Ordre

«Le premier besoin de l'âme, celui qui est le plus proche de sa destinée éternelle, c'est l'ordre, c'est-à-dire un tissu de relations sociales tel que nul ne soit contraint de violer des obligations rigoureuses pour exécuter d'autres obligations. L'âme ne souffre une violence spirituelle de la part des circonstances extérieures que dans ce cas.» (Simone Weil, L'enracinement)

Sur le même sujet

Loi

« Règle de droit écrite à portée générale et impersonnelle, applicable à tous, votée par le Parlement. »Source: Le glossaire juridique (Min. de la Justice, France)

Essentiel

Le besoin d’ordre
Ne jamais présenter comme de simples banalités, comme des choses qui vont de soi, de situations de la vie courante de nature à provoquer l’apparition d’obligations incompatibles. Sont dans de telles situations des enfants partagées entre leur père et leur mère à la suite d’un divorce orageux ou des enfants obligés de rejeter le crime et néanmoins séduits par des sites Internet soutenus par des organisations criminelles.

Pourquoi une œuvre comme Antigone de Sophocle est-elle au plus haut niveau éthique aussi bien qu’esthétique : parce qu’au lieu d’y être banalisée l’incompatibilité entre deux obligations est soulignée jusqu’au tragique. C’est là un exemple à imiter.

L'ordre selon Simone Weil

Le premier besoin de l'âme, celui qui est le plus proche de sa destinée éternelle, c'est l'ordre, c'est-à-dire un tissu de relations sociales tel que nul ne soit contraint de violer des obligations rigoureuses pour exécuter d'autres obligations. L'âme ne souffre une violence spirituelle de la part des circonstances extérieures que dans ce cas. Car celui qui est seulement arrêté dans l'exécution d'une obligation par la menace de la mort ou de la souffrance peut passer outre, et ne sera blessé que dans son corps. Mais celui pour qui les circonstances rendent en fait incompatibles les actes ordonnés par plusieurs obligations strictes, celui-là, sans qu'il puisse s'en défendre, est blessé dans son amour du bien.

Aujourd'hui, il y a un degré très élevé de désordre et d'incompatibilité entre les obligations. Quiconque agit de manière à augmenter cette incompatibilité est un fauteur de désordre. Quiconque agit de manière à la diminuer est un facteur d'ordre. Quiconque, pour simplifier les problèmes, nie certaines obligations, a conclu en son coeur une alliance avec le crime.

On n'a malheureusement pas de méthode pour diminuer cette incompatibilité. On n'a même pas la certitude que l'idée d'un ordre où toutes les obligations seraient compatibles ne soit pas une fiction. Quand le devoir descend au niveau des faits, un si grand nombre de relations indépen-dantes entrent en jeu que l'incompatibilité semble bien plus probable que la compatibilité.

Mais nous avons tous les jours sous les yeux l'exemple de l'univers, où une infinité d'actions mécaniques indépendantes concourent pour constituer un ordre qui, à travers les variations, reste fixe. Aussi aimons-nous la beauté du monde, parce que nous sentons derrière elle la présence de quelque chose d'analogue à la sagesse que nous voudrions posséder pour assouvir notre désir du bien.

À un degré moindre, les oeuvres d'art vraiment belles offrent l'exemple d'ensembles où des facteurs indépendants concourent, d'une manière impossible à comprendre, pour constituer une beauté unique.

Enjeux

«Une apparence d'ordre doit toujours être plus stricte que l'ordre même. Jamais l'ordre ne règne si absolument dans les lois qu'au moment où les moeurs vont s'y soustraire. Quand l'édifice paraît dressé pour toujours sur des assises immuables, il va sauter en l'air par l'effet d'une seule mine.»
    André Suarès, Voici l'homme, Paris, Albin Michel, 1948.

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