Maistre Xavier de
Sainte-Beuve qui le connaissait et l'admirait a signé en 1839 la préface du Voyage autour de ma chambre.
Après l'avoir comparé à d'autres écrivains de son temps, voici ce qu'il en dit: «En ce qui est du comte Xavier, le naturel décida tout; le travail du style fut pour lui peu de chose; il avait lu nos bons auteurs, mais il ne songea guère aux difficultés de la situation d'écrivain à l'étranger. Il se trouva un conteur gracieux, délicat et touchant, sans y avoir visé; il sut garder et cultiver discrètement sous tous les cieux sa bouture d'olivier ou d'oranger, sans croire que ce fût un arbuste si rare.»
Du Voyage, nous tirons ce très beau passage sur l'immortalité: «Non, mon ami n'est point entré dans le néant; quelle que soit la barrière qui nous sépare, je le reverrai. Ce n'est point sur un syllogisme que je fonde mon espérance . Le vol d'un insecte qui traverse les airs suffit pour me persuader; et souvent l'aspect de la campagne, le parfum des airs, et je ne sais quel charme répandu autour de moi, élèvent tellement mes pensées, qu'une preuve invincible de l'immortalité entre avec violence dans mon âme et l'occupe tout entière.
« (...) Non, celui qui inonde ainsi l'orient de lumière ne l'a point fait briller à mes regards pour me plonger bientôt dans la nuit du néant. Celui qui étendit cet horizon incommensurable, celui qui éleva ces masses énormes, dont le soleil dore les sommets glacés, est aussi celui qui a ordonné à mon coeur de battre et à mon esprit de penser.»
Un autre aspect de Xavier de Maistre est moins souligné, et pour cause: officier dans l'armée russe lors de la guerre de 1812, il a été un témoin compatissant de la retraite des soldats français depuis Moscou jusqu'à la frontière. Dans une lettre à son frère Joseph, il a décrit les horreurs de cette route semée de cadavres, et qui avait l'air «d'un champ de bataille continu.» (La Correspondance diplomatique de Joseph de Maistre, publiée par Albert Blanc, en 1861).