Référendum

Procédure électorale qui consiste à soumettre directement à l'approbation de tous les électeurs une mesure ou un projet de loi.

source: Sénat de la République française

Enjeux

(D)ans plusieurs (...) démocraties électives, l'élite politique redoute le référendum. C'est un instrument imprévisible de gouvernement, qui transfère le pouvoir de décision des partis vers le peuple, dépersonnalise les débats et laisse s'exprimer les clivages de l'opinion. Dans un système représentatif, le parti gouvernemental aime disposer de la marge de manoeuvre conférée par le mandat populaire, ouvert et imprécis. C'est sous couvert de sa légitimité, reçue par la sanction populaire, que le gouvernement élu prétend gouverner au nom du peuple. Le référendum, en ce sens, conteste cette légitimité. Il procède de l'idée que les gouvernements représentent imparfaitement l'opinion publique, voire qu'ils ont intrinsèquement propension à la trahir.

Les gouvernants répugnent donc à recourir à cela même qui mine leur autorité. Autre motif de crainte: en remettant une question au libre débat du peuple, ils perdent le contrôle de l'agenda politique. Le référendum ne garantit pas, même à un leader très populaire, que le peuple sanctionnera ses décisions. Après mai 1968, le général de Gaulle, croyant pouvoir compter sur sa popularité pour faire avaliser par les Français une réforme du Sénat et du gouvernement local, essuya une cuisante défaite et démissionna.

La méfiance à l'égard du référendum tient aussi à la crainte qu'il ne suscite des excès de populisme; on envisage mal que des foules peu instruites de l'enjeu du débat, influencées par des groupes factieux, tranchent des questions complexes. La démocratie directe a ceci de fragile qu'elle fait appel à l'intelligence et à l'instruction moyennes de l'électorat. Elle requiert de chacun qu'il sorte de sa sphère d'intérêt privé pour l'élargir à la société toute entière et qu'il délibère comme s'il était lui-même législateur. Cette expérience collective est formidable quand elle réussit à former le citoyen à la chose publique, de même qu'à disséminer et à élever le débat; elle est malheureuse quand elle se déroule dans l'apathie et l'indifférence, laissant à des groupes industrieux le soin d'influer sur le vote final.

Malgré ses dangers et ses faiblesses, le référendum demeure un instrument de démocratie sous-employé et mésestimé. Deux pays font exception à ce constat: les États-Unis et la Suisse. Dans ces pays, le référendum et l'initiative populaire sont employés avec une intensité et à une échelle uniques au monde. Historiquement, le référendum et l'initiative se substituèrent aux assemblées populaires - les Landsgemeinde en Suisse, les Town meetings en Nouvelle-Angleterre - où les gentilshommes rassemblés administraient les affaires de la ville ou du canton. La crois-sance de la population et l'extension du suffrage ne permirent plus de tenir de telles assemblées; d'où le recours au référendum et à l'initiative.

Aux États-Unis, ces deux formes de votation, qui ont cours seulement au niveau des États, se sont comptés par milliers depuis l'Indépendance américaine. En Suisse, il s'est tenu 398 référendums nationaux de 1848 à 1992, qui ont porté sur des sujets aussi divers que la constitution, le moratoire nucléaire, l'adhésion de la Suisse à la Banque mondiale, la succession des exploitations agricoles, la durée des congés payés et les passages piétonniers. Dans la plupart des États américains et en Suisse, le référendum est bien sûr obligatoire pour la réforme de la constitution; il l'est aussi pour l'adoption de certaines lois. On y rencontre aussi l'initiative populaire sous deux formes, directe et indirecte. Dans le premier cas, un groupe de citoyens, s'il recueille dans une pétition un nombre suffisant de signatures d'électeurs, peut soumettre au vote populaire une loi ou une question de son crû. Il peut aussi obliger par ce moyen le gouvernement à soumettre au vote populaire une loi adoptée par son Assemblée. Ordinairement, une loi adoptée à la suite d'un vote populaire ne peut être amendée que par le peuple lui-même. Dans le deuxième cas, la pétition est d'abord soumise au parlement; s'il refuse de la prendre en considération, le contenu de la pétition descend vers le peuple.

En dehors de la Suisse et des États-Unis, on observe que le recours au référendum - le plus souvent à l'initiative des gouvernements - augmente dans les démocraties. En France, le président Chirac a proposé d'élargir le champ du référendum aux questions de société. Le référendum est de plus en plus présent dans la vie politique de l'Italie. Il est assez fréquent en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Irlande.

source: Marc Chevrier, "Le référendum, ce mal aimé. Petite apologie de la démocratie directe, L'Agora, vol. 3, no 3, décembre 1995, p. 26

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