"Huysmans ne s'efforce pas vers la Vérité..."

Léon Bloy
Mon cher André, quelques lignes de réponse à vos reproches (...) Huysmans ne s'efforce pas vers la Vérité, comme vous le croyez, mais vers le Succès, ce qui est exactement le contraire. Il semble n'avoir jamais pu se dessoûler de la victoire imprévue de Là-Bas, mauvais livre qui l'a rendu célèbre. A dater de ce jour, des Esseintes, jusqu'alors altier, s'est mis à compter soigneusement ses tirages. Il a connu enfin le bonheur des boutiquiers qui font leur caisse, la journée finie. Au point de vue strictement catholique, son métier actuel est de jeter le pain aux chiens et de dégoûter les âmes. Son métier antérieur, moins lucratif, était préférable.

Vous me parlez de pardon. Étant son juge, sinon devant les hommes, au moins devant Dieu, il ne m'appartient pas de lui pardonner. C'est à lui de me pardonner ma misère qui est, en grande partie, son ouvrage et la célèbre droiture de mes sentiments ou de mes doctrines, Mais cela, il ne le fera jamais.

(Pour les personnes de bonne volonté qui trouveraient ce jugement excessif, voir Les Dernières Colonnes de l'Église, chapitre Huysmans)

28 juin 1902

Autres articles associés à ce dossier

Souvenirs sur Huysmans

Remy de Gourmont


À lire également du même auteur

La pauvreté selon Léon Bloy
Seul Villon, qui a lui aussi passé sa vie dans la pauvreté, aurait pu trouver grâce aux yeux de Léon Bloy, qui connut une vie de misère indescriptible, entouré dune véritable conspiration du silence entretenue par sa volonté de « se rendre insupportable » (Petit Robert

"Le duel est une ânerie..."
(...) Léon Bloy, heureux d'apprendre qu'il est votre 'confrère', s'afflige néanmoins de voir que vous ne l'avez pas lu. Le Désespéré et Léon Bloy devant les Cochons disent complètement ce qu'il pense du duel. Il me charge de répondre selon sa conviction très-ancienne et

Une martyre
- Ainsi donc, monsieur mon gendre, c'est bien vrai qu'aucune considération religieuse ne saurait agir sur votre âme. Vous n'attendrez même pas à demain pour faire vos saletés, je le prévois trop. Vous n'aurez aucune pitié de cette pauvre enfant, élevée jusqu'à ce jour d

Une idée médiocre
Ils étaient quatre et je les ai trop connus. Si cela ne vous fait absolument rien, nous les nommerons Théodore, Théodule, Théophile et Théophraste. Ils n'étaient pas frères, mais vivaient ensemble et ne se quittaient pas une minute. On ne pouvait en apercevoir un sans qu'aussitÃ

Tout ce que tu voudras!...
Maxence, fatigué d'une longue soirée de plaisir, arrivait à l'angle de la rue et de la ruelle Dupleix, de l'autre côté de l'École militaire. L'endroit, simplement ignoble en plein jour, était, à une heure du matin, cette nuit-là, quelque peu sinistre. La ruelle noire, surt

Terrible châtiment d'un dentiste
Enfin, monsieur, me ferez-vous l'honneur de me dire ce que vous désirez ? Le personnage à qui s'adressait l'imprimeur était un homme absolument quelconque, le premier venu d'entre les insignifiants ou les vacants, un de ces hommes qui ont l'air d'être au pluriel tant ils expriment l'ambi

Projet d'oraison funèbre
C'est à peine si quelques-uns savent qu'il vient de mourir. Quand la multitude de ceux qui se croient vivants apprendra sa mort, il y aura sûrement dans les journaux de vives jérémiades clichées sur le grand écrivain défunt «qu'on a eu la douleur de perdre», après l'avo




L'Agora - Textes récents