Ave
«Mais je vais vers un autre amour, dont celui-ci n'était qu'étincelle. Oh, qu'il soit présent! Qu'il ne permette pas beaucoup plus longtemps que la semblance de l'amour me donne aussi soif, chaque fois qu'elle passe. Des vers que j'ai fait [Ave] vont paraître dans la Nouvelle Revue Française. Et tous ils croiront que ce sont des vers à quelqu'un.» (journal de Catherine Pozzi, octobre 1929)
LAWRENCE JOSEPH, Catherine Pozzi, oeuvre poétique, Éditions de la différence, Paris, 1988
LAWRENCE JOSEPH, Catherine Pozzi, oeuvre poétique, Éditions de la différence, Paris, 1988
Ave
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour..
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Coeur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour..
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Coeur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.