L'internet des champs et des bois

Un seul troupeau, pas de berger! Cette prophétie de Nietzsche est en voie de réalisation non seulement à l’échelle de l’humanité mais à celle de l’ensemble de la nature. Pas de berger? Entendons-nous : pas de berger sur place, près des moutons, pas de figure paternelle, mais des techniciens en tous types de comportements, bien au chaud dans une tour de contrôle lointaine et parfaitement camouflée : sécurité oblige!

C’est ce qu’on appellera sans doute un monde intelligent, en détournant cet adjectif de son vrai sens. Le premier troupeau de mouton ainsi équipé existe déjà au Royaume Uni. On le perfectionnera au fur à mesure que le prix des capteurs baissera. Il est de 40 euros en ce moment. Quand le troupeau approchera d’un plan d’eau pollué, un robot loup surgira pour l’en éloigner. Je devance un peu la technoscience, mais tout en restant dans le vraisemblable.

Il suffit d’un peu d’imagination pour entrevoir la multitude d’applications possibles des capteurs-émetteurs: détecter et prévenir les feux de forêt, les glissements de terrain, les avalanches. Timides prédictions, car la réalité a déjà dépassé l’imagination la plus progressiste. Voici en effet les nénuphars électroniques:

«Ils ressemblent à de grands disques démaquillants flottant dans une mare. Une nouvelle source de pollution ? Bien au contraire : les nénuphars artificiels mis au point par Mark Owen sont destinés à absorber la pollution des eaux grâce à l’énergie solaire.
Si le pouvoir filtrant des végétaux est connu – à Honfleur, par exemple, l’eau qui sort de la station d’épuration traverse une succession de bassins remplis de miscanthus – le procédé utilisé par les LilyPad est fort différent : ces galettes blanches d’un mètre carré sont constituées de nanoparticules. « Il suffit de déposer les nénuphars, ils flottent juste en dessous de la surface de l’eau et commencent à nettoyer tout seuls, explique le fondateur et PDG de Puralytics. Le maillage de nanoparticules répond à la lumière du soleil en provoquant des réactions d’oxydoréduction à la surface, ce qui brise presque n’importe quel produit chimique et détruit tous les contaminants qui entrent en contact.»

 

L’animal dans l’œil du maître


En divers pays du monde les animaux sauvages et particulièrement en Amérique du Nord les cerfs et les originaux provoquent tous les jours des accidents mortels dont chacun coûte des millions aux compagnies d’assurance et aux États. Un jour prochain, si ce n’est déjà fait, on utilisera des drones pour repérer des animaux dans les bois, les anesthésier et installer sous leur peau un récepteur qui tirerait de leur chair l’énergie dont il a besoin. Sur le bord des routes, des émetteurs communiqueront avec les récepteurs sous chair provoquant une décharge inhibitrice. Des chercheurs bavarois ont déjà fait un pas dans cette direction : un drone capable de repérer un animal sauvage.

La clôture intelligente existe déjà sous plusieurs autres formes. Aéroports, prisons, centres de recherche, centrales électriques, de nombreux espaces publics ou privés sont déjà clôturés. Restait à équiper ces clôtures d’appareils capables de détecter et d’analyser les phénomènes insolites survenant à proximité. Des terroristes pourraient par exemple être tentés de creuser un tunnel sous une clôture. De telles clôtures sans fil existent déjà, ils s’intègrent à ce qu’on appelle FIDS pour Fence Intrusion and Detection Systems.

Un drone aigle

«C’est un petit quadricoptère qui fond sur sa proie à la vitesse de 3 mètres par seconde et saisit l’objet au vol avec son bras articulé. Un avant-goût des futurs drones qui sauront interagir à grande vitesse avec leur environnement.

Faire travailler des drones en vol, c’est déjà une prouesse. Mais certains chercheurs trouvent que cela ne va pas assez vite : leur modèle, c’est l’aigle qui fond sur sa proie et l’emporte sans s’arrêter.

Après avoir bien observé le prédateur en chasse, et traduit leurs observations en équations dans un système de contrôle de robot volant, l’équipe de l’université de Pennsylvanie (États-Unis) a fait des tests avec un quadricoptère du commerce équipé d’un bras articulé. Et le résultat est assez impressionnant (voir la vidéo ci-dessous).»

 

Un drone intercepté par un vrai faucon

Vu de haut ce drone était une proie appétissante aux yeux du faucon. Il fondit donc sur elle. On ne saura jamais s’il s’est cassé le bec. Témoin de la scène, le pilote du drone mit les hélices hors d’état de blesser le prédateur.

Les chasseurs au secours de la civilisation

L’expression chasse au drone peut être entendue dans le sens de pourchasser les drones mais aussi dans le sens de chasse à l’aide de drones. On parle alors de chasse au drone comme on parle de pêche au sonar. Les pêcheurs n’ont résisté que très mollement à la tentation du sonar, même si cela dénaturait leur sport, le transformant en une opération techno-commerciale du genre «poissons garantis ou argent remis»!

Les chasseurs sont plus nobles. Plusieurs États américains, dont le Colorado et le Montana, et deux provinces canadiennes, le Manitoba et la Saskatchewan ont déjà interdit la chasse au drone; d’autres États avaient déjà une loi interdisant le recours aux avions pour la chasse. Cette loi s’applique aux drones.Le recours aux drones est contraire à l’esprit de la chasse, au fair-play qu’elle exige, dit en substance Eric Pulse un ex-président du Hunter’s Institute.

Ce n’est pas là un fait divers insignifiant. Dans cette transformation accélérée des rapports de l’homme avec la nature, il faudra bien qu’un jour on impose des limites à la prolifération des machines qui se poursuit maintenant dans l’ensemble de la biosphère. Les chasseurs ouvrent la voie en protégeant un art ancestral contre des engins qui accroîtraient leur efficacité en détruisant leur plaisir... et je ne sais quel sentiment d’appartenance à la nature qui remonte aux origines de l'humanité.

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