Cistercien
Né en Bourgogne, l'ordre de Cîteaux suscita l'établissement d'abbayes filles jusqu'en Irlande et en Italie. Dans chaque cas, les moines contribuèrent à l'assainissement des lieux (assèchement de marais, culture de la terre, etc.) et élevèrent des bâtiments remarquables par la pureté de leur lignes, l'économie des matériaux et la simplicité du plan d'ensemble.
Cîteaux, ses cinq premières abbayes filles (Fontenay, LaFerté, Pontigny, Morimond et Clairvaux) et les principaux monastères cisterciens au XIIIe siècle.
crédit: L'Encyclopédie de l'Agora, reproduction autorisée avec mention de la source
Le récit de la fondation de l'abbaye cistercienne de Clairvaux (1115) donne une idée des conditions dans lesquelles une nouvelle communauté s'établissait.
«Il [l’abbé Étienne] mit à leur tête en les envoyant dom Bernard [Bernard de Clairvaux], en qualité d'abbé, à leur grand étonnement sans doute, attendu qu'ils étaient tous des hommes mûrs et aussi distingués dans la profession religieuse que dans le monde, et qui craignaient pour Bernard, soit son extrême jeunesse, soit sa faible constitution, et son peu d’habitude des travaux corporels. Clairvaux, situé dans le diocèse de Langres, non loin de l'Aube était un ancien repaire de brigands appelé autrefois la vallée de l’Absinthe, soit à cause de l'abondance avec laquelle cette plante croît en ces lieux, soit à cause des amères douleurs de tous ceux qui venaient à tomber entre les mains des brigands qui y avaient fixé leur séjour. C'est donc là, dans ce lieu d'horreur, dans cette profonde solitude que s'arrêtèrent ces hommes pleins de courage, dans la pensée d'y faire d'une caverne de voleurs un temple à Dieu, une maison de prière. Ils y servirent Die pendant quelque temps avec simplicité, dans la pauvreté d'esprit, dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité, et dans des veilles nombreuses. Leur nourriture la plus ordinaire se composait de feuilles de hêtre. Au lieu du pain dont parle le prophète, ils avaient un pain d'orge, de mil et de vesce, un pain tel qu'un jour un religieux s'en voyant servir un morceau dans l'hôtellerie, se mit à fondre en larmes et l'emporta avec lui pour le montrer à ses frères, parce que c'était une chose extraordinaire que des hommes, et quels hommes, vécussent d'un pareil pain.»1
(...) «C'était l'âge d'or de Clairvaux ; il fallait voir alors ces hommes pleins de vertu; qui avaient naguère été comblés d'honneurs et de richesses dans le monde, se glorifier dans la pauvreté de Jésus-Christ, et planter l'Église de Dieu dans leur sang, dans les travaux et les fatigues, dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité, dans les herséctttions, les opprobres et les angoisses sans nombre, et préparer à Clairvaux la paix et l'abondance dont il jouit maintenant. En effet, ces hommes pensaient qu'ils ne vivaient point pour eux, mais pour Jésus-Christ et pour les religieux qui devaient venir servir Dieu dans cette maison, et ils ne comptaient pour rien tout ce qui leur manquait, pourvu qu'il pussent laisser à ceux qui viendraient après eux de quoi subvenir à leurs besoins, et à la conscience de la pauvreté volontaire pour Jésus-Christ. A première vue, ceux qui arrivaient à Clairvaux, par le revers de la montagne, reconnaissaient Dieu clans ces demeures, car cette vallée, dans son muet langage, annonçait hautement par la simplicité et l'humilité des édifices qu'on y voyait, la simplicité et l'humilité des pauvres de Jésus-Christ, qui y avaient fixé leur demeure. En effet, dans cette vallée toute remplie de monde, il n'était permis à personne de mener une vie oisive ; tous travaillaient, et chacun était occupé à l'œuvre qui lui était prescrite. En plein jour c'était le silence du milieu de la nuit, et, quand on arrivait dans cette vallée, on n'entendait que le bruit du travail ou des louanges de Dieu, si les frères étaient occupés à les chanter. Cette pratique et cette réputation de silence produisaient un tel effet sur les gens du monde qui venaient visiter ces lieux, qu'ils n'osaient, par respect, s'y permettre, je ne dis point des entretiens oiseux ou inconvenants, mais même des actions tant soit peu déplacées.»2
1. Vie et Gestes de Saint Bernard, Livre premier, par Guillaume, religieux de Ligny, Chapitre V
tiré des Œuvres complètes de Saint Bernard, Traduction Nouvelle par M. l’Abbé Charpentier, Paris, Librairie de Louis Vivès, Paris, 1866 (source en ligne)
2. Ibid, Chapitre VII