Description du temple de Zeus à Olympie
Un architecte habite, nommé Libon, fut chargé de la construction de cet édifice; deux sculpteurs non moins habiles enrichirent par de savantes compositions les frontons des deux façades. Dans l'un de ces frontons on voit, au milieu d'un grand nombre de figures, Œnomatïs et Pélops prêts à se disputer, en présence de Jupiter, le prix de la course; dans l'autre, le combat des Centaures et des Lapithes. La porte d'entrée est de bronze, ainsi que la porte du côté opposé. On a gravé sur l'une et sur l'autre une partie des travaux d'Hercule. Des pièces de marbre, taillées en forme de toiles, couvrent le toit. Au sommet de chaque fronton s'élève une Victoire en bronze doré; à chaque angle, un grand vase de même métal et également doré.
Le temple est divisé par des colonnes en trois nefs. On y trouve, de même que dans le vestibule, quantité d'offrandes que la piété et la reconnaissance ont consacrées au Dieu; mais, loin de se fixer sur ces objets, les regards se portent rapidement sur la statue et sur le trône de Jupiter. Ce chef-d'oeuvre de Phidias et de la sculpture fait, au premier aspect, une impression que l'examen ne sert qu'à rendre plus profonde.
La figure de Jupiter est en or et en ivoire; et, quoique assise, elle s'élève presque jusqu'au plafond du temple. De la main droite elle tient une Victoire également d'or et d'ivoire; de la gauche, un sceptre travaillé avec goût, enrichi de diverses espèces de métaux, et surmonté d'un aigle. La chaussure est en or, ainsi que le manteau, sur lequel on a gravé des animaux, des fleurs, et surtout des lis.
Le trône porte sur quatre pieds, ainsi que sur des colonnes intermédiaires de même hauteur que les pieds. Les matières les plus riches, les arts les plus nobles concourent à l'embellir. Il est tout brillant d'or, d'ivoire, d'ébène et de pierres précieuses, partout décoré de peintures et de bas-reliefs.
Quatre de ces bas-reliefs sont appliqués sur la face antérieure de chacun des pieds de devant. Le plus haut représente quatre Victoires dans l'attitude de danseuses; le second, des sphinx, qui enlèvent les enfants des Thébains; le troisième, Apollon et Diane perçant de leurs traits les enfants de Niobé; le dernier, enfin, deux autres Victoires.
Phidias profita des moindres espaces pour multiplier les ornements. Sur les quatre traverses qui lient les pieds du trône, je comptai trente-sept figures, les unes représentant des lutteurs, les autres le combat d'Hercule contre les Amazones. Au-dessus de la tête de Jupiter, dans la partie supérieure du trône, on voit, d'un côté, les Grâces, qu'il eut d'Eurynome, et les trois Saisons, qu'il eut de Thémis. On distingue quantité d'autres bas-reliefs, tant sur le marchepied que sur la base ou l'estrade qui soutient cette masse énorme, la plupart exécutés en or, et représentant les divinités de l'Olympe. Aux pieds de Jupiter, on lit cette inscription: JE SUIS L'OUVRAGE DE PHIDIAS, ATHÉNIEN, FILS DE CHARMIDÈS. Outre son nom, !'artiste, pour éterniser la mémoire et la beauté d'un jeune homme de ses amis appelé Pantarcès, grava son nom sur un des doigts de Jupiter.
On ne peut approcher du trône autant qu'on le désirerait: à une certaine distance on est arrêté par une balustrade qui règne tout autour, et qui est ornée de peintures excellentes de la main de Panénus, élève et frère de Phidias. C'est le même qui, conjointement avec Colotès, autre disciple de ce grand homme, fut chargé des principaux détails de cet ouvrage surprenant. On dit qu'après l'avoir achevé Phidias ôta le voile dont il l'avait couvert, consulta le goût du public, et se réforma lui-même d'après les avis de la multitude.
On est frappé de la grandeur de l'entreprise, de la richesse de la matière, de l'excellence du travail, de l'heureux accord de toutes les parties; mais on l'est bien plus encore de l'expression sublime que l'artiste a su donner à la tête de Jupiter. La divinité même y parait empreinte avec tout l'éclat de la puissance, toute la profondeur de la sagesse, toute la douceur de la bonté. Auparavant, les artistes ne représentaient le maître des dieux qu'avec des traits communs, sans noblesse et sans caractère distinctif; Phidias fut le premier qui atteignit, pour ainsi dire, la majesté divine, et sut ajouter un nouveau motif au respect des peuples en leur rendant sensible ce qu'ils avaient adoré. Dans quelle source avait-il donc puisé ces hautes idées? Des poètes diraient qu'il était monté dans le ciel, ou que le dieu était descendu sur la terre; mais il répondit d'une manière plus simple et plus noble à ceux qui lui faisaient la même question: il cita les vers d'Homère où ce poète dit qu'un regard de Jupiter suffit pour ébranler l'Olympe. Ces vers, en réveillant dans l'âme de Phidias l'image du vrai beau, de ce beau qui n'est aperçu que par l'homme de génie, produisirent le Jupiter d'Olympie; et, quel que soit le sort de la religion qui domine dans la Grèce, le Jupiter d'Olympie servira toujours de modèle aux artistes qui voudront représenter dignement l'Être suprême.
Les Eléens connaissent le prix du monument qu'ils possèdent; ils montrent encore aux étrangers l'atelier de Phidias. Ils ont répandu leurs bienfaits sur les descendants de ce grand artiste, et les ont chargés d'entretenir la statue dans tout son éclat. Comme le temple et l'enceinte sacrée sont dans un endroit marécageux, un des moyens qu'on emploie pour défendre l'ivoire contre l'humidité, c'est de verser fréquemment de l'huile au pied du trône, sur une partie du pavé destinée à la recevoir.