Danse

«Toute époque qui a compris le corps humain, ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment du mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la Danse.

Elle est un art fondamental, comme son universalité, son antiquité immémoriale, les usages solennels qu’on en a fait, les idées et les réflexions qu’elle a de tout temps engendrées, le suggèrent ou le prouvent. C’est que la Danse est un art déduit de la vie même, puisqu’elle n’est que l’action de l’ensemble du corps humain ; mais action transposée dans un monde, dans une sorte d’espace-temps qui n’est plus tout à fait le même que celui de la vie pratique.

L’homme s’est aperçu qu’il possédait plus de vigueur, plus de souplesse, plus de possibilités articulaires et musculaires qu’il n’en avait besoin pour satisfaire aux nécessités de son existence et il a découvert que certains de ces mouvements lui procuraient par leur fréquence, leur succession ou leur amplitude, un plaisir qui allait jusqu’à une sorte d’ivresse, et si intense parfois, qu’un épuisement total de ses forces, une sorte d’extase d’épuisement pouvait seule interrompre son délire, sa dépense motrice exaspérée.

Nous avons donc trop de puissances pour nos besoins. Vous pouvez facilement observer que la plupart, l’immense plupart, des impressions que nous recevons de nos sens ne nous servent à rien, sont inutilisables, ne jouent aucun rôle dans le fonctionnement des appareils essentiels à la conservation de la vie. Nous voyons trop de choses ; nous entendons trop de choses dont nous ne faisons rien ni ne pouvons rien faire ; ce sont parfois les propos d’un conférencier.

Même remarque quant à nos pouvoirs d’action : nous pouvons exécuter une foule d’actes qui n’ont aucune chance de trouver leur emploi dans les opérations indispensables ou importantes de la vie. Nous pouvons tracer un cercle, faire jouer les muscles de notre visage, marcher en cadence ; tout ceci, qui a permis de créer la géométrie, la comédie et l’art militaire, est de l’action qui est inutile en soi, au fonctionnement vital.

Ainsi, les moyens de relation de la vie, nos sens, nos membres articulés, les images et les signes qui commandent nos actions et la distribution de nos énergies, qui coordonnent les mouvements de notre marionnette, pourraient ne s’employer qu’au service de nos besoins physiologiques, et se restreindre à attaquer le milieu où nous vivons, ou à nous défendre contre lui, de manière que leur unique affaire consistât dans la conservation de notre existence.»

Paul Valéry, passage tiré de Philosophie de la danse, un texte appartenant au domaine public selon les lois canadiennes.

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Invité à une noce dans un humble village de pêcheurs acadiens, Félix-Antoine Savard est inspiré par la vision de ces marins " voués à l'instable et en butte, toujours, aux coups de la mer sous le plancher des barques " devenus danseurs: «Sur cette place, cérémonieusement mesurée par des droites et des courbes, et dans cette continuelle alternance de marches, d'entralacements et de tourbillons, se déroulait une sorte de figure cosmique dont je ne saurais dire tout ce qu'elle signifiait: harmonieuse réconciliation entre l'homme, l'espace et le temps ? ou simple phénomène social agrémenté de tous les rites auxquels il oblige: visites, saluts, manières courtoises, fleuries, emportées dans de larges remous de jupes, de fanfreluches et volants de toutes couleurs? (...)
Parfois, entre deux quadrilles, bondissait un superbe gaillard aux membres chargés de flammes. Échappé à la mesure et au conventionnel, gonflé d'une sorte de fureur sacrée, plein de signes et de revendications, libre et beau, il engendrait autour de lui une irrésistible spirale» (Le Barachois, Fides, Montréal et Paris, 1959).

Enjeux

Amour et danse

«Le délire de l'amour se traduit d'abord par une sorte de timidité intérieurement violente, et qui effraye. Les passions les plus folles se développent à partir de là, par une contradiction entre ce qu'on voudrait faire et ce qu'on fait ou ce qu'on craint de faire. L'emportement et la crainte de soi se partagent l'homme infortuné qui se fie à son premier mouvement. Il n'est pas nécessaire de suivre maintenant cette analyse. Disons seulement que l'amour alors n'est plus pensé; qu'il cherche son objet et ne le trouve point. Réellement, l'homme ne sait plus ce qu'il éprouve.

Au contraire, par la danse, voyez comme l'amour prend forme; mouvement réglé des couples, soumis au nombre et au rythme. Remarquez comme le bruit des pieds, puis des mains et du tambour, accompagne naturellement la danse; c'est par là que l'accord de tous les danseurs est senti par chacun des couples. Par ces mouvements réglés et répétés, donc, l'amour se laisse penser; l'amour prend assurance; l'amour cesse de balbutier.

La danse doit être prise comme un langage, qui n'exprime qu'en réglant, qui exprime par ce qu'il règle; je dirais bien qu'il n'exprime finalement que la règle même ou l'expression même.»1

Vie en société et danse

«La danse bretonne, si conforme encore à l'ancien style, donne un bon exemple de cette communication des mouvements qui résulte de la subordination des mouvements à une règle; et cette règle, qui fait que chacun, sans contrainte ni surprise, s'accorde au voisin et à tous, est ce qui occupe la pensée; d'où résulte le plus vif plaisir de société; mais aussi celui qui exclut le mieux, et même dans l'avenir prochain, le désordre et la fureur.»2

1. Alain, Vingt leçons sur les Beaux-Arts, Paris, Gallimard, 1931, p. 31
2. Idem, p. 32

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L'Arpège

Lucien-Charles Chaupourel
Petite nouvelle inspirée du vécu même du philosophe L. C. Chaupourel, danseur mondain à ses heures.



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