Nouvelles découvertes sur le virus de la grippe aviaire et d'autres souches plus courantes

Cheryl Pellerin
Des chercheurs ont réussi à recréer le virus de la grippe espagnole de 1918 qui était étroitement liée à la grippe aviaire.
14 octobre 2005

Alors que le monde porte son attention sur la possibilité d'une pandémie de grippe aviaire, des chercheurs s'emploient à comprendre le fonctionnement du virus et à découvrir les éléments du virus contre lesquels les médicaments peuvent agir le mieux.

Depuis décembre 2003, l'Organisation mondiale de la santé a confirmé 116 cas de grippe aviaire chez l'homme et 60 décès qui y sont dus. Seuls le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge et l'Indonésie ont signalé des cas de grippe causés chez l'homme par le sous-type de virus H5N1, qui a fait que l'on a dû abattre quelque 110 millions de volailles dans 11 pays.

Selon la plupart des spécialistes, ce n'est qu'une question de temps avant que le virus se transforme en un virus susceptible de contaminer l'homme et de se transmettre d'une personne à l'autre. Un tel phénomène pourrait créer une pandémie mondiale et causer des millions de morts.

Les maladies d'origine animale

La grippe aviaire n'est qu'une des maladies d'origine animale qui se transforment pour se transmettre à l'homme. Le sida, le syndrome respiratoire aigu sévère, le virus du Nil occidental et la grippe espagnole de 1918, qui était étroitement liée à la grippe aviaire, n'en sont que quelques exemples.

La grippe espagnole de 1918 a été une catastrophe d'ampleur mondiale. Elle a causé la mort de 20 millions à 50 millions de personnes, dont la moitié d'entre elles étaient des adultes en bonne santé. Le virus de la grippe espagnole était un sous-type H1N1, qui existe encore de nos jours.

Des chercheurs ont réussi à recréer le virus de la grippe espagnole et ont découvert en partie ce qui le rendait si mortel. De telles informations sont essentielles pour la mise au point de médicaments et de vaccins contre la grippe.

Selon leurs travaux de recherche publiés dans le numéro de la revue « Science » du 7 octobre, le virus de la grippe espagnole est lié plus étroitement aux virus de la grippe aviaire qu'aux autres virus de la grippe humaine.

Il serait nécessaire de mettre au point des thérapies contre une nouvelle souche du virus de la grippe pour désarmer les parties du virus qui peuvent causer le plus de dommage à l'organisme.


La recréation du virus de la grippe espagnole

Pour savoir quels seraient les éléments du virus qui répondraient le mieux à des thérapies, Terrence Tumpey, du Centre d'épidémiologie des États-Unis (CDC), et ses collègues ont recréé le virus de la grippe espagnole de 1918.

À l'aide de la séquence de génomes du virus, le groupe de M. Tumpey a créé un virus actif contenant tous les 8 gènes du virus de la grippe espagnole. L'information sur la séquence des génomes provenait de fragments et de tissus pulmonaires de 3 victimes de la grippe espagnole : 2 soldats américains et une femme qui avait été enterrée dans le permagel en Alaska, en 1918.

Le virus est gardé au CDC dans des conditions strictes de sécurité, qui sont prévues pour les virus de la grippe dans le cadre d'un programme de ce centre d'épidémiologie.

« Nous avons estimé qu'il convenait de recréer le virus et de faire ces expériences pour comprendre les propriétés biologiques qui ont rendu le virus de 1918 si mortel, a indiqué M. Tumpey. Nous voulions découvrir les gènes responsables de sa virulence dans l'espoir de mettre au point des agents antiviraux ou d'autres interventions susceptibles de contrecarrer des virus virulents de grippe pandémique ou épidémique. »

Pour recréer ce virus, les chercheurs ont employé une méthode dénommée génétique inverse, par laquelle on transfère des séquences génétiques d'ARN viral dans des bactéries et on introduit ensuite des combinaisons de gènes - souvent après leur manipulation - dans des lignées cellulaires, où elles se combinent pour former un virus.

Tout comme l'ADN, l'ARN est un acide nucléique. Une de ses principales fonctions est de copier des informations génétiques de l'ADN et de traduire ces informations dans des protéines.

Les chercheurs, qui comprenaient Jeffery Taubenberger de l'Institut de pathologie des forces armées des États-Unis, ont aussi produit des variations du virus à titre de comparaison, en remplaçant certains gènes du virus de la grippe espagnole par des gènes correspondants de virus d'autres grippes.

Ils ont ensuite étudié les effets des virus sur des souris, sur des embryons de poulet et sur des cellules de poumon humain et découvert les gènes qui avaient été la cause de la virulence extrême du virus de la grippe espagnole.

De nouveaux travaux de recherche sont nécessaires pour mettre au point des agents antiviraux et des vaccins destinés à empêcher une pandémie de grippe, mais M. Tumpey a fait état de signes encourageants.

Les médicaments contre le virus de la grippe dont l'Administration des produits pharmaceutiques et alimentaires a autorisé la mise en vente, l'oseltamivir (Tamiflu) et l'amantadine (Symmetrel), se sont révélés efficaces contre des virus contenant certains gènes du virus de la grippe espagnole. En outre, des vaccins contenant d'autres gènes du virus de la grippe espagnole ont eu des effets protecteurs chez des souris.


Aperçu des virus de la grippe

Les virus A et B de la grippe sont deux sortes de virus qui causent des épidémies chez l'homme. Selon le CDC, le virus A (H1N1 et H3N2) et le virus B sont en circulation dans le monde entier depuis 1977.

En 2001, les virus H1N2 (probablement une combinaison du H3N2 et du H1N1) ont commencé à se répandre largement. Le sous-type H5N1 de la grippe aviaire est un virus A de la grippe. Ce dernier est en mutation constante. Le virus B ne se transforme pas aussi rapidement.

Deux sortes de vaccin protègent contre les virus A et B de la grippe qui se propagent parmi la population pendant les mois d'hiver. Chaque vaccin contient 3 virus de la grippe, qui représentent un des 3 groupes de virus qui circulent parmi la population pendant une année donnée. Chacune des 3 souches vaccinales dans les 2 vaccins - un virus A (H3N2), un virus A (H1N1) et un virus B - représente les souches vaccinales de la grippe qui, selon les spécialistes, vont être les souches dominantes cette année-là.

Le vaccin contre la grippe préparé et administré chaque année aux États-Unis est un vaccin inactif (contenant des virus morts) que l'on injecte au moyen d'une seringue, en général dans le bras. Le vaccin par pulvérisation nasale contient des virus actifs atténués.

Tous les ans, les spécialistes élaborent leurs recommandations relatives à la composition du vaccin après de longs travaux de recherche et en partie au jugé.

Des chercheurs de l'université du Maryland, dont Steven Salzberg, ont indiqué dans la revue « Nature » du 5 octobre qu'ils avaient réalisé le premier séquençage de 209 génomes complets du virus A de la grippe. Selon eux, il s'agit d'une technique susceptible de réduire considérablement le caractère approximatif de ce que l'on devait faire pour dire quel virus deviendrait la souche dominante pendant les prochaines saisons de grippe.
« C'est le premier projet de grande ampleur portant sur le séquençage du virus de la grippe, a déclaré M. Salzberg. Il nous ouvre déjà de nouvelles perspectives sur l'évolution rapide de la grippe alors qu'elle se répand dans la population humaine. »

Les premiers résultats du Projet de séquençage des génomes de la grippe, réalisé par l'Institut national de l'allergie et des maladies infectieuses (qui fait partie de l'Institut national de la santé) ainsi que par plusieurs partenaires scientifiques, sont destinés à aider les chercheurs à comprendre comment les virus de la grippe évoluent, se répandent et causent la maladie.

Jusqu'ici, on avait analysé les virus à l'aide d'une technique imprécise qui ne permet pas de suivre les mutations génétiques rapides du virus A de la grippe. Ces mutations compliquent la tâche des chercheurs qui s'emploient à mettre au point un vaccin efficace pour les prochaines saisons de grippe.

« Notre projet de séquençage permettra de créer un nouveau système plus détaillé de surveillance de la grippe et de décider quel vaccin sera le bon d'une année à l'autre, a expliqué M. Salzberg. Il devrait nous donner une image plus détaillée des moyens de transmission dans les populations humaines et animales. »

La capacité du virus A de transformer son code génétique le rend dangereux. Le virus mute d'une année à l'autre, ce qui rend nécessaire de modifier les vaccins chaque année.

Moins fréquemment, mais avec des conséquences mortelles, le virus subit des mutations antigéniques qui créent de nouvelles souches pour lesquelles l'homme ne possède aucune immunité. Ce phénomène se produit lorsque deux souches distinctes de grippe échangent des gènes et il est particulièrement mortel lorsque l'échange a lieu entre un virus de la grippe humaine et un virus de la grippe aviaire. Il peut s'ensuivre une pandémie mondiale.

L'objectif du projet de séquençage, a précisé M. Salzberg, « est de séquencer des milliers de génomes de la grippe, y compris de la grippe aviaire. En rendant les données publiques immédiatement, on pourra accélérer la compréhension de la façon dont le virus mute à travers le monde. »

Les articles du "Washington File" sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://usinfo.state.gov/francais/

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