Excellence
Excellence est l'équivalent d'un mot grec proche d'aristos, arètè, que l'on traduit aussi par vertu. C'est cet idéal que les ahtlètes chantés par Pindare ont tenté d'incarner en eux-mêmes,et les sculpteurs classiques dans le marbre: kalos kai agatos, il faut être beau et bon. On appelait kalokagathia le fait de posséder ces deux qualités. Agathos signifie courageux, noble, habile, apte à quelque chose.
Cet être de qualité doit aussi être beau et gra/cieux. Son corps est à la fois un levier et une lyre: au moment de l'effort suprême, il se tend, dur comme l'acier à l'appel de la volonté; dans les moments d'abandon, il obéit à l'âme à la manière d'une lyre. L'excellence est cet éminent degré d'harmonie entre l'âme et le corps.
Pindare, parfait représentant des aristocrates, pensait qu'une telle qualité était donnée à la naissance, qu'on ne pouvait pas l'acquérir par l'éducation. Par suite, la formation intellectuelle, avait à ses yeux moins d'importance que l'éducation artistique et l'éducation physique. La thèse opposée devait s'imposer progressivement, en même temps que la démocratie.
Pindare était un être religieux. Quand il évoque ce que nous appelons les dons naturels, il faut se représenter une nature qui n'est jamais séparée de la surnature. Les hommes, aux yeux de Pindare, ne sont rien, ce qui caractérise leur destin, c'est la précarité, la faiblesse, ils ne peuvent «que marcher en s'appuyant sur un baton fragile.» (gt 105, orig.incer.) Ces accents pascaliens ont inspiré ce commentaire à Gilbert Romeyer Dherbey:
- « Tout ce dont l'homme bénéficie, dans son séjour plein d'embûches, il le tient du dieu. Si nous sommes suffisamment Sophoialors " nous plaçons dans le dieu la cause éminente de tout" (panti men qeon aition upertiqemen (Pyth., V, 25). Et notamment de tous les biens, et des "nombreuses merveilles" (qaumata polla Ol., I, 28) qui peuplent le monde. Le dieu prend alors la forme de Charis pour effectuer ses dons gracieux. C'est "Grâce qui fomente pour les mortels toutes les douceurs ". (caris d aper apanta teucei ta meilika qnatois)
La vie de l'homme est ressentie comme un lot à lui réservé, un destin à lui destiné, et l'intervention du dieu habituellement suspend le malheur qui fait le fond de l'humaine condition, refoule sa souffrance et sa misère et vient changer la vie.
"Sous l'effet des nobles joies, le malheur meurt, son agression est domptée, lorsque la part que le dieu nous réserve nous porte aux cimes d'un bonheur altier ".
Les qualités des hommes, surtout lorsqu'elles sont éminentes, ne sauraient s'expliquer par une origine humaine : " C'est de toi, Zeus, que viennent aux mortels leurs grandes excellences" , et la sagesse des meilleurs est de porter plus bellement que les autres " la puissance que le dieu leur donne." (tan qeodotos dunamin Pyth., V, 13)
Ces qualités mêmes ne sont opérantes que si les dieux s'en mêlent et ils ne les rendent telles que par l'octroi des µaxavai: " Des dieux en effet vient toute l'efficace de ce à quoi excellent les hommes, qu'ils soient talentueux, forts de bras ou bien-disants." » (Pyth. I, 41-42) 1
Gilbert Romeyer Dherbey, La parole archaïque, Paris, PUF, 1999, p. 8.