L’amour au temps du numérique

Stéphane Stapinsky

L'amour au temps du numérique (Télé-Québec)

1ère partie

2e partie

 

 

Dans un passé qui nous semble aujourd’hui presque aussi lointain que la préhistoire, on rencontrait son amoureux ou son amoureuse dans un contexte de proximité, à travers la famille et grâce aux réseaux d’amis (notamment à l’école). L’exemple qu’on donne souvent – celui du perron de l’église – peut ici être évoqué pour symboliser cette époque. Un rituel plus ou moins codifié régissait un art de faire la cour au beau sexe. Avec la libéralisation des mœurs, à partir des années 1950-60, les fêtes (les « parties », les « boums »), souvent liées à la musique, ont pris de plus en plus d’importance dans la vie des jeunes. Les rituels ont commencé à s’assouplir graduellement. Depuis la révolution sexuelle, la promiscuité sexuelle n’est plus l’apanage d’une élite dite « libérée ».

Pour ceux à qui la chose posait problème, notamment par manque de partenaires potentiels dans leur entourage, existaient les clubs ou agences de rencontre. Dans les années 1990, des services téléphoniques se sont ajoutés, dans le même but, introduisant une plus grande souplesse d’utilisation. Avec le passage au nouveau millénaire, le tableau des rencontres amoureuses a toutefois été chamboulé de fond en comble par la diffusion généralisée des nouvelles technologies mobiles, essentiellement les téléphones dits « intelligents ». On aurait tort de n’y voir qu’un simple perfectionnement technique. C’est la nature de la rencontre amoureuse qui se transforme, ainsi que nous le verrons, avec le développement d’applications comme Tinder, Instagram ou Badoo. Les jeunes adultes ont maintenant accès à une multitude de partenaires potentiels et cette ivresse du choix n’est pas sans leur poser des problèmes.

Un documentaire sur l’amour au temps du numérique

Il y a quelques semaines, sur les ondes de Télé-Québec, était diffusé un documentaire en deux parties d’une cinquantaine de minutes chacune, sur le thème de l’amour au temps du numérique.  La réalisatrice Sophie Lambert s’y penche sur la jeune génération d’aujourd’hui, celle qui vient d’avoir 20 ans, afin d’en savoir plus sur son expérience de la rencontre amoureuse. Avant de faire son film, elle a interviewé 80 célibataires, puis a retenu six d'entre eux avec qui elle a gardé contact durant une période de 8 mois. Elle nous fait ainsi découvrir la vie de Steph, Carine, Stevo, Timothée, Sandrine et Gabrielle, qui nous exposent leur perception des relations à l'ère du numérique.

La réalisatrice reste vague quant aux critères ayant présidé à la sélection de ces six jeunes. Elle nous dit qu’ils ont été choisis « pour la manière particulière dont ils se servent des sites de rencontre et des réseaux sociaux », et « pour la manière dont ils gèrent leur image en ligne ». Cet échantillon est-il véritablement représentatif de l’ensemble des jeunes Québécois du même âge ? Je ne le crois pas, à l'instar de quelques commentateurs du film,qui se montren cependant bien plus critiques que moi (1). Il réunit plutôt un groupe de jeunes filles et jeunes hommes « modernes », bien intégrés à la culture « jeune » de leur époque et à ce que Philippe Muray désigne comme la société « hyperfestive ». Ceux qu’elle nous présente sont tous connectés. Mais sont-ce vraiment tous les jeunes qui le sont ? N’est-ce pas un préjugé que de le croire? Afin d’avoir un tableau plus juste, à tout le moins plus contrasté, il aurait fallu à mon sens intégrer des jeunes appartenant à d’autres milieux culturels, religieux ou ethniques. Ainsi, l’amour ne se vit sûrement pas de la même façon chez des catholiques, des juifs, des musulmans ou des hindous pratiquants. De même, des variations doivent sans doute exister suivant l’appartenance ethnique de la personne, et le caractère plus ou moins traditionnel du mode de vie. L’amour à l’ère du numérique, faut-il le préciser, ce n’est pas seulement l’amour vécu sur les réseaux numériques.

Autre limite du documentaire : on ne nous montre que des jeunes qui « réussissent » en amour, des jeunes dont l’apparence ou le comportement correspond à ce qui est valorisé aujourd’hui socialement. On ne nous présente aucun ici « éclopé » du regard. Il va sans dire qu’aborder la question des relations amoureuse du point de vue de ceux qui, pour une raison ou une autre (apparence physique désavantageuse, handicap, situation socio-économique inférieure), sont en situation d'infériorité, nous aurait fourni un tout autre tableau. Mais il se serait sans doute agi d’un autre film.

Celui de Sophie Lambert flirte avec l'esprit de la télé-réalité. Il ne s’agit pas d’un documentaire qui permettrait d’entrer dans l’intelligence du sujet en confrontant les points de vue de spécialistes de diverses disciplines, que ce soit la psychologie, la sociologie ou la philosophie. Non, aucune voix experte n’est ici entendue. Seules interviennent la réalisatrice et les personnes qu’elle interviewe. Cette absence de perspectives interprétatives est à mon sens une des faiblesses du film. Car les idées de ces jeunes, leur discours, n’apparaissent pas ex nihilo, ils proviennent bien de quelque part. Sans noyer son propos dans des considérations théoriques, Mme Lambert aurait pu se dégager quelque peu de son matériau empirique en faisant parler quelques experts judicieusement choisis.

Le bar ouvert des rencontres amoureuses

Ce qui frappe d’emblée dans le film, c’est que le terrain où se déploient les relations amoureuses est vraiment un « meat market », un bar ouvert, ou hommes et femmes s’efforcent tout simplement de prendre ce dont ils ont envie. Stevo, un jeune homosexuel,  l’énonce crûment : « Aujourd'hui, ce n'est même plus de rencontrer et d’avoir du fun qui importe, c'est de chasser. On va boire et on espère revenir avec quelqu'un dans son lit. » Ainsi existe une compétition féroce, dans laquelle tous ne sont pas égaux. Nous sommes bien dans ce « système sexuel parfaitement libéral » décrit par Michel Houellebecq, dans L'extension du domaine de la lutte :

« Décidément (…) dans nos sociétés, le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de l'argent ; et il se comporte comme un système de différenciation au moins aussi impitoyable. Les effets de ces deux systèmes sont d'ailleurs strictement équivalents. Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue. Certains font l'amour tous les jours ; d'autres cinq ou six fois dans leur vie, ou jamais. Certains font l'amour avec des dizaines de femmes ; d'autres avec aucune. C'est ce qu'on appelle la " loi du marché ". Dans un système économique où le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l'adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d'autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d'autres sont réduits à la masturbation et la solitude. Le libéralisme économique, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. »

Cette compétition, même si elle leur pèse parfois, les jeunes finissent pas s’y soumettre et à en suivre les règles. On perçoit, dans leur comportement, qu’ils valorisent au plus haut point les stratégies, les scénarios visant à subjuguer l’autre. Sur les réseaux sociaux et dans les applications de rencontre, les filles sont bien moins nombreuses que les hommes. La compétition est donc d’autant plus féroce entre les mâles.

On ne s’en surprendra pas, une importance extrême est accordée à l’apparence physique de l’éventuel partenaire. C’est la génération du « plus beau », comme dit l’un d’entre eux. Le reste, les autres qualités de la personne, est vraiment secondaire; ils n’ont tout simplement pas le temps de s’y arrêter. Les applications technologiques constituent la vitrine où chacun peut se vendre en mettant de l’avant les photos de soi les plus aguichantes. Comme on se commande une pizza, on se commande un ami ou une « baise ». Ces technologies font aussi en sorte qu’on peut supprimer instantanément les profils qui ne nous plaisent pas.

Les autres sont là d’abord et avant tout pour combler nos désirs, et dans l’immédiat. « J’ai décidé de penser à moi d’abord », dit l’une des jeunes femmes suivies par la cinéaste. Une autre dit apprécier la diversité et n’envisage pas de limiter son espace amoureux à une seule personne. Mais ce « moi d’abord », certains le vivent mal. Comme Stevo, qui déplore le comportement de certains de ses partenaires, qu’il croyait sérieux : « On fait entrer l'autre dans son intimité, et l'autre joue avec nous. On prend, mais sans donner. » La mère d’un des jeunes, Stef, roumaine d’origine (elle a vécu la dureté de la vie derrière le Rideau de fer) a un jugement tout aussi sévère. « Aujourd’hui, alors que leurs besoins essentiels sont comblés, les jeunes veulent le bonheur (filles, drogues, biens matériels…), mais tout de suite. »

La pornographie, largement diffusée et visionnée par tous, sans exception, homme ou femme, reste un guide en matière de pratiques sexuelles. Certains, heureusement, la voit plutôt comme un espace davantage fantasmé que réel, un monde de fantaisies qu’on ne cherchera pas nécessairement à reproduire dans la réalité. Mais pas tous. Cette omniprésence de la pornographie entretient toutefois bien vivante chez eux l’idée de la performance. Elle nourrit également celle d’une disponibilité permanente des partenaires sexuels, d’une consommation incessante des plaisirs.

Ce que l’on découvre chez ces jeunes, c’est une dimension quasi hygiénique de la sexualité. Lorsqu’ils ne sont pas en couples, la plupart d’entre eux ont des « fuck friends », avec lesquels ils ou elles ont des rapports sexuels, sans que cela soit contraignant d’aucune manière.

Dans ce monde où règne une sexualité compétitive, c’est chacun pour soi. Le pouvoir de l’autre sur soi menace à chaque fois. Il est donc nécessaire de se protéger. Et la première règle, c’est de ne pas s’attacher. Comme le dit l’un d’entre eux, « c’est un jeu, et le premier qui s'attache a perdu ». Et l’on ne veut surtout pas perdre et montrer sa vulnérabilité.

Une vision ambiguë de l’amour

La réalisatrice du film, qui a une vingtaine d’années de plus que les jeunes qu’elle suit, résume assez bien, en une formule, la différence entre les générations qui ont précédé et celle d’aujourd’hui : « Nous appartenions à une génération où on était en amour et où on rêvait de sexe; aujourd’hui, ces jeunes font partie d’une génération qui est plongée dans le sexe et qui rêve à l'amour ».

Au total, c’est une vision pas très optimiste que nous livre le documentaire sur les relations amoureuses des jeunes de notre époque. Ce n’est pourtant pas le propos de l’auteur que de se complaire dans la négativité, mais elle ne peut se défendre de son inquiétude.

Ce qui est frappant, c’est qu’aucun des jeunes participants au film ne paraît vraiment heureux. Certes leur vie abonde de jouissances et de plaisirs, mais ils paraissent bien souvent désabusés. Sandrine, par exemple, qui dit ouvertement éprouver un fort sentiment de solitude. Une autre participante, qui est mère célibataire d’un bébé de quelques mois, paraît tout aussi perplexe. Au début du documentaire, elle ignore qui est le père de son enfant. Selon elle, il y a quatre possibilités, que seul un test d’ADN pourrait départager. Cette jeune femme, qui se définit elle-même comme « nymphomane », continue toujours à faire de nouvelles rencontres. Alors qu’elle se prépare à recevoir chez elle un homme qu’elle a contacté quelques heures plus tôt, elle répond, à la réalisatrice qui lui demande la raison de son choix : « Avec lui ou avec un autre, c'est pas mal toute pareil. »

Nos jeunes sont les enfants ou les petits-enfants des baby boomers. Ils ont grandi avec les modèles de relations de couple que ceux-ci ont expérimentés dans leur vie. Ils ne croient pas que puisse exister un couple heureux qui demeure soudé pendant des années, un couple heureux et qui ne s’autorise pas à aller voir ailleurs. Pour eux, dans ce cas-là, il y a nécessairement anguille sous roche. Celui ou celle qui est fleur bleue, on le raille comme un « lover », un romantique, un idéaliste, qui cherche l’amour avec un grand A. Car c’est trop beau pour être vrai.

On ne s'étonnera pas du fait que le « couple ouvert » (i.e. permettant des aventures extraconjugales, avec obligation de transparence des deux partenaires) soit particulièrement valorisé. Mais la théorie est souvent plus belle que la pratique. La jeune Karine, qui ne jurait que par le maintien d’un tel couple ouvert avec son ami, a eu une aventure avec un autre homme; son ami ne l'a pas accepté et il est parti. Elle a découvert par la suite que ce dernier avait, avant son incartade, fait de son côté des rencontres sexuelles, et qu’il ne lui en avait dit mot…

Le personnage le plus touchant de ce documentaire est peut-être Stevo, le jeune homosexuel d’origine asiatique. Il aspire plus que tout à une relation sérieuse mais s'attriste du fait que la quasi-totalité  des hommes avec qui il est en contact ne veulent que du sexe et du « fun ». C’est sans doute le plus romantique des six jeunes : « J'ai besoin de me réveiller avec quelqu'un le matin, et, en ce temps des Fêtes, de lui dire ‘Joyeux Noël’ ! » On le voit, un vendredi soir, cherchant un homme avec qui il voudrait simplement avoir une bonne discussion. Malheureusement, tous les messages qu’il reçoit ne parlent que de relation sexuelle et d’orgie…

Un certain fatalisme et l’adaptation de ces jeunes à une réalité qu’ils estiment souvent brutale mais ne leur laisse pas de choix, sont parmi les dominantes du film. Mais on perçoit aussi chez eux une pointe de rêve, le désir d’une vie autre, avec une personne élue. Ils critiquent leurs parents, se disent incompris par eux, mais, en définitive, ils aspirent à la même chose qu’eux. À trente ans, ils se voient marié, père d’un ou de plusieurs enfants, avec une carrière, une maison, une voiture, etc. L’idéalisme, on le voit, n’est pas totalement absent de leur manière de voir les choses. Mais la relation à laquelle ils rêvent paraît difficile à atteindre, voire inaccessible. En tout cas reportée de plusieurs années, lorsqu’ils auront atteint un âge plus avancé.

Un temps contracté

À certains égards, les constats posés par le documentaire de Sophie Lambert restent assez prévisibles. Je ne peux pas dire que j’y ai appris grand-chose de neuf. Ceux qui sont familiers avec la culture populaire, notamment télévisuelle et filmique, seront en terrain connu. On a maintes fois illustré par la fiction la vie amoureuse des adolescents et des jeunes adultes de notre époque. L’intérêt ici est de voir confirmés par le réel les scénarios de ces œuvres de fiction.

Un des aspects, par contre, où le film me paraît particulièrement intéressant, et pertinent, c’est la perspective temporelle qu’il introduit dans l’examen de la vie de ces jeunes. Premier constat : ils vivent dans un temps contracté. Tout se déroule très rapidement dans leur vie. Tout se construit rapidement et se détruit rapidement. L’une des jeunes femmes croit avoir trouvé l’homme de sa vie. Trois mois plus tard, lorsque la réalisatrice la revoit, il l’a déjà quitté car il l’a trompée avec une autre.

Par ailleurs, la longue durée ne paraît pas avoir grand sens pour eux, ne parlons même pas de l’éternité des serments des amants du passé ! Fréquenter plusieurs années une personne avant de faire l’amour avec elle, comme ont pu le faire leurs parents ou leurs grands-parents, est inconcevable. Penser qu’on pourrait être habité par un seul véritable amour dans sa vie, ou qu’on pourrait être habité pendant des années par le souvenir d’un amour défunt, l’est tout autant. Un des jeunes, Timothée, raconte l’histoire de son père qui, éloigné en raison de son travail, faisait 15 heures de route, chaque fin de semaine, afin de passer une nuit avec son épouse. Une telle réalité ne suscite que de l’incrédulité et du scepticisme chez les jeunes femmes à qui il la dévoile.

Ce qui frappe aussi, au visionnement du film, c’est l’absence, chez ces jeunes, de tout sens de l'absolu, de toute transcendance dans leur vision du monde. On est là dans l’immanence la plus pure. Dans le relatif. Dans un univers relativiste de bout en bout, où la notion d’absolu n’a pas de sens, sauf pour quelque romantique attardé. Ce qu’ils appellent « amour » ressemble davantage à une « amitié sexuelle », à de petits arrangements faits entre amis.

Les références à la religion sont toujours négatives. Évoquant sa mère élevée dans la religion catholique, une des jeunes filles ironise en rappelant qu’elle est d'avis qu'il faut prendre le temps de se découvrir soi-même, de développer quelque chose de solide avec la personne aimée avant de coucher avec elle. Ce préjugé très fort les empêche de voir les éléments de cette sagesse millénaire qu'ils pourraient reprendre en l'actualisant.

Ces jeunes cultivent une conception de la liberté qui est synonyme de licence. Ils ont intériorisé les règles de fonctionnement de la société de consommation et ses impératifs de jouissance immédiate. Différer le plaisir, en vue d’un plaisir plus grand, est quelque chose d’impensable pour eux. Ils ont une vie amoureuse sans exigence et seraient bien incapables d’en admettre aucune.

Un certain idéalisme, on l’a dit plus haut, est néanmoins présent chez eux, dans des aspirations qui ressemblent à celles de leurs parents. Mais, dans leur vie centrée sur le présent, l'idéal qu'ils convoitent paraît lointain, voire inaccessible. Toutefois, à l’occasion, certaines valeurs pérennes réapparaissent. Certaines actions, au nom de ces valeurs, sont inadmissibles. Sandrine, par exemple, à qui un homme a posé un lapin, évoque le cas de son père; s'il avait annulé le premier rendez-vous avec celle qui allait devenir sa mère, celle-ci l’aurait très mal pris et ne l'aurait sans doute jamais revu.

Pour la réalisatrice du film, la rapidité de la vie et la surabondance de choix ont pour effet que les jeunes d’aujourd’hui ont de la difficulté à consacrer le temps nécessaire pour s'attacher à quelqu'un. « Ils veulent de la stabilité, mais les ruptures faciles les ramènent toujours à la case départ. » Perplexe, elle se demande comment ils réussiront le passage vers une relation à long terme alors que leur expérience amoureuse ne consiste, pour l’essentiel, qu’en une successions de rencontres sexuelles sans lendemain et en la formation de couples, souvent "ouverts", dont la durée est éphémère ?. Cette question, je me la pose également.

 

(1) Par exemple, Marc Allard, du Soleil du Québec, que je me permets de citer in extenso : « Et ces jeunes-là ont beau être très attachants et très convaincants, ce ne sont pas les «jeunes d'aujourd'hui».  (…) Peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression que ces six-là sont aussi représentatifs de leur génération que les hippies adeptes des relations multiples et de trips d'acide l'étaient de celle de leur parents - c'est-à-dire pas vraiment.

En fait, les six jeunes pourraient davantage s'insérer dans une microtendance sociale que les Américains ont appelée la culture du hook-up. Essentiellement, des relations basées sur le sexe, sans attachement ou responsabilité envers l'autre, comme les collectionnent les protagonistes de L'Amour au temps du numérique. (…)

Au Québec, aucune donnée n'indique non plus que la hook-up culture serait devenue la norme chez les jeunes d'aujourd'hui. Des chercheurs de l'UQAM ont néanmoins constaté que les aventures avec un pur inconnu, rencontré grâce à Tinder ou même dans un bar, sont très rares.

«La majorité des relations sexuelles ont lieu avec des partenaires connus, venant de cercles d'amis plus ou moins rapprochés, a expliqué récemment à L'Actualité Martin Blais, sexologue à l'UQAM. Même dans une aventure d'un soir, il y a donc souvent de l'affection ou une certaine complicité. Ce n'est pas le sexe sans amour entre deux étrangers.»

Alors, quand Télé-Québec présente le documentaire sur son site en affirmant que «l'arrivée des téléphones intelligents a complètement révolutionné les relations amoureuses» chez les jeunes adultes, est-ce qu'on peut en douter ?

Ma blonde, qui est prof au cégep, a fait regarder la première heure du documentaire à trois groupes d'étudiants cette semaine. Elle leur a demandé s'ils se reconnaissaient là-dedans. Ils ont répondu que non, sauf pour la dépendance à leur téléphone intelligent.

L'amour au temps du numérique, lui a dit une étudiante, correspond plus à l'image que se font nos parents de notre génération qu'à la réalité. Le documentaire va peut-être juste confirmer leur perception erronée. En même temps, lui a dit une autre, nos parents n'apprendront probablement pas grand-chose parce qu'ils ne sont pas cons.»

http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/chroniques/nous-les-humains/201512/02/01-4927081-les-amours-numeriques.php
 

Cette critique est intéressante à plusieurs égards, mais, à mon sens, elle minimise le problème, un problème qui ne pourra que s'accroître avec le temps.  Il est vrai - et je le soutiens également -, que l'échantillon des jeunes choisis n'est pas représentif de l'ensemble de la jeunesse québécoise. Et ce n'était évidemment pas le but de la réalisatrice que de faire un film évoquant toutes les situations possibles. Ces six jeunes sont peut-être des cas extrêmes, mais ils incarnent des traits qui se retrouvent chez bien d'autres jeunes (et chez beacoup d'adultes aussi...). Pour rencontrer régulièrement des représentants de la jeune génération, je suis à même de le confirmer. Le fait qu'une forte proportion de jeunes aient des relations sexuelles avec des partenaires connus (et non des inconnus) n'implique pas qu'ils n'ont pas recours aux même technologies pour entrer en contact que ceux qui vont à l'aventure sur les réseaux sociaux.




Articles récents