Identité et conscience de soi

Gustave Thibon

Prendre conscience de son identité , n'est-ce pas déjà la perdre ?

« Conversation avec Betty, fille de l’Arizona, au sujet des Noirs et des Indiens des U.S.A. « Ils ont pris conscience de leur identité », me dit-elle. Problème : ne l’ont-ils pas perdue en partie en en prenant conscience ? S’affirmer, par comparaison et opposition aux autres, n’est-ce pas s’éloigner de soi-même ? Et ne renie-t-on pas sa différence en revendiquant l’égalité ? Quoi qu’on fasse, on ne peut pas devenir l’autre, et on n’est déjà plus soi-même. La prise de conscience est comme l’effet d’un divorce entre l’essence et l’existence : c’est le fruit de l’arbre de la connaissance par qui pourrit le fruit de l’arbre de vie. — J’ai observé le même phénomène chez nos paysans : leurs aïeux étaient à l’aise dans leur identité vécue et non reconnue; ils n’aspiraient pas à être autre chose que ce qu’ils étaient ; leur existence s’accommodait sans problème dé leur essence. Aujourd’hui, aigris par comparaison illusoire, leur révolte contre la société est la traduction et l’alibi de leur révolte contre eux-mêmes. »

( Gustave Thibon, Le voile et le masque, Fayard, Paris, 1985, p.99)

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