Espace

«L'espace désigne tout ce qui est au-dessus de l'atmosphère terrestre. Ses limites sont infinies. Dans cet univers hostile, il n'y a pas d'air respirable, pas de bruits, pas d'odeurs, pas de plantes, pas d'animaux. En revanche, de nombreux rayonnements nocifs (X, gamma, ultraviolet, infrarouge) parcourent l'espace. Des variations extrêmes de températures sont aussi la conséquence d'une absence atmosphérique.»

Source: Centre national d'études spatiales (France)

Essentiel

«Le silence éternel des espaces infinis m'effraie.» Pascal

De la place à l'espace.

Dans la plupart des villes ayant une histoire, il y eut au cours des deux derniers siècles des confrontations entre les défenseurs des lieux conviviaux, places ou quartiers, et les partisans du progrès technique et de ses autoroutes. Le plus souvent ce sont ces derniers qui ont eu gain de cause. L'architecte Jean Robert rattache ces confrontations à une opposition fondamentale entre la place et l'espace. La place, dit-il en substance, est à l'espace ce que le pied est au mètre, ce que la mesure organique est à la mesure rationnelle. L'espace est délimité par des frontières, défini par des coordonnées. La place a un horizon. Elle marque le corps de ceux qui y vivent et elles en est à son tour marquée. Réductible à une formule mathématique, l'espace peut-être reproduit comme n'importe quel objet fabriqué selon un plan précis. Il appartient à la technique. La place appartient à l'art. Elle est unique; ce qu'illustre la comparaison entre le Vieux Québec et, dans ses flancs, une autoroute qui ressemble à celles de Toronto ou de Los Angeles. L'espace, dont le chemin de fer fut, avant l'autoroute, le meilleur symbole, est destiné au mouvement mécanique. La place convient aux rapports conviviaux entre vivants qui s'y déplacent d'une manière autonome, c'est-à-dire en marchant, elle est le lieu de ce qu'Aristore appelait la philia.

Dans le même esprit, Alfred de Vigny nous rappelle que voyager c'était jadis aller de place en place, à un rythme qui permettait l'amitié tandis que maintenant c'est une performance qui consiste à s'idenfier au bolide qui vous tranporte à grande vitesse.

«Adieu, voyages lents, bruits lointains qu'on écoute,
Le rire du passant, les retards de l'essieu,
Les détours imprévus des pentes variées,
Un ami rencontré, les heures oubliées,
L'espoir d'arriver tard dans un sauvage lieu.

La distance et le temps sont vaincus. La science
Trace autour de la terre un chemin triste et droit.
Le Monde est rétréci par notre expérience
Et l'équateur n'est plus qu'un anneau trop étroit.
Plus de hasard. Chacun glissera sur sa ligne
Immobile au seul rang que le départ assigne,
Plongé dans un calcul silencieux et froid.»
(Alfred de Vigny, La Maison du Berger)

Enjeux


L'HOMME DANS L'ESPACE

"A. Les stations orbitales et le problème spécifique de la station spatiale internationale

L'établissement permanent d'une colonie humaine dans l'espace n'est pas une idée neuve. Dès 1869, l'écrivain américain Edward Everett Hale avait imaginé un satellite habité ayant pour mission d'aider la navigation maritime. En 1923, Hermann Oberth avait décrit une station spatiale servant de plate-forme de départ pour des missions habitées vers la Lune et Mars et Arthur Clarke proposait, en 1945, des stations de télécommunications en orbite géostationnaires occupées par des opérateurs humains.

Mais c'est à partir des années soixante-dix que les États-Unis et l'Union soviétique se sont intéressés concrètement aux séjours de longue durée de l'homme dans l'espace.

Les Américains ont dérivé du programme lunaire Apollo un laboratoire spatial de grande taille et pesant 100 tonnes, le Skylab. Trois équipages de trois astronautes s'y succédèrent entre mai 1973 et février 1974 pour des missions de 28, 59 et 84 jours.

Ces performances étaient très inférieures à celles que les Soviétiques réalisèrent sur leurs deux séries de laboratoires orbitaux habités Salyut, dont le premier fut lancé en 1971 et dont le septième permit à un cosmonaute de séjourner 237 jours dans l'espace.

L'expérience acquise avec les Salyut eut également pour résultat la maîtrise de la technique de ravitaillement en orbite avec les vaisseaux-cargos Progress.

En 1986 Mir, station spatiale de troisième génération, fut lancée en orbite à 400 km d'altitude. Il ne s'agissait plus d'un cylindre unique mais d'un ensemble composé de 5 modules ajoutés à l'élément de base entre 1986 et 1996 et ayant chacun une fonction. Mir accueillit dès l'origine plusieurs astronautes français et à partir de 1995, après la fin de la guerre froide, les Américains y séjournèrent dans le cadre du programme Mir-Navette qui leur permit de se familiariser avec les opérations de rendez-vous et de «docking» en orbite.

Symbole de la supériorité russe dans le domaine des séjours de longue durée dans l'espace, Mir a été désorbitée en mars 2001. Elle avait permis d'apprendre à travailler dans l'espace, à assurer la maintenance et le ravitaillement régulier de la station à l'aide de vaisseaux automatiques et à faire face à des modifications des programmes de vol. Sur Mir, les astronautes avaient également appris à résoudre des situations d'urgence (problèmes de stabilisation, perte d'étanchéité d'un module, incendie à bord, etc.).

La station spatiale russe a également été une plate-forme pour des expériences scientifiques: 31 000 expériences ont été réalisées sur 240 instruments par 104 astronautes dont 56 non russes (6 français).

Il convient de distinguer clairement les questions générales que pose la présence de l'«homme dans l'espace» des problèmes spécifiques qui s'attachent au programme de Station Spatiale Internationale, qui est avant tout un élément de la politique et de la stratégie américaines.


Pendant la période où s'affirmaient les compétences russes, les États-Unis, en dehors des missions menées sur Mir à partir de 1995, devaient se contenter, avec la navette, de séjours limités en orbite (guère plus de deux semaines).

C'est pourquoi ils initièrent en 1984 un projet qui a finalement abouti à la Station Spatiale Internationale, dont les caractéristiques principales sont: une origine non scientifique, des coûts non maîtrisés et un avenir incertain.

La Station Spatiale Internationale est née d'une ambition politique et stratégique américaine. Sa construction a été décidée par Ronald Reagan en 1984, dans une période de regain d'affrontement idéologique avec l'URSS, dans la même lignée que l'IDS (Initiative de défense stratégique, aussi appelée «guerre des étoiles»). Son objectif principal n'était pas scientifique mais politique: il s'agissait, pour les Américains, d'être les premiers, pour des raisons de prestige et de rayonnement international, dans tous les domaines spatiaux y compris celui des séjours de longue durée dans l'espace. Ce programme permettait également de créer ou maintenir des emplois dans l'industrie. Le coût de la station spatiale - qui devait symboliquement s'appeler «Freedom» - était alors estimé à 8 milliards de dollars, et elle devait être terminée en 1992.

Cette estimation était totalement irréaliste. En 1987, lors de la passation des premiers contrats avec l'industrie, le constat fut rude: le projet de station Freedom avait pris deux ans de retard et son coût était passé à 14,5 milliards de dollars. De plus, les milieux scientifiques américains se mobilisaient contre ce projet «pharaonique» qui risquait de stériliser la recherche en concentrant trop de fonds publics. Face aux réactions des citoyens et du Congrès, l'administration américaine proposa en 1988 d'internationaliser le programme, pour réduire substantiellement le coût supporté par les États-Unis.

L'Europe - par l'intermédiaire de l'ESA -, le Japon, le Canada et le Brésil acceptèrent alors d'investir dans Freedom, devenue entre-temps la station Alpha. L'une des raisons pour lesquelles la France accepta de participer à ce projet, dont on pouvait légitimement craindre le gigantisme et le coût, fut le souci de tenir compte de la volonté allemande de rejoindre le projet, afin de ne pas rompre l'entente franco-allemande indispensable à la construction de l'Europe spatiale. Une autre était la crainte de se tenir à l'écart de la première coopération technique à l'échelle mondiale.

L'internationalisation de la station Alpha diminuait la charge financière supportée par les États-Unis et, parallèlement, opérait une ponction non négligeable sur les budgets spatiaux des puissances contractantes, réduisant ainsi leur capacité d'investissement dans d'autres secteurs de l'activité spatiale. Ainsi que le disait clairement un analyste américain: «Le vol spatial est POLITIQUE et DIPLOMATIQUE. L'aspect «spectacle» et le symbolisme ont toujours été les motivations majeures du financement des grands programmes par le gouvernement. L'objectif du projet Apollo, par exemple, démontrer la supériorité technologique américaine, a été complètement atteint. Aujourd'hui, la Station Spatiale Internationale est un outil diplomatique destiné à maintenir les concurrents potentiels dans un projet spatial conduit par les États-Unis» (16).

Ce courant de pensée est directement repris par le National Space Council: «Une coopération internationale accrue pourrait être recherchée, non seulement pour ses bénéfices programmatiques, mais aussi parce que c'est la meilleure façon d'exercer une influence sur l'orientation des entreprises spatiales futures dans le monde.» (17).

Les gains apportés par cette internationalisation ne furent toutefois pas suffisants pour remédier aux dérives financières et aux difficultés techniques, et en 1993 le président Clinton demanda à la NASA de revoir le projet à la baisse et de limiter à 17,4 milliards de $ le budget de la station, de 1994 à la fin de son assemblage.

Une alliance avec la Russie apparut alors comme une solution. En effet, avec l'effondrement de l'URSS, les fondements d'une logique d'affrontement entre les deux grands disparaissaient. La NASA, pratiquant la politique de la main tendue, proposa à la Russie de participer à la station, devenue la Station spatiale internationale. Cette collaboration devait permettre aux États-Unis de bénéficier de l'excellence des compétences russes en matière de stations orbitales et d'économiser le montant, évalué avec optimisme à 1,6 milliard de $, correspondant aux prestations fournies par les Russes.

Mais cette alliance accrut la complexité du programme et son gigantisme, compte tenu de la nécessité d'y intégrer les éléments russes. Les dérives de coûts et de dates de lancement continuèrent, notamment à cause des problèmes de financement de la Russie et des échecs inhabituels des lanceurs Proton.

Le General Accounting Office (GAO) américain avait donné, en 1995, une estimation du coût de la station: «Nous évaluons les besoins de financement américains pour la conception, le lancement, l'assemblage et le fonctionnement sur dix ans de la Station spatiale internationale à environ 94 milliards de $: plus de 48 milliards pour réaliser son assemblage d'ici à juin 2002, et près de 46 milliards pour assurer son fonctionnement et conduire des recherches pendant une décennie». La participation des partenaires étrangers devait, elle augmenter de 12,5 milliards de $.

En avril 1998, le rapport Chabrow indiqua que la station pourrait coûter encore 7,3 milliards de plus que le chiffre annoncé, et que sa construction ne pourrait être achevée avant 2005, et non en décembre 2003 comme il était prévu.

La NASA continua à défendre ce projet avec des arguments qui expriment avec limpidité la stratégie américaine: «Si nous abandonnons la Station spatiale internationale, nous abandonnerons les vols spatiaux habités. Si nous abandonnons ce programme, nous deviendrons une puissance de second ordre et cela aura des répercussions internationales».

Ainsi s'exprimait l'Administrateur de la NASA, D. GOLDIN, devant le Congrès, en novembre 1998.

Et l'ISS commença à être assemblée.

A la fin de 1998, les deux premiers éléments, Zarya et Unity, furent lancés. En juillet 2000, avec beaucoup de retard par rapport au calendrier prévisionnel, le troisième module, Zvezda fut lancé et au cours du second semestre la station fut habitée par un premier équipage américano-russe.

Aujourd'hui, le coût approximatif de la Station est évalué à 100 milliards de dollars, et parallèlement les services qu'elle pourrait offrir ont été considérablement réduits par la seule volonté politique du Président des Etats-Unis.

Celui-ci a en effet décidé, en mars 2001, de privilégier le programme de défense américain de protection antimissile (NMD), dont le coût est estimé à 60 milliards de $, et de réduire le programme de la Station. Cette décision a été prise à l'occasion de la fixation du budget de la NASA et sans aucune concertation avec les partenaires des Etats-Unis. Sont ainsi arrêtés: les développements du module de propulsion assurant l'autonomie de manoeuvre de la Station (200 millions de $), du module d'habitation US hab (1,3 milliard de $) et de la chaloupe de sauvetage, le Crew Rescue Vehicle (CRV - 500 millions de $). Quant aux coûteux vols de navette, ils sont limités à 6 par an.

Ces mesures, si elles sont maintenues par le Congrès, comportent la menace d'une réduction de l'équipage présent en permanence dans la Station. La chaloupe de sauvetage (X 38) était prévue pour pouvoir ramener sur terre 7 astronautes. Elle serait remplacée par un Soyuz, amarré en permanence à la Station, qui ne peut avoir que 3 passagers. Maintenir une possibilité de retour pour 6 personnes suppose l'amarrage permanent de 2 Soyuz, sachant qu'ils ne peuvent demeurer plus de 6 mois en orbite et doivent être remplacés au delà de ce délai. Cette solution est coûteuse et suppose une capacité de production russe très performante. Paradoxalement, elle subordonnerait l'essentiel des moyens d'accès à la Station aux lanceurs russes. Elle ne semble pas envisagée actuellement.

La réduction à 3 astronautes de l'équipage présent en permanence dans l'espace, en dehors des visites temporaires de navettes américaines et de Soyuz russes, aurait une double conséquence.

Elle réduirait à une portion congrue les possibilités de vol des astronautes européens, qui devraient avoir recours à des vols «taxis» pour ne pas perdre leur entraînement.

Elle confinerait les trois astronautes «permanents» dans des tâches de maintenance et d'entretien de la Station. Les possibilités d'expérimentation scientifique seraient extrêmement réduites, alors qu'elles constituaient le motif officiel de construction de la station.

On peut encore espérer que les choses n'iront pas aussi loin que semble le craindre la représentante du Texas à la Commission scientifique du Congrès interrogeant la NASA sur une occupation de la Station réduite à «un concierge et un type regardant par le hublot» (...)


B. L'utilité de l'homme dans l'espace

1. La mise en oeuvre d'expériences scientifiques en microgravité
Il y a une quinzaine d'années, certains espéraient que la microgravité permettrait la production commerciale de matériaux: alliages métallurgiques, cristaux parfaitement purs ou de substances pharmaceutiques impossibles à obtenir sur Terre en raison des effets perturbateurs induits par la pesanteur. Cela ne s'est pas révélé viable et les travaux menés dans l'espace sont désormais exclusivement du domaine de la recherche et non de la production.

Les recherches en sciences de la matière et sciences de la vie en micropesanteur sont détaillées dans le chapitre consacré à la recherche scientifique spatiale.

En ce qui concerne l'«implication» de l'homme dans la mise en oeuvre des expériences, on peut faire deux remarques :

- Le coût de ces recherches est généralement élevé; l'intervention des opérateurs humains en orbite est une ressource rare et coûteuse. Il convient donc d'utiliser systématiquement les moyens automatiques ou robotiques disponibles et d'utiliser les compétences humaines en complément de ceux-ci. Ainsi, la communauté scientifique qui étudie les sciences de la vie en microgravité a recours à deux types d'outils: les vaisseaux automatiques russes (Biocosmos, Photon) permettant de réaliser automatiquement des expériences de biologie cellulaire et du développement, de physiologie animale (primates, rongeurs, batraciens, etc.), de radiobiologie pour des missions de courte durée (15 jours en moyenne), mais aussi les systèmes habités avec présence d'astronautes à bord pour des durées de 7 jours à plusieurs mois (6 mois en moyenne), voire plus d'une année.

- Lorsque l'astronaute agit en tant qu'opérateur, le fait qu'il soit un être humain et non un robot constitue à la fois un avantage et un inconvénient.


Pour la plupart des expériences réalisées à bord de stations orbitales, l'intervention humaine est réduite (régler un thermostat, mettre une cartouche de produit dans un four, etc.) mais elle peut être, dans certains cas, indispensable: un astronaute français réussit ainsi, en rebranchant des câbles, à sauver une expérience au cours du vol LMS de Spacelab en juin 1996. De même, l'intervention de l'homme peut s'avérer indispensable pour placer et réparer des très grands équipements en orbite tels que les télescopes Hubble ou Chandra, à condition naturellement qu'ils soient sur une orbite accessible et qu'ils aient été prévus pour cela.

En revanche, la présence de l'être humain peut être une gêne lorsqu'une expérience fait appel à des matériaux toxiques, ou simplement parce que la présence des hommes à bord des stations engendre des accélérations et des vibrations qui peuvent perturber certaines manipulations.

Les expériences en sciences de la matière et en sciences de la vie réalisées dans l'espace peuvent aboutir à des résultats tout à fait intéressants, mais leur coût est très élevé.

Les expériences scientifiques en microgravité ne peuvent, à elles seules, justifier la présence d'opérateurs humains dans l'espace.

C'est en tant qu'objet d'expérience que l'homme est intéressant.


2. La médecine spatiale
La véritable justification de la présence de l'homme dans l'espace est l'étude des agressions diverses qu'il peut y subir et des réponses à apporter. C'est une étape indispensable à franchir si l'on considère que l'homme sera appelé à faire, dans l'avenir, des séjours prolongés dans l'espace pour atteindre des planètes éloignées.

L'environnement spatial est un environnement hostile pour l'homme et plus généralement pour les objets vivants pour les raisons suivantes:

- l'absence de pesanteur (ou microgravité) responsable d'une égalisation de la pression veineuse dans l'ensemble du corps humain, d'une absence de poids entraînant des efforts peu intenses et d'une limitation des mouvements,

- l'existence d'une situation de confinement et d'isolement à l'origine de toute une série de problèmes psycho-sociaux, pouvant aboutir à de conséquences psycho-pathologiques,

- l'existence d'un niveau élevé de radiations; pour certaines d'entre elles, on ne connaît pas les effets biologiques (les ions lourds en particulier),

- enfin, lors des sorties extravéhiculaires, l'absence d'atmosphère et les chocs thermiques qui résultent des changements de la position de la station spatiale par rapport au soleil.

Les expériences et observations réalisées sur les astronautes permettent de mieux connaître ces différents phénomènes et d'y trouver des solutions. Elles peuvent avoir des retombées pour le médecin «terrestre».

L'absence de pesanteur constituant la caractéristique principale de ce milieu, l'étude des effets physiologiques induits par celle-ci a permis de déceler et de découvrir des mécanismes de régulation du métabolisme.

En microgravité, l'organisme humain présente tous les symptômes du vieillissement: troubles de la circulation, perte d'équilibre, atrophie musculaire, ostéoporose.

L'observation de ces phénomènes et des moyens mis au point pour tenter de les contrer est indispensable dans l'optique de séjours de très longue durée dans l'espace et, par ailleurs, contribue à résoudre certains problèmes médicaux terrestres, notamment l'ostéoporose liée à la ménopause.

On songe par exemple à utiliser des substances actives ayant pour cible les récepteurs spécifiques à la gravité au niveau des cellules osseuses. En novembre 1998, à bord de la navette Discovery, un protocole d'expérience de stimulation de croissance osseuse a été testé sur des cultures cellulaires grâce à une molécule développée par la compagnie canadienne de biotechnologie Allelix et le groupe pharmaceutique suédois Astra.

Dans d'autres domaines aussi, les appareils et tests mis au point pour les cosmonautes sont utilisés dans les cabinets médicaux et les hôpitaux afin de parfaire les approches diagnostique et thérapeutique: locomètre, oculomètre, système de stimulation vibratoire pour lutter contre l'ankylose articulaire des membres plâtrés, kinésigraphe, scanner portable pour évaluer la déminéralisation osseuse, caisson à dépressurisation pour certains insuffisants cardiaques en attente de greffe, pompe à insuline implantables, holter pour l'enregistrement continu de l'activité électrique du coeur...


C. L'avenir de l'homme dans l'espace

À long terme, l'intérêt n'est pas la présence de l'homme en orbite terrestre. L'homme dans l'espace n'a vraiment de sens que pour l'exploration des autres planètes.

Il convient dès à présent de réfléchir à ce qui suivra la Station spatiale internationale, à partir de 2015.

Le programme très intéressant d'exploration de Mars élaboré par le CNES, en collaboration avec la NASA, ainsi que par l'ESA concerne les dix années à venir et ne peut donc raisonnablement inclure le vol d'astronautes vers cette planète. C'est à plus long terme que cette possibilité pourra être envisagée, lorsqu'auront été réglés les problèmes que pose la survie de l'homme dans l'espace et sur les planètes. Beaucoup de spécialistes entretiennent des doutes sur le fait que le niveau atteint par les techniques spatiales actuelles permette d'envisager qu'un programme d'exploration humaine de Mars puisse succéder directement au programme de Station spatiale internationale. En outre, l'adaptation de l'organisme humain à la microgravité n'est pas le plus critique des problèmes que posent le voyage spatial et l'exploration des planètes les plus accessibles mais cependant lointaines.

Les effets de la microgravité cessent en effet dès que ces planètes sont atteintes.

En revanche, les problèmes d'exposition aux rayonnements particulaires émis par les éruptions solaires demeurent. Les stations orbitales ne permettent pas de les étudier car elles se situent en orbite basse et sont protégées par le champ magnétique de la Terre, un champ dont la Lune et Mars sont dépourvus.

Une démarche intéressante serait donc de s'attaquer aux problèmes que pose la présence de l'homme sur un corps céleste dépourvu d'atmosphère et de champ magnétique. Il serait envisageable de commencer par le plus facile parce que le plus proche: la Lune.

Installer sur la Lune un observatoire occupé en permanence ou visité à intervalles réguliers aurait un intérêt scientifique et susciterait vraisemblablement plus d'enthousiasme dans le grand public que les stations orbitales. Ces aspects ont d'ailleurs été soulignés lors de la première convention de la Société des Explorateurs Lunaires (LUNEX) au début du mois de mars 2001.

Sous l'égide du Groupe de travail international sur l'exploration de la Lune (ILEWEG) et de l'ESA, cette société, composée de scientifiques, d'ingénieurs du secteur spatial et de jeunes a pour objectif de «jeter des passerelles entre les agences spatiales et le grand public pour faire connaître l'espace, l'exploration planétaire et en particulier la Lune».

L'exploration lunaire pourrait avoir un triple intérêt: tester de nouvelles techniques spatiales qui seraient utilisées ensuite pour des missions vers d'autres planètes, étudier les réactions de l'homme sur une planète dépourvue d'atmosphère et de champ magnétique, et offrir des occasions de recherche scientifique.

Sur ce dernier point, on peut donner deux exemples précis :

- Pour les planétologues, la Lune présente l'intérêt d'être née avec la Terre. On pense que notre satellite pourrait s'être constitué il y a 4,4 milliards d'années (soit une cinquantaine de millions d'années après les débuts de la formation du système solaire), par agrégation de débris créés par la collision d'un embryon de planète de la taille de Mars avec la Terre en cours de constitution.

Notre satellite naturel s'est refroidi très vite. Il conserve dans les cinq mètres de poussière (la régolithe) de son sol, toute la mémoire de cette période - le premier milliard d'années - qui, sur Terre, a été effacée par l'évolution géologique. Par carottage du sol, on pourrait donc connaître l'activité météoritique et cométaire qui a touché notre planète à ses débuts.

- De plus, les pôles abritent probablement de l'eau sous forme de glace, s'il faut en croire les résultats de deux missions américaines récentes, Clementine et Lunar Prospector. En 1994-95, la sonde Clementine avait cartographié la totalité du sol lunaire, permettant d'obtenir une carte globale des concentrations de fer et de titane dans le sol et de soupçonner la présence d'eau dans les régions polaires.

Lunar Prospector, en 1998-99, a vérifié et complété ces données. Cette deuxième sonde a en effet détecté, aussi bien au pôle nord qu'au pôle sud de notre satellite, des concentrations importantes d'hydrogène qui, selon les scientifiques, traduisent vraisemblablement la présence d'eau. Cette eau se trouverait, sous forme de glace, sous 40 cm de régolithe, et pourrait provenir de comètes qui se sont écrasées sur la Lune au cours des deux derniers milliards d'années.

Trois missions lunaires vont être réalisées d'ici 2005: Lunar-A (Japon-ISAS) et Selene-A (Japon-NASDA + ISAS) et SMART-1 (Small Missions for Advanced Research and Technology par l'ESA).

SMART-1, première des missions SMART de l'Agence spatiale européenne menées au titre du Programme scientifique Horizon 2000, sera lancée en octobre 2002, en tant que charge utile auxiliaire, sur une Ariane 5. Le premier objectif de cette mission est de tester en vol le système principal de propulsion hélio-électrique lors d'une mission vers la Lune, et de se préparer ainsi aux nouvelles technologies fondamentales nécessaires à la mission Bepi-Colombo que l'ESA lancera vers Mercure. SMART-1 sera également l'occasion de mettre à l'épreuve de nouvelles technologies concernant les satellites et les instruments. Ce sera la première fois que l'Europe enverra un véhicule spatial vers la Lune. Outre le fait que ce satellite dépendra d'un système hélio-électrique pour sa propulsion principale pour quitter la Terre et arriver sur la Lune, SMART-1 embarquera également à son bord un programme complet d'observations scientifiques sur orbite lunaire. Durant la phase de croisière à destination de la Lune, les instruments feront l'objet d'essais en observant la Terre et des cibles célestes. (...)

Lorsque l'exploitation de la Station Spatiale Internationale sera terminée et lorsque seront atteintes les limites des sondes automatiques et des supports robotiques, l'homme pourrait utilement envisager de retourner sur la Lune, ce qui pourrait constituer la première étape d'un programme d'exploration des autres planètes."

Notes
(16) Space flight is POLITICAL and DIPLOMATIC. The « show-off » factor and the symbolism have always been major motivations for government financing of major programs. For example, the goal of Project Apollo, to demonstrate American technological superiority was fully accomplished. Today, the International Space Station is a diplomatic tool to keep other potential spacecompetitors engaged in a project led by the United states. James E. Oberg - Space Power Theory
(17) Enhanced international cooperation should be sought, not only for its programmatic benefits, but also because it is the preferred way to influence the direction of future space undertakings around the world. "A post cold war assessment of US space policy", National Space Council. Décembre 1992.

Source: Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, La politique spatiale française: bilan et perspectives. Rapport d'information 293 (2000-2001), 2 mai 2001. Rapporteur: Henri Revol (site du Sénat de la République française)

Articles


Dossiers connexes




Articles récents