Henri IV
Après le traité de Saint-Germain (1570), il épousa la sœur du roi, Marguerite de Valois; il devint roi de Navarre à la mort de sa mère, en 1572. Quoique beau-frère du roi, il ne put échapper au massacre de la Saint-Barthélemy qu’en se faisant catholique. Malgré sa soumission il fut gardé à vue, et ne parvint à s’évader qu’à la mort de Charles IX, en 1575. Alors il rétracta une abjuration forcée, revint à son ancien culte, et se mit à la tête du parti huguenot. De nombreux succès, notamment une victoire remportée à Coutras sur Joyeuse (1587), et le courage, l’habileté, la franchise, la générosité dont il donnait tous les jours des preuves, lui firent bientôt un grand renom. Après la journée des Barricades (1588), Henri III fit sa paix avec lui, et les deux princes vinrent assiéger Paris, qui était au pouvoir des Ligueurs.
À la mort de Henri III, il fut reconnu roi de France par une partie de l’armée, le 2 août 1589, mais la Ligue refusa de le reconnaître et proclama roi le vieux cardinal de Bourbon sous le nom de Charles X. En même temps, la défection d’un grand nombre de catholiques le forçait de lever le siège de Paris. Deux victoires, remportées sur Mayenne, chef de la Ligue, à Arques (1589) et à Ivry (1590), relevèrent ses affaires, et il put reprendre le siège de Paris; mais il dut le lever encore à l’approche du duc de Parme, qui l’empêcha aussi de prendre Rouen (1592). Malgré son courage et ses habiles manoeuves, la guerre eût duré peut-être longtemps encore s’il n’eût consenti à abjurer le calvinisme (1593). Paris ouvrit bientôt ses portes, et les chefs de la Ligue se soumirent l’un après l’autre. Cependant il eut encore à livrer quelques combats : la victoire de Fontaine-Française lui soumit la Bourgogne (1595) et la prise d’Amiens réduisit la Picardie (1596). En 1598, Henri publia l’Édit de Nantes, par lequel il assurait aux calvinistes la liberté religieuse avec d’importants privilèges, et signa avec le roi d’Espagne la paix de Vervins. Depuis lors il donna tous ses soins au gouvernement et ne s’occupa plus qu’à guérir les plaies de la guerre civile. Les finances, dirigées par Sully, devinrent prospères; le commerce, l’agriculture, les arts furent protégés : il mérita d’être surnommé le Restaurateur de la France.
À l’extérieur, Henri IV reprit les projets de François Ier et de Henri II contre la maison d’Autriche, rétablit l’influence française en Italie, acquit de la Savoie la Bresse, le Bugey et le Valromey (1601), soutint les Pays-Bas insurgés contre l’Espagne, rapprocha en Allemagne les luthériens et les catholiques. Il avait, assure-t-on, formé le projet d’une espèce de République chrétienne, où les différends auraient été jugés par une diète souveraine, où toutes les religions auraient été mises sur un pied d’égalité. Il voulait avant tout établir l’équilibre entre les grandes puissances, et déjà il armait contre l’Autriche pour faire restituer aux héritiers protestants de Juliers les domaines confisqués sur eux par l’empereur Mathias, lorsqu’il fut assassiné – il fut frappé le 14 mai 1610 d’un coup de couteau par le fanatique Ravaillac. Déjà plusieurs conspirations et plusieurs tentatives d’assassinat avaient été faites contre lui.
Henri IV a été justement surnommé par la postérité le bon Henri, à cause de l’amour qu’il avait pour son peuple. Ce prince n’est pas moins connu par sa galanterie que par ses qualités guerrières et politiques; il eut plusieurs maîtresses dont la plus célèbres est Gabrielle d’Estrées. Son mariage avec Marguerite de Valois ayant été déclaré nul en 1599, Henri avait épousé Marie de Médicis, en 1600. Il eut pour successeur Louis XIII, son fils.
Sa Vie a été écrite par Péréfixe, et son Histoire par M. Poirson (1857). Voltaire l’a pris pour le héros de sa Henriade. M. de Rommel a publié en 1840 sa Correspondance inédite avec Maurice, landgrave de Hesse. M. Berger de Xivrey a donné les Lettres de Henri IV dans les Documents inédits de l’histoire de France (7 vol., in-4, 1843-1855)."
Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie. Ouvrage revu et continué par Alexis Chassang. Paris, Hachette, 1878, p. 855
Henri IV et l'idée de la paix perpétuelle
« C’est un préjugé assez commun d’associer le nom de Henri IV à l’idée de la paix perpétuelle. On confond trop souvent ce que l’on appelle son grand dessein avec l’utopie de l’abbé de Saint-Pierre. C’est faire injure à la mémoire de Henri IV. Ce grand roi était le moins chimérique des hommes. Il put, dans les moments où il s’abandonnait à sa vive imagination, concevoir, sous la forme très-noble d’une confédération des États chrétiens réglant de concert leurs affaires communes et vidant pacifiquement leurs différends, le rêve d’une prépondérance de la monarchie française en Europe. Sully, dans ses ordonnances royales, s’est complu à donner aux confidences de son roi un caractère méthodique, et c’est sous cette forme un peu lourde que le grand dessein a été révélé au public.
L’histoire nous montre que Henri IV, lorsqu’il rentrait dans son rôle de roi, ne s’inspirait que des intérêts de la France et se renfermait dans les limites de la réalité. « Il prit, a dit un historien, deux choses fort à cœur : la tolérance pour les trois religions qui avaient réussi à s’établir en Europe, et l’abaissement de la maison d’Autriche qui (…) restait la vraie et la redoutable rivale de la France (…); la politique française luttant contre la politique espagnole, tel était le vrai et le seul caractère sérieux du grand dessein » (Guizot, Histoire de France, t. III, ch. XXXVI).
Th. Funck-Brentano et Albert Sorel, Précis du droit des gens, Paris, Plon, 1900, p. 441-442