Shakespeare William

1564-23 avril 1616
Contemplant Shakespeare, «toutes les questions touchant à l'art se sont présentées à [mon] esprit», écrit Hugo dans William Shakespeare. «Et traiter ces questions; c'est expliquer la mission de l'art; traiter ces questions; c'est expliquer le devoir de la pensée humaine envers l'homme.» Il y a la Nature et il y a l'Art. L'une et l'autre sont les deux grands rideaux de la création divine. Dieu se manifeste en premier lieu à travers la Nature, puis au second degré à travers l'homme par l'Art. Hugo est celui qui a défendu avec le plus d'éloquence l'imperfectibilité de l'Art. Lui qui croyait avec tant de conviction au Progrès — «le genre humain, écrit-il, est un liseur. Il a longtemps épelé, il épelle encore; bientôt il lira.» — estimait que le grand artiste n'ajoute rien à ses prédécesseurs. «Les chefs-d'œuvre ont un seul niveau, l'absolu. Une fois l'absolu atteint, tout est dit. L'œil n'a qu'une quantité d'éblouissement possible.» De Phidias à Michel-Ange, il n'y a pas progrès; il n'y a qu'une grande marche, celle de l'esprit humain en quête d'idéal.

Shakespeare est un homme océan; Shakespeare est Terre; Shakespeare est élément; Shakespeare est toute la Nature; Shakespeare est un Tout. «Comme Homère, Shakespeare est un homme cyclique. Ces deux génies ferment les deux premières portes de la barbarie, la porte antique et la porte gothique.» Chez Shakespeare, Hugo admire «une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaîté, cette haute gaîté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l'ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. On sent, en abordant l'œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l'ouverture d'un monde. Le rayonnement du génie dans tous les sens, c'est là Shakespeare.»

La popularité actuelle de Shakespeare fait oublier le succès relatif qu'il connut de son vivant et la longue éclipse de renommée qui allait suivre sa mort. Il fut raillé et vilipendé par tous les plus grands esprits au XVIIe et XVIIIe et l'unanimité de la critique à son endroit déconcerte aujourd'hui. On le juge artificiel, industrieux, sans grâce, grossier; on l'accuse de plagiat, de n'être qu'«un corbeau paré des plumes d'autrui». Pope, Dryden s'en moquent sans retenue. Voltaire qui le découvre lors de son voyage en Angleterre en 1728, prend plaisir à tirer sur «l'histrion barbare». S'adressant au Cardinal de Bernis, il disait: «Faites de jolis vers, délivrez-nous, monseigneur, des fléaux, des welches, de l'académie du roi de Prusse, de la bulle Unigenitus, [...] et de ce niais de Shakespeare! Libera nos, Domine.» Il en fera tant qu'on finira malgré tout par s'intéresser de plus près, des deux côtés de la Manche, à l'œuvre de Shakespeare. Furieux, Voltaire devra reconnaître sur le tard, que la grandeur de Shakespeare était faite pour résister à ses traits les plus cruels; déjà à ce moment, la gloire de Shakespeare éclipsait celle des plus grands auteurs français. Les deux Hugo réhabiliteront définitivement Shakespeare.

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