bras nus et de ses pieds; l'or faisait l'éclat de sa chevelure, de son péplos, de l'égide que fermait un gorgoneion d'ivoire; et son casque à trois cimiers était à lui seul une étonnante pièce d'orfèvrerie, du plus raffiné travail, de la plus luxueuse décoration. La main droite étendue portait une Nikè d'ivoire et d'or, haute de 1m80 à 1m90, une vraie statue; la main gauche s'appuyait sur le boucher, dressé verticalement, contre l'intérieur duquel se déroulait à demi le grand serpent Érichthonios, gardien et mystérieux génie de l'Acropole; du même côté gauche, entre le serpent et la déesse, la haute lance, que la main ne pouvait pas tenir, reposait contre l'épaule un peu obliquement. Au côté extérieur du bouclier, était figurée en relief une Amazonomachie, tandis qu'à l'intérieur une Gigantomachie était peinte; sur la tranche épaisse des sandales, d'autres reliefs montraient des scènes d'une Centauromachie. Enfin le piédestal, richement orné, présentait sur son devant un large bandeau de sculptures, dont le sujet était la création et la toilette, la mise en vie et en valeur, parmi vingt dieux et déesses réunis, de Pandora, la première femme. — Telle nous connaissons la Parthénos, grâce aux renseignements des textes anciens, puis à des copies diverses, plus ou moins réduites, qui se complètent ou se corrigent l'une l'autre: les deux statuettes d'Athènes, dites Athéna Lenormant et Athéna du Varvakeion (Fig. 16), la statuette de Madrid, la grande statue signée du nom d'Antiochos (Rome, Musée national), celle dite Minerve au collier (Louvre), d'assez nombreuses têtes (Berlin, Ny Carlsberg, Louvre) provenant de statues analogues, et ensuite les deux médaillons d'or de Kouloba (Saint-Pétersbourg) et la célèbre intaille en jaspe rouge (Vienne), signée du graveur Aspasios.

Ces copies sont impuissantes, il est vrai, à nous rendre ce qui, dans l'impression produite par l'original, tenait aux dimensions mêmes du colosse, au rapport de celles-ci avec la hauteur du naos et l'écartement de sa double colonnade, aux effets de couleur obtenus par les teintes naturelles ou artificielles des différentes matières employées; à nous rendre surtout la sensation de magnificence et de mystère à la fois, qui devait résulter du rayonnement des matériaux précieux, lorsqu'ils s'éclairaient à l'approche douce de la lumière glissant horizontalement depuis la porte ouverte jusqu'au fond du temple. Mais, du moins, l'ensemble de ces copies nous restitue les lignes et détails extérieurs de l'œuvre; et l'idée qu'a voulu réaliser l'artiste s'y manifeste clairement. En accumulant sur la Parthénos, au risque de la charger un peu, toutes ses parures de femme et tous ses attributs de déesse, en érigeant sur sa main une symbolique Nikè, en lui donnant une attitude droite et fixe, presque un peu raide malgré le léger ploiement d'une des jambes, Phidias a su magnifiquement exprimer, dans cette nouvelle et dernière représentation de la patronne d'Athènes, le caractère de grandeur souveraine qui convenait pour la divine habitante du Parthénon. La Lemnia était une Athéna familière celle-ci est Athéna en majesté. La Promachos était une Pallas guerrière, une Athéna militante celle-ci est Athéna triomphante. Avec une dignité grave et un calme auguste, elle reçoit, environnée de splendeur, le perpétuel hommage que lui doit son peuple; et son peuple, en lui apportant cet hommage, éprouve un intime orgueil à reconnaître en elle la figure de la Cité même, au moment précis de sa plus haute prospérité et de son plus radieux éclat.

Autres articles associés à ce dossier

Description du temple de Zeus à Olympie

Jean-Jacques Barthélemy

Description par le jeune Anacharsis, le voyageur fictif inventé par l'abbé Barthélemy, du temple de Zeus à Olympe où se trouvait la célèbre sta

L'Athéna Promachos

Henri Lechat

Première des grandes statues colossales de Phidias, l'Athéna Promachos, lance au bras, coiffée d'un cimier à trois rangs, dominait l'acropole, Ath

L'Athéna Lemnia

Henri Lechat

Les colons de Lemnos firent exécuter vers 450 une statue d'Athéna par Phidias en guise d'offrande. Des trois Athéna attribuées à Phidias, la Lemn

Le Zeus d'Olympie

Henri Lechat

Après les trois Athéna scultpées à Athènes, après s'être acquitté de la direction des travaux de l'Acropole que lui avait confié Périclès,

Phidias

Élie Faure


Article «Phidias» de L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

Le Chevalier de Jaucourt

Cet extrait de l'article "Sculpteurs grecs" de L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, et signé par le chevalier de Jaucourt, comporte un

À lire également du même auteur

Le Zeus d'Olympie
Après les trois Athéna scultpées à Athènes, après s'être acquitté de la direction des travau

L'Athéna Lemnia
Les colons de Lemnos firent exécuter vers 450 une statue d'Athéna par Phidias en guise d'offrande.

L'Athéna Promachos
Première des grandes statues colossales de Phidias, l'Athéna Promachos, lance au bras, coiffée d'




Articles récents