Le Partenariat transpacifique : un cheval de Troie

Stéphane Stapinsky

Ainsi donc, le Partenariat transpacifique (PTP), cet accord commercial régional impliquant 11 pays de la zone Pacifique, dont le Canada, aura été conclu, après moult difficultés et controverses, en pleine campagne électorale canadienne. Dans la hâte et la précipation comme il se doit. Dans un sentiment d’urgence qui échappe à tous, sauf aux négociateurs. Avec sa subtilité, son sens de la nuance habituel, le premier ministre Harper, dont la conclusion d’un tel accord était un de ses objectifs lors d’un troisième mandat et qui entend bien surfer sur ce « succès », l’a d’ailleurs qualifié de « plus grand partenariat économique de l'histoire du monde ». Rien de moins.

Dans les chancelleries des pays signataires, c’est l’enthousiame. Philippe Grasset, animateur sagace du site Dedefensa.org, gâche un peu la fête lorsqu’il rappelle que le consensus ayant mené à cet accord « infâme » (c’est ainsi qu’il qualifie le traité) est peu solide et que son adoption par toutes les parties est rien moins que certaine. « Le traité a été bouclé à l’arraché et demeure très fragile (…) du fait que tous les signataires sont au bout de leurs concessions et ont dû accepter des dispositions qui ne leur conviennent pas. De plus en plus d’interprétations font du PTP un “traité de guerre commerciale” destiné à isoler la Chine, ce qui va contre divers intérêts commerciaux et économiques, y compris dans les pays signataires bien entendu, et fait intervenir une géopolitique qui ne fait pas l’unanimité et divise même, notamment aux USA, ceux dont l’union aurait pu être un soutien précieux pour le traité si l’on était resté dans un contexte raisonnable. »

J’avais longuement parlé de la négociation du PTP dans un article critique paru dans la livraison de mai 2013 (vol. 5, no  7) de la Lettre de l’Agora. Le PTP, je le disais alors, n’est pas un simple accord de libre-échange car il va beaucoup plus loin que ce qu’implique ce dernier et prévoit aussi une clause sur les investissements. C’est ce qu’on appelle une «entente de deuxième génération». En raison du grand nombre d’aspects pris en compte, je le qualifierais également d’entente « omnibus », de la même manière qu’il y a des loi omnibus, regroupant une variété de pièces législatives disparates.

La réalité, hélas, n’a fait que confirmer depuis mes appréhensions. L’on voit maintenent encore plus clairement comment le PTP (et les accords du même type : TAFTA-TTIP (UE-États-Unis), AECG (UE-Canada), TISA (accord général sur les services)) hypothèque l’avenir des États qui sont partie prenante à l’entente. On est surtout à même de mieux situer les enjeux plus globaux dans lesquels il s’inscrit. C’est de plus en plus manifeste : le PTP, et les accords de la même famille, sont faits à l’avantage des multinationales et non des populations des États qui les concluent.

Ceux qui soutiennent ces accords nous présentent, pour les justifier, une vision rose bonbon de la réalité. Ils nous promettent monts et merveilles mais sont incapables de faire la démonstration de la réalité de ce qu’ils avancent. Par exemple, une croissance non négligeable du PNB ou une  création significative d’emplois.

Le Canada (et le Québec) a-t-il vraiment beaucoup à y gagner sur le plan économique ? Le pays a déjà conclu des accords de libre-échange avec les Etats-Unis, le Mexique, le Chili et le Pérou. Dans six des autres pays, il n’envoie qu’un pour cent de ses exportations. Il y a bien le cas du Japon, mais ces gains hypothèques valent quoi face aux renoncements bien plus importants que nous devrons faire ?

Les ministres canadiens sont aux oiseaux lorsqu’ils évoquent les retombées positives du PTP et ils n’hésitent pas à rabrouer, voire à insulter ceux qui osent marquer leur opposition. À l'instar de l'inénarrable Maxime Bernier, qui, en parlant des agricultueurs soucieux de défendre la gestion de l’offre (et leur gagne-pain), a osé dire que « ceux qui se plaignent du PTP ne sont que des pro-syndicalistes qui se plaignent le ventre plein» et, sur une autre tribune, que les syndicats qui s’opposent au PTP sont des «illettrés économiques».

Pareilles insultes, qui cherchent à dissuader d’avance toute opposition, ne veulent en fait que faire oublier les destructions en cours dans le secteur agricole et, de manière générale, l’imprécision des arguments que l’on peut apporter en faveur du PTP. Ses défenseurs lancent des chiffres impressionnants, nous précisent que nos entreprises auront accès à de nouveaux marchés, et la perspective nous paraît mirobolante («un marché de centaines de millions de consommateurs », etc. etc.). Nous n’avons cependant aucun moyen de vérifier ces allégations. On oublie de dire que si nos entreprises décrochent bel et bien de nouveaux marchés, les entreprises des autres pays viendront également en accaparer chez nous, et qu’au total, le gain ne sera peut-être pas si important. Jamais ils n’ont l’honnêteté de nous présenter un tableau d’ensemble des gains et des pertes. Ces partisans aveugles nous invitent à avoir foi en ce qu’ils disent… En vérité, les seules certitudes que nous aurons jamais avec ces accords, c’est après les avoir signés, et des années plus tard, que nous les découvrirons…

Il m’apparaît évident, en bout de ligne, que seuls les gros joueurs de l’économie – les entreprises multinationales – en sortiront gagnants. Les critiques américains du PTP me semblent moins naïfs  que les politiciens canadiens. Ils appréhendent, pour leur part, des pertes d’emplois massives et la délocalisation d’entreprises industrielles vers les pays de l’entente les moins exigeants, du point de vue des conditions de travail.

En vérité, la position des défenseurs de l’entente tient en définitive, plutôt que d'une défense argumentée, d'une posture bien prévisible. Ils nous ressortent en effet à chaque fois la même rhétorique, la même dichotomie progressisme\conservatisme. Accepter ces accords, c’est, pour leurs promoteurs et leurs soutiens dans les médias officiels, aller dans le sens de l’histoire, dans le sens du progrès, de la modernité. Les rejeter, c’est choisir le repli, la fermeture, le conservatisme étroit. C’est refuser d’avancer. On remarquera que ce sont là des arguments que l’on utilise aujourd’hui partout, sur tous les terrains où se déploie la mondialisation ou les avancées sociétales du néolibéralisme. Ce sont les mêmes arguments qu’on emploie pour défendre l’Union européenne. Ou l’ouverture illimitée des frontières. Ou le mariage homesexuel et la gestation pour autrui. Refuser ces évolutions commerciales ou sociétales, c’est se condamner à la ringardise.

Si, à mon sens, ceux qui nous serinent les bénéfices incroyables à tirer du PTP sont ou bien des naïfs, ou bien des menteurs, j’avoue néanmoins respecter, même si je ne le partage pas – car je souhaite aborder la question du point de vue des principes –, le point de vue de ceux qui disent favoriser l’entente pour des raisons platement réalistes. Je parle bien sûr de ceux qui soutiennent que nous devons appuyer le PTP, car si nous le faisons pas, nous serons en quelque sorte largués, à la traîne des autres États qui l’auront signé. Force est d’admettre, malheureusement, qu’ils n’ont pas entièrement tort. Et cela tient à la nature du monde dans lequel nous vivons, qui a été façonné par les élites au pouvoir, selon leurs intérêts, leurs désirs et leurs besoins. En mettant en place la mondialisation, en ouvrant les frontières largement aux capitaux, aux investissements, au commerce en général, aux travailleurs, ils ont rendu très difficile, voir impossible, la dissidence d’un pays par rapport à l’ensemble du système. Le même problème se pose, par exemple, avec la fiscalité. La justice voudrait que les entreprises et les plus riches paient leur juste part. Toutefois, la politique de la plupart des États aujourd’hui est de ne pas insister là-dessus. Pourquoi ? Parce qu’on sait très bien que, dans le système mondialisé actuel, les riches et les entreprises pourront déménager sans aucun problème en conservant tous leurs privilèges. Cela est possible, bien sûr, parce que les peuples ont abdiqué devant leurs élites et leur besoin de s’enrichir à tout prix.

Si les bénéfices à tirer du PTP sont plus qu’hypothétiques, les menaces qu’il fait peser sur les États, sur leur souverainté et les politiques qu’ils mettent en œuvre, et sur la vie démocratique en général, sont bien réelles. On le constate aujourd’hui. Lors d’une manifestation, des adversaires des accords commerciaux avaient mis, au premier plan de leur marche, la statue d’un cheval de Troie, symbole à leurs yeux de la nature réelle de ces accords. Je pense que cette image décrit on ne peut mieux ce qu’est le Partenariat transpacifique qui vient d’être conclu.


Une parodie de démocratie

Dans mon article de 2013, j’ai évoqué le caractère non-démocratique du processus de négociation de l’accord. On peut encore s’y référer. Les textes de l’entente signée ne sont toujours pas rendus publics; ils ne le seront que dans plusieurs semaines, et il est impossible, de toute façon, de les modifier. Fait très significatif, les exemplaires des documents eux-mêmes sont soumis à une procédure qui rappelle le secret de la défense : conservation dans des pièces verrouillées, impossibilité, sous peine de poursuites, de révéler leur contenu, etc. De fait, les seuls éléments tangibles qui soient jamais parvenus au public, sur le PTP et sur les autres accords, l’ont été grâce à des textes coulés et diffusés par Wikileaks. Cette seule réalité devrait donner à réfléchir.

Alors que les entreprises multinationales sont impliquées depuis le début dans les négociations, les représentants élus des peuples, dans bien des pays (dont le Canada), sont tenus pour leur part dans l’ignorance de ce qui se discute. Concernant ce privilège exorbitant accordé aux multinationales, AUCUNE justification rationnelle n’est jamais apportée. Nous sommes dans le privilège à l’état PUR. A l’ère démocratique, ce seul sujet devrait faire scandale sur la place publique : comment des joueurs privés, le plus souvent en conflits d’intérêts avec la matière qui est l’objet des discussions, peuvent-ils être autorisés à prendre part, au même titre que les agents des gouvernements, à ces négociations ? Et même, dans certains cas, des fuites nous l’ont appris, à rédiger des textes de l’entente ? Il faut vraiment que nous ayons perdu tout sens de ce qu’est la démocratie, de ce qu’est la souveraineté du peuple, pour que nous réagissions avec une telle passivité à cette situation qui, je le répète, est proprement scandaleuse.

Dans une société véritablement démocratique, une entente de cette importance devrait être ratifiée lors d’un référendum ou, à tout le moins, lors d’une élection, comme ce fut le cas avec l’ALENA sous le gouvernement Mulroney. Mais nous ne sommes plus véritablement en démocratie, malgré ce que les bien pensants vous répondront.

Je dirais que nous sommes entrés, du point de vue de la vie démocratique, dans une culture du « fast track », de l’adoption accélérée des mesures législatives et des traités. Au Canada, on l’a très bien vu avec le bill C-38 du gouvernement conservateur, soumis au parlement il y a quelques années. Un grand nombre de pièces législatives importantes, qui auraient mérité un débat approfondi (notamment sur l’environnement), ont été fondues dans une seule loi, avec un débat restreint.

Pour les élites actuelles, la démocratie, avec ses lenteurs, ses lourdeurs, est une réalité inadaptée à notre époque… On me permettra de reproduire ici, ce que je disais en 2013, qui demeure parfaitement actuel.

A une certaine époque, alors qu’existait encore une véritable démocratie et que le mot peuple avait toujours un sens, si un gouvernement voulait proposer un changement législatif, il présentait un projet de loi et les représentants du peuple en débattaient au parlement. À l’ère de la mondialisation, nos dirigeants sont d’avis qu’il n’est pas souhaitable que les débats se prolongent, ni surtout que les peuples et leurs représentants y soient associés de manière trop étroite. Ils pourraient se montrer un peu trop critiques des orientations qu’ils auraient prises. Le bon peuple pourrait peut-être aussi y comprendre quelque chose…. On multiplie donc, sur le plan intérieur, les lois omnibus qui vont noyer des changements législatifs importants au milieu d’une foule d’autres de moindre portée. Il y a là, assurément, un détournement de démocratie.

Lorsqu’on souhaite modifier de manière plus profonde des lois qui touchent des sujets sensibles, et qu’on ne veut pas qu’il y ait débat, que fait-on ? Eh bien, on se joint à un accord commercial dont la négociation est déjà amorcée, comme le Partenariat transpacifique. Michael Geist écrit fort justement, à propos du cet accord et de la volonté canadienne d’en faire partie : « La raison de l’intérêt du Canada pour le PTP tient moins dans le libre-échange avec une poignée de pays dont les économies sont somme toute modestes, que dans l’utilisation du prétexte de ce traité pour procéder, « par la porte arrière », à des changements législatifs et réglementaires au Canada même. »

L’intérêt proprement économique de la participation canadienne aux négociations du PTP paraît assez limité, ainsi qu’on l’a vu plus haut. Mais ce peut être l’occasion, pour le gouvernement Harper, de poursuivre son programme de déréglementation, tout en s’en dédouanant, puisque les changements législatifs qu’ils souhaitent ardemment faire seront présentés comme des conditions posées par les partenaires du Canada afin qu’il puisse se joindre à un accord commercial. Et que rejeter ledit accord et lesdites réformes serait mettre le Canada au ban économique des nations civilisées.


Un coup d’État des élites mondialisées ?

L’ impact du PTP (et des autres accords régionaux ou bilatéraux) sur la souverainté nationale des pays qui les concluent est fondamental. Avec la mise en œuvre de ces accords, on est de moins en moins chez soi, chez soi… J’évoque, dans mon texte de 2013, la question des tribunaux devant régler les différends avec les investisseurs, des tribunaux privés, non démocratiques, qui n’ont de compte à rendre à personne. Et qui font en sorte qu’une entreprise privée peut poursuivre un État si elle estime qu’une loi nuit à sa profitabilité – loi de santé publique, loi environnementale, etc. Andrée Mathieu, dans son texte, actualise brillamment la question. Vous pouvez vous y référer. Les exemples qu’elle donne parlent d’eux-mêmes.

Le PTP et les autres ententes interdiront ou limiteront grandement l’action des États dans une foule de secteurs liés au commerce. Il sera ainsi plus difficile, voire impossible, de favoriser, en cas de crise, les entreprises locales.

Ce qui est plus préoccupant encore, c’est que commence à apparaître, dans les textes d’accords toujours en négociation, comme le TISA, qui est entouré d’un bien plus grand secret que les autres, une notion d’irréversibilité des réformes et des privatisations. Voici ce que rapporte, à propos de cet accord ultra-secret, le site bastamag.net :

« En premier lieu, tout secteur qui n’est pas explicitement exclu, protégé par chaque pays, pourrait être concerné par l’accord. Avec tous les dangers que cela comporte. Ces accords ouvriraient notamment la porte à un afflux d’entreprises privées dans le secteur éducatif européen, alerte la fédération internationale des syndicats d’enseignants. Une clause de statu quo viendrait figer les niveaux actuels de libéralisation des services dans chaque pays, rendant impossible toute remunicipalisation des services de l’eau par exemple, ou compliquant la création ou le rétablissement de monopoles publics dans des domaines actuellement ouverts à la concurrence. Autre principe : la « clause à effet de cliquet » (sic), qui viendrait figer toute future libéralisation d’un service donné. Une partie de l’assurance chômage est privatisée, comme au Royaume-Uni ? La retraite est démantelée au profit de fonds de pension ? Impossible de revenir en arrière ! Une atteinte aux libertés démocratiques fondamentales, dénonce la fédération syndicale internationale, qui voit dans ce futur accord un moyen de « rendre pérenne et irréversible un système de privatisations pour toutes les générations à venir ». Des gouvernements complètement liés par les décisions de leurs prédécesseurs : voilà qui porterait gravement atteinte au fonctionnement des démocraties ! »

Négation de la démocratie, oui, mais aussi de la souveraineté d’un peuple, qui devrait toujours être le maître ultime de ses décisions. Ainsi qu’on est à même de le voir, le secret entourant ces négociations n’est pas dû au hasard. Certains parlent déjà de « coup d’État » des multinationales. Ou de « coup d’État » des élites mondialisées, des élites néolibérales qui nous gouvernent. On n’en est pas loin.

Étrangement, cette notion d’irréversibilité rappelle la fameuse « doctrine Brejnev » et la mainmise de l’ex-URSS sur les pays d’Europe de l’Est. Précisons, pour mémoire, que cette doctrine, dite de souveraineté limitée, consacrait l’irréversibilité de l’entrée d’un pays (ex. Pologne) dans le camp socialiste et justifiait, le cas échéant, l’intervention des blindés soviétiques. Nous aurions donc ici une sorte de doctrine Brejnev de l’hypercapitalisme. Un peuple qui abandonne un secteur de son économie au secteur privé n’aurait pas le droit de l’y reprendre ultérieurement. Toute privatisation serait irréversible, sans qu’aucune justification philosophique, théorique, ne soit jamais donnée quant à cette irréversibilité. Les organismes de gestion du commerce international (OMC ou autres) auraient donc préséance sur la souveraineté des peuples. C’est proprement aberrant.

Quel espoir nous reste-t-il ?

Au Canada et au Québec, des groupes comme le Conseil des Canadiens, ATTAC ou le Réseau québécois sur l’intégration continentale, ont depuis longtemps tenté d’alerter l’opinion publique sur les aspects néfastes du PTP et des autres accords en voie de négociation. Des analystes, comme l’écrivain Claude Vaillancourt, ont joué, à cet égard un rôle des plus utiles. Je me suis d’ailleurs référé à maintes reprises à ses analyses pertinentes dans mon texte de 2013.

Le fait qu’on soit parvenu à s’entendre sur le PTP en pleine campagne électorale fédérale, a fait en sorte qu’on a bien plus parlé de cette entente que de cet autre accord important, conclu il y a deux ans, avec l’Union européenne et qui n’a pas encore été ratifié. Le chef du Nouveau Parti démocratique a signifié son opposition très claire au PTP sous sa forme actuelle; le chef libéral, Justin Trudeau, s’abstient pour l’instant d’adopter une position ferme. Seul le premier Harper s’en fait le défenseur aveugle.

La prise de conscience chez les gens – simples citoyens, militants ou analystes (et agriculteurs, ajouterons-nous!) –, s’est encore étendue, me semble-t-il, lors de cette campagne, même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour ouvrir les esprits à tous les enjeux de cette entente complexe. Si la myopie persiste chez certains analystes (comme Pierre Duhamel, de L’Actualité, un chantre lyrique du PTP), d’autres, et des olus sérieux, ont été opérés de leur cataracte et n’hésitent plus à marquer leur opposition (par exemple le journaliste et ancien cadre de la Caisse de dépôts du Québec, Michel Nadeau, qui s’exprimait récemment avec clarté et fermeté lors de l'émission "Samedi et rien d'autre", animée par Joël Le Bigot sur les ondes de Radio-Canada).

En cas de réélection majoritaire du gouvernement Harper (la chose n’est pas impossible), tout espoir de renverser la vapeur est à mon sens perdu. Le débat à la Chambre des Communes et au Sénat, qui sera réduit au minimum, sera une pure perte de temps et d’énergie. Et si l’un des deux principaux partis d’opposition devait être élu, je doute fort qu’il puisse résister aux pressions américaines pour hâter la ratification du PTP. Par ailleurs, la passivité et la soumission de la population canadienne me font croire qu’il est assez peu probable qu’on puisse ici mobiliser des foules comparables à celles qui sont descendues récemment dans les rues, en Europe, pour s’opposer à l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis.

Si j’étais à la tête d’un organisme combattant la ratification du PTP, je concentrerais mon action principale, même si nous sommes au Canada et au Québec, sur la scène américaine. Avec l’annonce de l’opposition au PTP de la démocrate Hillary Clinton, qui aspire à la présidence en 2016, la donne est modifiée de fond en comble. Ainsi que l’écrit Philippe Grasset, « un débat très polémique aux USA [aura lieu] autour du TPP, avec désormais une possibilité non négligeable de son rejet par le Congrès ». Je suis très critique, en général, des États-Unis et de la politique américaine. Mais, contrairement au Canada et au Québec, une vraie vie démocratique y existe encore, il est toujours possible d’y soumettre des projets de loi et de les débattre sans que l’issue ne soit connue d’avance. Je tenterais donc d’établir des ponts avec les organismes de lutte américains afin de faire connaître notre opposition. Je ferais tout ce qu’il est humainement possible pour favoriser, pour diffuser les initiatives de ces organismes. Avec l’espoir que le Congrès, qui est fortement anti-Obama, torpille l’entente. La chose est loin d’être impensable, dans la mesure où, rappelons-le, le « fast track » n’a été accordé plus tôt cette année au président que par une majorité de quelques voix.




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