Biodiversité

La biodiversité, une réalité difficile à cerner
«La biodiversité se définit à la fois comme la variété des formes du vivant et celle des écosystèmes dans lesquels on retrouve les organismes vivants. Pour les scientifiques, elle se mesure par la variété des espèces dans les écosystèmes, et même par la variété des paysages et des associations végétales d'un milieu donné.

Pour le profane toutefois, la réalité est beaucoup plus difficile à appréhender. Si on peut assez bien apprécier la diversité des paysages et des animaux supérieurs, la diversité des formes génétiques ou des variétés est hors de portée de l'évaluation du commun des mortels. Que dire alors des insectes, des acariens, des champignons mycorhiziens ou des algues microscopiques qui constituent la majorité des organismes vivants?

La réduction de la biodiversité est aussi un phénomène difficile à saisir. En effet, les espèces ne disparaissent généralement pas brutalement. C'est souvent la résultante d'un long processus de raréfaction qui fait que les derniers représentants d'une espèce ne peuvent plus résister aux pressions du milieu. Et ce sont souvent les espèces les plus discrètes qui disparaissent les premières, sans que les paysages en soient notablement modifiés.

Enfin, le monde moderne nous impose des idées fortes, inféodées à des objectifs de mise en marché et de production industrielle. Ces idées fortes réduisent la diversité nécessaire à la satisfaction des besoins humains à une diversité superficielle. Les impératifs de la production industrielle et de la distribution à large échelle imposent des contraintes dont ne s'accommodent que quelques variétés de plantes ou d'animaux résistants aux conditions difficiles de l'agriculture intensive ou de l'élevage en batterie. On tend ainsi à diminuer la diversité culturelle liée à l'usage de variétés locales et aux usages traditionnels des ressources naturelles, phénomène renforcé par la culture de masse internationale.»

CLAUDE VILLENEUVE, «La conservation de la biodiversité», L'Agora, vol. 1, no. 10, juillet/août 1994.

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Enjeux

Le paradoxe de l'arche de Noé
«Nous vivons sur une planète finie. C'est-à-dire que notre espèce partage avec de très nombreuses autres espèces un espace vital restreint et virtuellement inextensible. Il faut en effet des artifices technologiques exceptionnels pour réussir à recréer des écosystèmes «sur-simplifiés», même en milieu terrestre confiné et à plus forte raison dans un espace abiotique et abiogène.

Le monde vivant que nous explorons encore est le résultat de plus de trois milliards d'années d'évolution, plus souvent destructrice que constructrice pour les espèces telles que nous les concevons en systématique. En effet, la compétition est l'instrument primaire de la sélection naturelle. Or, la compétition fait toujours des perdants, qu'ils soient des individus, des populations ou des espèces.

L'humanité prend conscience depuis peu de temps à la fois de la finitude de la planète et d'une accélération de la disparition des espèces qu'elle connaît le mieux. Les scientifiques, pour leur part, sachant que nous ne connaissons pas encore la plupart des espèces vivantes, s'inquiètent des effets de l'activité humaine sur les millions d'espèces qui leur restent à découvrir. L'inquiétude des scientifiques se traduit par des appels à la sauvegarde des espèces menacées. Ces appels sont repris par les mouvement écologistes férus de protection de la nature.

La motivation des protecteurs de la nature est légitimée par diverses opinions: les espèces menacées constituent des indicateurs de ce qui pourrait arriver à notre espèce si nous ne cessons pas de polluer la biosphère; les sources d'alimentation de l'humanité reposent sur un faible nombre d'espèces dont l'appauvrissement génétique risque de fragiliser les individus devant de nouvelles infections; le génie génétique nous permettra de trouver, dans le patrimoine biochimique inexploré des plantes de la forêt tropicale, des remèdes contre les maux qui nous affectent...

En se portant au secours des espèces menacées, l'homme se pose en sauveteur de la biodiversité, de la même façon que le patriarche de la Bible devait sauver les animaux de toutes les espèces (sauf les poissons, bien sûr) contre le déchaînement de la colère aquatique du Créateur. Cela renforce notre sentiment de supériorité envers la nature.

Ogrizec (1993) qualifie le thème de la protection des espèces en voie de disparition de «complexe de Noé» qu'il résume en quelques mots: face à la menace extérieure, l'homme reste le seul recours possible de l'animal, sa seule chance d'être sauvé d'une mort certaine.

Or, la mort est la règle dans la nature (Villeneuve, 1992). Mort des individus, mort des espèces, rien ne subsiste à l'usure du temps. La vie est une longue suite d'assassinats interspécifiques et c'est la vie elle-même qui pose un constant défi aux principes de l'entropie.

Si les espèces disparaissent depuis toujours, c'est pour des causes naturelles. Or, l'homme est apparu parce que d'autres espèces étaient disparues. Heureusement que les dinosaures ne sont plus la forme de vertébrés dominante sur la planète!

Par ailleurs, pendant les derniers millénaires de notre évolution, nous avons chassé des dizaines d'espèces de mammifères jusqu'à l'extinction, pour nous protéger contre leur appétit ou pour faire place à nos espèces domestiques favorites. Nous sommes donc nous-mêmes un facteur naturel de disparition des espèces... Également, lorsque nous protégeons un territoire ou une espèce contre ses prédateurs ou en cultivant de façon exclusive une autre espèce qui aurait été condamnée à disparaître, nous en empêchons d'autres de connaître leur plein potentiel de développement et nous intervenons dans un processus évolutif.

L'histoire que nous relate la Bible au sujet de l'arche de Noé ne parle pas du menu qu'on servait à la table du capitaine pendant les quarante jours et les quarante nuits que dura le déluge et encore moins de l'état des relations alimentaires entre les animaux contraints de cohabiter dans l'arche.

Le complexe de Noé est à la source d'un paradoxe: protéger le statu quo, c'est se protéger soi-même. Mais se protéger soi-même (et les espèces qu'on préfère), c'est aussi détruire certaines autres espèces. Et cette destruction est inévitable et incontournable pour assurer la survie quotidienne de millions de personnes dont on ne peut nier le droit à l'existence.

L'exemple de la variole est éloquent à cet égard. En faisant disparaître volontairement cette espèce bactérienne du monde vivant, combien de souffrances et de morts avons-nous évitées à l'humanité... Quel écologiste s'opposerait à la disparition du virus de la grippe ou d'un ver parasitaire qui provoque l'oncocercose ou l'éléphantiasis? Trouvera-t-on des membres à la Société de défense du ténia?

Mais protéger la nature telle qu'elle existe à l'heure actuelle, c'est aussi se protéger contre soi-même. Puisque réduire la diversité du monde vivant, c'est aussi réduire les possibilités d'adaptation du monde naturel, tant au cours de son évolution générale qu'en réponse aux modifications d'origine humaine, la réduction de la biodiversité provoque une réduction des capacités de l'homme lui-même face aux besoins qu'il se crée en tant qu'espèce au fil de son histoire.

Le dilemme de Noé, c'est-à-dire choisir entre, d'une part, qui devra être mangé pour permettre la survie de l'ensemble ou, d'autre part, protéger l'ensemble au risque de voir disparaître le capitaine et son navire, reflète le dilemme auquel est confronté l'humanité moderne: comment répondre aux besoins de la population humaine actuelle tout en respectant la capacité de charge de la biosphère?»

CLAUDE VILLENEUVE, «La conservation de la biodiversité», L'Agora, vol. 1, no. 10, juillet/août 1994.

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