La sagesse d'Ulysse
Lundi le 03 mai 1999
La sagesse de Solon allait de pair avec son humanité: en cela il ressemble à Ulysse.
Solon ressemble à Ulysse, comme Périclès ressemblera à Solon. Il ne fait aucun doute que ces Grecs sont inspirés, enthousiastes, au sens qu'ils donnaient eux-mêmes à ce mot: habités par un dieu (en theos). Il ne fait aucun doute non plus que le texte que nous appelons le poème fondateur est l'oeuvre d'un être épris de justice. Mais ces mêmes Grecs sont humains, si humains qu'au moment où l'on serait tenté de les idolâtrer, ils posent un geste banal, ils disent un mot de tous les jours, ont une faiblesse commune, comme pour nous rappeler que la mesure, y compris dans l'admiration des meilleurs, est le bien à leurs yeux. De même qu'Ulysse, tout en se laissant éblouir par Nausicaa, toucher par sa grâce, n'en continuait pas moins de faire ses calculs intéressés, de même Solon, si enthousiaste qu'il ait été, n'a jamais cessé de miser avant tout sur la raison, si bien que c'est une phrase qui semble banale qui résume le mieux son oeuvre: "Je ferai des lois si conformes aux intérêts des citoyens, qu'ils croiront eux-mêmes plus avantageux de les maintenir que de les transgresser". Plutarque dit aussi de Solon qu'il accomodait bien plus les lois aux choses que les choses aux lois.