Rousseau Théodore

1812-1867
Notice tirée d'une encyclopédie française réputée de la fin du XIXe siècle:
«C'est un des maîtres de l'école contemporaine. Élève de Rémond et Guillon-Lethière, il apprit en réalité la peinture pour ainsi dire sans maître, en étudiant la nature et sous l'influence des maîtres hollandais paysagistes et animaliers ; il voyagea en Auvergne et en Normandie et se consacra exclusivement au paysage ; il créa le genre que l'on désigne sous le nom de « paysage intime ». Les sujets de ses tableaux sont empruntés principalement aux sites de la forêt de Fontainebleau; à partir de 1848, il s'installa définitivement sur la lisière de la forêt, dans le petit village de Barbizon.

Il arriva à l'époque où l'école du paysage historique et mythologique dominait et s'adonna avec passion à peindre la nature: « des arbres qui n'étaient pas la gaine d'une hamadryade, mais bien de naïfs chênes de Fontainebleau, d'honnêtes ormes de grande route, de simples bouleaux de Ville-d'Avray, et tout cela sans le moindre temple grec, sans Ulysse, sans la plus petite Nausicaa ». Il exposa d'abord au Salon de 1834 la Lisière d'un bois coupé, dont la vérité réaliste et poétique frappa vivement le public ; en 1835, il exposa des Esquisses ; mais, à partir de cette date, il se heurta à une mauvaise volonté de parti pris, et le jury refusa systématiquement ses tableaux, malgré les protestations de nombreux critiques. Rousseau ne se découragea pas et continua à étudier minutieusement la nature, rendant ce qu'il voyait avec son attitude, son dessin, sa couleur, ses rapports de ton; naïvement, sincèrement, amoureusement, il épiait la nature, dans toutes ses formes, le matin, à midi, et surtout au crépuscule, parfois même à la nuit dans la demi-transparence des mystérieuses ténèbres. La conscience scrupuleuse, l'observation profonde du peintre qui ajoutait son âme à la nature en font un des maîtres de l'école réaliste dans le paysage. Critiqué par l'Académie, exalté par les artistes les plus originaux, Rousseau finit par vaincre les préventions du jury : le refus de son Allée de châtaigniers, qui excita une grande admiration, décida enfin les peintres officiels à lui ouvrir les portes du Salon, en 1849; à partir de cette époque et jusqu'en 1867, il exposa régulièrement, chaque année.

Son caractère était à la hauteur de son talent : il avait une confiance absolue dans son art et le plus profond sérieux moral ; indifférent à la richesse, ne vivant que pour l'art et la gloire, il vécut une existence presque monastique dans la contemplation passionnée de la nature. Sa sincérité devant elle est complète; son dessin excellent, sa peinture un peu grasse, sa facture large et son coloris si vivant, lui ont assuré une place considérable dans l'histoire de la peinture française. On trouve dans ses premières toiles une couleur un peu légère et toute la fougue de l'esquisse ; plus tard, on lui a reproché d'avoir trop détaillé ses paysages et d'en avoir ainsi diminué la fraîcheur, mais ils conservèrent toujours leur profond charme poétique. Son oeuvre est très variée, et les moyens employés pour produire l'effet, très différents ; tantôt il empâte, tantôt il frotte ; un jour, il choisit un site éclairé d'une manière particulière et le peint sous cet aspect fantastique que prend parfois la nature; le lendemain, il reproduit la campagne toute plate, à peine accidentée de quelques maigres peupliers, ou bien il peint avec amour le portrait d'un chêne dans sa chère forêt de Fontainebleau. Théophile Gautier l'a appelé le « Delacroix du paysage » et estimait qu'il resterait surtout comme coloriste.

Ses principaux tableaux, outre ceux déjà cités, sont les suivants : Vue du Bassin de Paris et du cours de la Seine, la Vallée du Bas-Meudon et l'île Seguin, Forêt de Compiègne (1833); Descente de vaches dans le Haut-Jura (1835) ; la Mare, l'Avenue de l'Isle-Adam, la Lisière du Bois, Terrains d'automne (1849); Effet de matin, Haute futaie du Bas-Bréau, Village de Barbizon (1850), Paysage après la pluie (1852) ; Sortie de la forêt de Fontainebleau (1852) - qui est au Louvre, ainsi que : Marais dans les Landes (1854) ; Paysage, effet de soleil, Côtes de Granville, Sortie de forêt au crépuscule, Lisière des monts Gérard, Groupe de chênes dans les gorges d'Apremont, un Coteau cultivé, Plaine de Barbizon (1855) ; Bords de la Loire au printemps, Matinée orageuse pendant la moisson, un Hameau dans le Cantal, Prairie boisée (1857) ; Carrefour de l'Epine au Bas-Bréau, Bords de la Sèvre, Bornage de Barbizon, Gorges d'Apremont, Lisière de bois dans la plaine de Barbizon (1859) ; le Chêne de Roche (1861) ; Clairière dans la haute futaie, une Mare sous les chênes (1863) ; Chaumière sous les arbres (1864) ; Coucher de soleil dans la forêt de Fontainebleau (1866) ; Coup de soleil par un temps orageux, l'Automne, Métairie sur les bords de l'Oise, Paysages du Berry (1867).

Ph. B., article « Théodore Rousseau » de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie» (1885-1902). Tome trentième.

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