Résumé du rapport d'information sur la gestion des espaces périurbains

Commission des Affaires économiques du Sénat franç
Les grandes lignes du Rapport d'informations sur la gestion des espaces périurbains (1998), remis par le sénateur Gérard Larcher devant la Commission des Affaires économiques et du Plan.
«[...] il n'existe pas seulement entre les Français et
la terre de leur pays une relation purement économique,
mais, en outre, une attache esthétique...
parce que le pays est beau ".

SULLY PRUD'HOMME




RÉSUMÉ DU RAPPORT

I. LE CONSTAT
1. Longtemps, les espaces périurbains ont été mal identifiés. Leur spécificité est désormais reconnue depuis la définition par l'INSEE d'un zonage en aires urbaines. Ils sont caractérisés par la coexistence de nouveaux quartiers d'habitation, d'exploitations agricoles (10 % de la surface agricole utile nationale) et par une population diverse : 9 millions de Français, aux caractéristiques sociologiques très variées y vivent. Des populations relativement aisées (80 % des ménages y résident dans des maisons individuelles, 40 % des logements ont été construits après 1974) y côtoient des populations précarisées qui habitent dans des quartiers en difficulté (barres et tours de Mantes-la-Jolie ou quartiers marqués par un urbanisme " horizontal " à Valenciennes).
2. Trois types de tensions se font sentir dans les espaces périurbains :

Les tensions humaines
— Les rapports des néoruraux et des exploitants agricoles (dont la population se réduit progressivement) sont marqués par une méconnaissance mutuelle. Selon un sondage, seuls 28 % des Français associent le terme de " campagne " à une utilisation agricole du sol. Pour 69 % d'entre eux, la campagne n'est qu'un " paysage ".

— Les habitants des espaces ruraux voisins des villes craignent l'avancée du " front urbain ". Leur crainte est parfois justifiée : l'agriculture périurbaine est victime de déprédations. Dans le Val de Seine, les vols de fruits atteignent parfois ¼ de la récolte. Or, si des mesures spécifiques d'aide aux entreprises ont été adoptées dans le Pacte de relance pour la ville, elles n'ont pas d'équivalent pour les exploitations agricoles qui avoisinent les quartiers en difficulté.


Les tensions paysagères
Dans le territoire situé à proximité des villes, l'espace est considéré comme un espace jetable ".

La laideur de bien des entrées de ville et l'apparence de nombreux grands ensembles périurbains illustrent ce phénomène. Si une législation relativement ancienne permet de protéger le coeur des villes, la prise de conscience sur les problème des " entrées de ville " est récente.

La précarité foncière et la fragilité agricole
Les espaces périurbains subissent une urbanisation en apparence sans borne : entre 1982 et 1990 on y a construit près de 18 logements au kilomètre carré, contre 6 en moyenne sur l'ensemble du territoire.

L'instabilité
chronique du droit de l'urbanisme (révision et modification des POS en particulier) entretient les anticipations à la vente des propriétaires fonciers, qui font parfois pression sur les autorités municipales en laissant en friches les terrains pour lesquels ils souhaitent obtenir un droit à construire.

En conséquence, l'agriculture est progressivement marginalisée, même si elle occupe encore plus de 52 % des espaces périurbains. Le coût du foncier s'envole. Dès lors, compte tenu de sa rentabilité, l'agriculture cède le pas à l'urbanisation.

3.
Face aux tensions subies par les zones périurbaines, de nombreux élus s'interrogent et souhaitent disposer d'un outil d'aménagement pour préserver et souvent restaurer un développement harmonieux de leur territoire.

Compte tenu du succès incontestable des parcs naturels régionaux, ils souhaitent utiliser à leur tour ce concept original. Cet outil, initialement conçu pour le développement économique et la valorisation du patrimoine naturel, s'est vu progressivement reconnaître des missions de protection des espaces naturels.

Aujourd'hui, les 35 parcs existants couvrent plus de 10 % de la superficie du territoire, associant 3.024 communes, 59 départements et 21 régions pour une population de 2,6 millions d'habitants. Ils s'illustrent plus particulièrement dans quatre domaines : la valorisation du patrimoine culturel et du territoire, la protection du patrimoine naturel et de sa biodiversité, des missions d'éducation à l'environnement et des actions de développement économique dont les retombées se chiffrent désormais en termes d'emplois créés ou maintenus.

4.
Mais à l'examen, l'utilisation de cet outil dans les zones périurbaines se révèle complexe, car il s'agit d'un dispositif conçu pour la protection et le développement de l'espace rural et qui comporte de fortes exigences s'agissant de la qualité des territoires proposés au classement.

Les espaces naturels périurbains sont bien souvent trop dégradés et les moyens juridiques des PNR sont inadaptés pour encadrer une expansion raisonnée de l'urbanisation : la charte d'un parc est un document contractuel, dont le contenu n'a pas de réelle portée normative. Même si ce contenu est devenu beaucoup plus élaboré, il conserve encore parfois le caractère d'une déclaration d'intention. Vis-à-vis des tiers, la loi du 8 janvier 1993 sur les paysages n'instaure qu'une obligation de compatibilité entre le contenu des chartes et les plans d'occupation des sols. Les conventions actives de " ville-porte " signées entre un parc et les villes avoisinantes sont rares et ne comportent aucune mesure contraignante en matière d'urbanisme.

La multiplication de nouveaux PNR en zone périurbaine pourrait être préjudiciable aux parcs existants et, en définitive, inopérante. Il est cependant souhaitable de reprendre des éléments essentiels à l'origine du succès des PNR : consensus local conforté par l'engagement de l'Etat (délivrance d'un label national) et adhésion des collectivités territoriales à un document contractuel.

5.
Les instruments d'urbanisme et de protection sont mal, ou trop peu utilisés :

— En principe, le plan d'occupation des sols pourrait permettre de préserver le paysage. En réalité, il est trop souvent modifié et rarement intercommunal. De ce fait, le POS se transforme bien souvent, parfois malgré lui, en instrument de la concurrence foncière intercommunale.

— Les schémas directeurs permettent de fixer plus solidement les orientations fondamentales de l'aménagement des territoires intéressés, ainsi que l'équilibre entre extension urbaine, activités agricoles et économiques et préservation des sites. Malheureusement, ils sont très loin de couvrir tout le territoire national et ils souffrent également de transformations trop fréquentes (45 % d'entre eux étaient en révision au 1er janvier 1997).

— Les instruments et les opérations d'aménagement (droit de préemption urbain, zones d'aménagement différé, zones d'aménagement concerté), s'inspirent d'une " philosophie de l'urbanisation ". Les secteurs auxquels ils s'appliquent ont vocation à être urbanisés.

— Les opérateurs fonciers sont trop peu nombreux.

On ne compte, outre l'Agence foncière et technique de la région parisienne, que trois autres établissements publics fonciers d'Etat, dotés d'une ressource fiscale propre, et capables de mener une politique de requalification de secteurs urbains et suburbains dégradés.

Quant aux collectivités locales, celles qui en ont le plus besoin n'ont pas les moyens de créer les établissements publics fonciers locaux dont le statut résulte de la loi d'orientation pour la ville (seuls deux de ces établissements ont été constitués depuis 1991).

6.
Les instruments de protection du patrimoine architectural et urbain sont adaptés aux coeurs des villes : les lois relatives à la protection des monuments historiques, des sites, ou à la création de zones de protection du patrimoine architectural et urbain permettent de protéger des éléments revêtant une richesse particulière : la législation sanctuarise le beau et se désintéresse de la réparation des blessures faites au tissu urbain et au paysage.

7.
Enfin les moyens consacrés par l'Etat sont insuffisants. Les crédits consacrés par l'Etat aux interventions foncières, exprimés en francs 1995, sont passés de 1,4 milliard de francs en 1974 à 160 millions en 1995. En outre, le Fonds national d'aménagement foncier et d'urbanisme (FNAFU) a été supprimé.

Dès lors, il convient d'utiliser au mieux la " boîte à outils " dont disposent actuellement les pouvoirs publics et de définir un nouveau cadre d'utilisation adapté aux problèmes spécifiques de l'espace périurbain.

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L'agriculture urbaine ou les paysages nourriciers de la ville

Marc Chevrier

Paru dans L’Agora, vol. 8, no 3, juin-juillet 2001, p. 37-39.




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