Rebelle

«Deux qualités sont indispensables au Rebelle. Il refuse de se laisser prescrire sa loi par les pouvoirs, qu'ils usent de la propagande ou de la violence. Et il est décidé à se défendre.»
    Ernst Jünger, Traité du Rebelle (1951)

Essentiel

«Il y a toujours eu des rebelles. Mais le monde actuel leur réserve une place toute particulière. À l'époque de la modernité, le rebelle apparaissait très en retrait par rapport au révolutionnaire: il était réputé manquer de claire conscience idéologique, et préférer aux stratégies longuement réfléchies le jeu désordonné des réactions instinctives. Aujourd'hui que la modernité s'achève, il retrouve toute sa place. La mondialisation fait en effet de la Terre un monde sans extérieur, un monde sans autrui, qu'on ne peut plus attaquer à partir d'un au-delà de lui-même. Un tel monde n'est pas tant voué à l'explosion qu'à la dépression implosive. Le rebelle est adapté à ce monde, précisément parce qu'il anime des réseaux et propage ses idées de façon virale. En ce sens, il est lui aussi une figure postmoderne, mais une figure d’opposition. Dans un monde de plus en plus homogène, il est la singularité même. Il est un point opaque dans un monde voué à la transparence totalitaire, un sujet demeuré réel dans un monde d'objets virtuels, un séditieux par excellence dans un monde policé devenu policier. Un étranger qu'on pourrait exclure à bon droit au nom de la lutte contre l'exclusion s'il ne s'était d'emblée exclu lui-même. C'est pourquoi, d'une certaine façon, l'avenir appartient à la pensée rebelle, à cette pensée qui dessine des clivages inédits, esquisse une topographie nouvelle, préfigure un autre monde. Car l’histoire, toujours, demeure ouverte.»

Robert de Herte, Des rebelles (Éléments, no 101, mai 2001)

Enjeux

«Jamais, sans doute, la rébellion ne s’est mieux portée. Elle s’affiche, elle s’édite, elle se chante, elle se met en scène, elle défile, elle surfe, elle trottine. (...) La récupération par la publicité de symboles et de slogans incarnant la révolte et la contestation ne fait d’ailleurs que traduire la mise en scène globale de subversions factices. Il y a bien trop de rebelles, des "niqueurs de ta mère" aux patrons des multinationales, pour qu’ils soient vraiment dérangeants. L’écrivain Philippe Muray a dépeint avec justesse les 'rebellocrates' de notre temps: "Fonctionnaires de la récupération, rentiers de l’indignation démagogue, pamphlétaires salariés, imprécateurs dans le sens du vent, flagellateurs homologués, mutins en chambre, espions en pantoufles: ces forces d’occupation du centre adorent la marge comme leur miroir sans tain; et ne cessent d’offrir à l’admiration du public des panégyriques de la marge qui sont essentiellement, bien sûr, des panégyriques du centre plein de marges. Occupant le centre, ils tiennent à faire croire que l’insubordination y réside aussi. Sous cette couverture 'frondeuse', ils peuvent continuer tranquillement leurs exactions mafieuses. Les bouffons les plus consentants se disent révolutionnaires sans être réfutés." (...) L’ordre établi contemporain - celui de la marchandise sans frontières - a besoin de la rébellion institutionnalisée de manière à détruire les authentiques poches de résistance - culture, langue, littérature, toutes sortes de traditions et d’expressions qui ont façonné l’art de vivre des peuples - pour les couler dans le moule uniformisateur du marché.»

Christian Authier, "Où sont les rebelles?", L'Opinion indépendante (lien désactivé)

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