Opinion

En général, l'opinion est un jugement porté sans connaissance véritable, un énoncé qui prétend être vrai. Chez Platon, c'est «un type de connaissance inférieur à la science et portant sur les apparences sensibles.»
Cyberphilo

«Le mot opinion n'a pas le même sens dans l'expression: opinion politique. Une opinion politique, c'est une idée ou un avis qu'on partage avec d'autres et qui porte sur ce qu'on devrait faire en ce qui concerne la conduite des affaires publiques.»
Anonyme, source et suite

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Philosophie

Jacques Dufresne

Existe-t-il une meilleure définition de la philosophie que ce poème de Heine, Questions, qui nous en fait vivre lexpérience tout en nous aidant à la comprendre.

Essentiel

Il faut distinguer la voie de l'opinion vraie, celle de la science, de celle de la simple opinion, qui peut être vraie ou fausse selon les circonstances. Dans «La voie de la vérité», Parménide nous apprend qu'il y a deux voies: le chemin de la certitude, qui accompagne la vérité, et un étroit sentier où l'on ne peut rien apprendre. La première voie affirme que ce qui est l'est et ne saurait pas ne pas être. La seconde voie affirme que ce qui est n'est pas nécessairement et que le non être existe. Voici comment Parménide décrit ceux qui sont sous l'emprise de l'opinion de la multitude:

«L'embarras de leur pensée pousse en tous sens leur esprit incertain; ils se laissent entraîner, sourds et aveugles, hébétés, foule irréfléchie pour laquelle être et n'être pas, c'est et ce n'est pas la même chose. Leur opinion est qu'en tout il existe une route qui s'oppose à elle-même.» (JEAN VOILQUIN, Les penseurs Grecs avant Socrate, de Thalès de Millet à Prodicos. Paris, Gallimard, 1964, p. 94)

Dans son analyse phénoménologique, Heidegger met à jour les traits essentiels d'un homme dégénéré qui est le digne héritier de la foule irréfléchie dont parlait déjà Parménide.

«En usant des transports en commun ou des services d'information (des journaux par exemple), chacun est semblable à tout autre. Cette situation d'indifférence et d'indistinction permet au on de développoer sa dictature caractéristique. Nous nous amusons, nous nous distrayons, comme on s'amuse; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de l'art, comme on voit et comme on juge; et même nous nous écartons des grandes foules comme on s'en écrarte; nous trouvons scandaleux ce que l'on trouve scandaleux. Le on qui n'est personne de déterminé et qui est tout le monde bien qu'il ne soit pas la somme de tous, prescrit à la réalité quotidienne son mode d'être.» (MARTIN HEIDEGGER, L'être et le temps. Paris, Gallimard, p. 159)

Enjeux

L'opinion fait la force?

«Les philosophes ont pour la plupart contesté la valeur de l'opinion. Pourtant, nous tenons à nos opinions. Qui a raison? Il semble bien que ce soit le philosophe: «nos opinions proviennent de sources non contrôlées, non maîtrisées et non réfléchies: l'expérience quotidienne, les médias, notre éducation, l'intérêt, les passions. L'ensemble des phénomènes qui ont une influence incontrôlée sur notre esprit. De manière spontanée, irréfléchie, nous reproduisons, nous répétons des jugements tout faits prononcés par des individus qui ont sur nous une certaine autorité, auxquels nous faisons confiance ou tout simplement que nous aimons.
 Ce qui caractérise donc l'incorporation d'opinions, c'est notre passivité intellectuelle, notre soumission, notre démission intellectuelle. Mais la passivité intellectuelle se distingue de la simple paresse intellectuelle: la passivité est notre lot commun, au moins au début de notre existence, cf. Descartes: Ayant été enfant avant que d'être homme, nous n'avons pas pu faire autrement que d'écouter et de croire ce qu'on nous disait et de le tenir pour vrai. Si nous avions d'emblée eu l'usage de notre raison dans toute sa force, il ne serait peut-être pas nécessaire de faire de la philosophie, c'est-à-dire pour commencer de faire le ménage dans notre esprit, de se mettre à douter de la valeur de nos opinions.»
Anonyme, source et suite

Mais ce n'est pas parce que l'opinion est faible, dans le sens décrit ci-dessus, qu'elle n'est pas également forte, car Hume va jusqu'à y déceler le fondement de tout gouvernement:

«Rien ne paraît plus surprenant à ceux qui contemplent les choses humaines d'un oeil philosophique, que de voir la facilité avec laquelle le grand nombre est gouverné par le petit, et l'humble soumission avec laquelle les hommes sacrifient leurs sentiments et leurs penchants à ceux de leurs chefs. Quelle est la cause de cette merveille? Ce n'est pas la FORCE; les sujets sont toujours les plus forts. Ce ne peut donc être que l'OPINION. C'est sur l'opinion que tout gouvernement est fondé, le plus despotique et le plus militaire, aussi bien que le plus populaire et le plus libre. Le sultan d’Égypte, ou l'empereur de Rome, peut conduire ses sujets inoffensifs comme des bêtes brutes, à l'encontre de leurs sentiments et de leurs inclinations, mais il doit du moins avoir mené ses mamelouks comme des hommes, par leur opinion.»

DAVID HUME, Essai sur les premiers principes du gouvernement (1752)

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