Une nouvelle guerre contre les pauvres ? - Partie 1

Stéphane Stapinsky

Alors que plusieurs pays du monde sont encore affectés par la récession, on s’attendrait à ce que les politiques publiques et l’attitude des populations de ces pays soient davantage empreintes de compassion. C’est l’inverse qu’on observe et la perception qu’a la population des personnes les plus démunies, sans-emploi et assistés sociaux, est plus dure que jamais. Cet article en deux volets cherche à comprendre pourquoi. 

I can't recall a time

So many children had the blues

(...) 
It was so hard to keep the faith
(...)
Most get less and less
While just a few get more and more
Time is getting tight
The wolf is in the door
And I can't recall a time…
Michael Hill, bluesman, « Can’t Recall A Time » (*)


Le titre de cet article vous paraîtra peut-être exagérement sensationnaliste. Vous vous interrogerez sur sa pertinence, car, selon ce que vous observez, les pauvres ne sont pas si mal traités dans nos sociétés. Surtout si l’on compare avec le passé, et avec le reste du monde. Après tout, notre État-providence (ou ce qu’il en reste) les assiste en cas de difficultés et les organismes de charité font le reste du travail.

Cependant, tout est-il vraiment si rose pour les pauvres? Si je parle de « nouvelle guerre » (et l'on trouvera peut-être la formule un peu forte), c’est qu’il y a déjà eu guerre par le passé. En fait, l’étude de l’histoire nous conduit à penser que c’était même une constante à toutes les époques. Dans les sociétés d’antan, le pauvre, le miséreux, le vagabond, est quelqu’un que l’on craint, que l’on hait même, qu’il faut mater de diverses façons, qu’on enfermera, violentera ou affamera, s’il le faut. On tentera même d’empêcher qu’il ne se reproduise (voir texte sur eugénisme). En même temps, certes, les églises, les mouvements charitables, certaines législations timides tentèrent de lui porter secours et d’atténuer l’opprobre jeté sur lui.

En fait, depus le  moyen âge, selon Bronislaw Geremek, l’histoire oscille « entre deux pôles : il y avait le social d’assistance - le social qui demandait assistance à l’égard des pauvres - et il y avait le social répressif, le social qui proposait la répression comme une cure contre la maladie sociale appelée vagabondage, appelée misère ou pauvreté. » (1)

Dans la seconde moitié du XXe siècle, avec la mise en place de l’État-providence, on peut estimer qu’une trève dans cette répression contre le pauvre est intervenue. À tout le moins dans le discours et les politiques publiques. La sécurité sociale fut instaurée. Le pauvre, le sans-emploi était au moins jugé digne d’être soutenu. Était dorénavant à l’ordre du jour la guerre contre la pauvreté (« War on Poverty », tel était le nom donné au plan gouvernemental mis en œuvre dans les années 1960 par le président Johnson aux États-Unis), et non plus la guerre aux pauvres. 

Mais avec l’emprise croissante du néo-libéralisme sur les élites dirigeantes, à partir des années 1980, et le démantèlement de l’État-providence que celui-ci met de l’avant en priorité, on dirait que nous assistons à un retour du passé. L’économiste John Kenneth Galbraith a écrit en 1985, donc en pleine période reaganienne, un article qui a fait date sur les stratégies mises en œuvre par les classes possédantes pour nier la réalité de la pauvreté et pour limiter les efforts visant à son éradication. Des stratégies qui renouent avec certaines recettes développées du XVIIIe au début du XXe siècle.

Un durcissement à l’égard des sans-emplois et des assistés

Depuis le début de la crise de 2007-2008, la pauvreté et la misère sont en hausse constante dans les pays occidentaux. Et il ne semble pas que cela soit près de se résorber. On aurait pu s’attendre à ce que ce contexte difficile favorise la compassion, suggère la mise en place de nouvelles structures d’assistance à l’endroit des plus vulnérables. C’est tout le contraire en fait qui s’est produit, c’est le moins qu’on puisse dire.  

Il y a toujours eu, parmi les critiques de l’État-providence, des gens ou des mouvements pour suggérer la poigne à l'égard des sans-emploi et des assistés sociaux. Jusque-là, les gouvernements maintenaient le cap. Mais aujourd'hui, ceux qui s’opposent à la bonification et même à la simple préservation des acquis de la protection sociale sont de moins en moins l'exception. D’après les sondages, une bonne partie de la population des pays que nous allons examiner, est de plus en plus hostile aux assistés sociaux et aux sans-emploi, qui sont de plus en plus perçus comme des profiteurs du système. Les gouvernements tiennent davantage compte de cette hostilité, que répercutent et alimentent certains médias sensationnalistes. Pour paraphraser le vocabulaire de l'Église catholique, il n'y a plus guère aujourd’hui d’ « option préférentielle » pour les pauvres, les sans-emploi et les assistés, de la part des partis dominant la scène politique dans les principaux pays occidentaux.

Il semble bien que toute décence, tout sens de la mesure aient disparu de la scène politique de nos sociétés. Il est devenu légitime de dire aujourd’hui les pires inanités sur les plus démunis, sans encourir de sanctions. La haine du pauvre est encore l’un des seuls « racismes », l’une des seules discriminations qui reste assez bien tolérée socialement. Les hommes politiques et les administrations publiques peuvent imposer au pauvre les pires vexations, des humiliations que refuseraient de subir le commun des mortels au nom des droits de l’homme, mais qui sont présentées dans bien des médias comme parfaitement acceptables. C’est un peu comme si les forces de haine contre le pauvre, mises en réserve, contenues pendant un temps par l’État-providence, mais non pas disparues, éliminées, avaient désormais libre cours pour se déchaîner.


LES CONSTATS

Quatre pays… des tendances communes

Afin de démontrer ce point et surtout d’en comprendre les raisons, nous considérerons le cas des quatre pays suivants : Canada/Québec, bien sûr, France, mais surtout États-Unis et Royaume-Uni, où le radicalisme dans la lutte contre toutes les mesures de protection sociale mises en place jusqu’ici atteint son paroxysme et est le fait de partis politiques occupant le devant de la scène.

Canada

Sur la scène fédérale canadienne, le gouvernement conservateur de Stephen Harper, devenu majoritaire en 2011, impose un agenda de droite fortement inspiré des républicains américains. Prenant prétexte de la crise des finances publiques consécutive à l'adoption de programmes de sauvetage et de stimulation économique durant la période 2009-2011, il procède actuellement à un programme de coupes budgétaires tous azimuts qui est en grande partie motivé par des visées idéologiques, en même temps qu’il accorde des baisses d’impôt à la grande entreprise et aux plus fortunés. Certains libertariens associés à ce gouvernement, comme le député de Beauce Maxime Bernier (dont on dit qu’il clame tout haut ce que le gouvernement pense tout bas), mettent même de l’avant l’idée d’un retrait complet du gouvernement fédéral du « welfare ». Au début de 2013, le gouvernement Harper a procédé à une réforme de l’assurance-emploi, qui durcit les conditions d’inscription au régime et soumet les prestataires à des contraintes plus sévères.

Québec

Au Québec, à l’automne 2012, le Parti québécois a succédé aux commandes de l’État au Parti libéral dirigé depuis 2003 par Jean Charest. Le gouvernement de Pauline Marois, minoritaire, avait promis, avant son élection, de réviser la fiscalité afin de mettre à contribution les mieux nantis dans la société. Cette promesse ne fut pas tenue, en raison des pressions exercées par le milieu des affaires. Le nouveau gouvernement, au vu de l’état inquiétant des finances publiques révélé par un examen attentif des comptes, a mis en œuvre un programme d’austérité budgétaire, qui le mena, notamment, à réformer partiellement le programme d’aide sociale, dans un sens restrictif pour certaines catégories de bénéficiaires (même si, par ailleurs, certaines légères bonifications affecteront positivement la situation d'autres personnes).

France

L’élection, en juin 2012, du socialiste François Hollande comme président de la République française, a mis fin à un règne ininterrompu de 18 ans de la droite à la plus haute magistrature du pays. Le nouveau président avait été élu avec un programme visant à mettre au pas la finance, responsable de la crise de 2007, et demandant un effort supplémentaire aux plus riches afin de sortir le pays de la crise dans laquelle il est embourbé. Un an plus tard, les promesses de François Hollande ont été reniées les unes après les autres, et son administration fait l’objet des plus vives critiques de part et d’autre du spectre politique. Plus le temps passe, et plus les ruptures avec l’administration précédente de Nicolas Sarlozy, notamment en matière économique, paraissent moins importantes que les continuités (bien sûr, du point de vue des réformes « sociales », comme le mariage pour tous, la rupture est complète; c’est, au fond, désormais la seule chose qui différencie la droite et la gauche, ainsi que le soutient Jean-Claude Michéa ). Rappelons que, durant son quinquennat, Sarkozy avait fait de la lutte contre l’assistanat un de ses principaux chevaux de bataille. S’il avait été réélu en 2012, il entendait consulter la population française sur l’instauration du travail obligatoire pour les chômeurs – le « workfare » qui existe déjà aux Etats-Unis.

États-Unis

Ces dernières années, aux Etats-Unis, sont caractérisées par un affrontement entre un président démocrate, Obama, et une Chambre des représentants dominée par des Républicains décidés à s’opposer à lui et à ses politiques par tous les moyens. En ce moment, faute d’entente entre les deux principaux partis au sujet d’un budget, c’est le régime du « Séquestre » qui s’applique, avec son programme de coupes budgétaires obligatoires de 85 millards de dollars pour 2013. En raison de celles-ci, des milliers de familles vont se retrouver au chômage, ou privées de couverture santé. Des programmes sociaux seront abolis. Le soutien aux États et aux autorités locales sera amputé. Les plus démunis de la société sont particulièrement touchés par ces restrictions budgétaires. «Partout en Amérique, les banques alimentaires et les centres communautaires qui s'occupent des pauvres doivent licencier du personnel, réduire leurs services, sinon mettre la clé dans la porte. Mais la plupart des Américains ne savent rien à ce sujet parce que les pauvres vivent dans des lieux distincts de ceux qu’habite la classe moyenne. Le « Séquestre » heurte de plein fouet, mine de rien, sans que personne ne s’en rende compte, avec des coupes furtives, les pauvres cachés de l’Amérique. » (2)

La pauvreté affecte de nombreux enfants aux États-Unis

Source : gouvernement américain

Lors de la dernière campagne présidentelle, le candidat républicain Mitch Romney avait promis, advenant son élection, de sabrer dans les prestations sociales et les programmes de l’État-providence. En même temps, il entendait baisser l’impôt payé par les plus riches, ce qui selon lui favoriserait la croissance économique du pays. Une position évidemment niée par la réalité des faits : « Les riches ne font des investissements créateurs d'emplois que lorsqu’ils jugent que ces investissement les enrichiront davantage – et non pas simplement parce que le Congrès leur donne un allégement fiscal sans aucun lien avec la création d'emploi. Aujourd'hui, entreprises et investisseurs ne font qu’entasser les sommes correspondant à ces baisses d'impôt et sont assis sur "la ligne de côté" avec des trillions de dollars en espèces. » (3) 

Son colistier Paul Ryan, un catholique vouant un culte à la grande prêtresse libertarienne Ayn Rand (!!!), se faisait une mission de sortir les pauvres et les assistés de l’état de dépendance dans lequel les aurait plongé l’État-providence. Il reprend là une vieille antienne dénoncée il y a 30 ans par Galbraith dans son fameux article : « La deuxième méthode s’inscrivant dans cette grande tradition séculaire consiste à expliquer que toute forme d’aide publique aux indigents serait un très mauvais service à leur rendre. Elle détruit leur moral. Elle les détourne d’un emploi bien rémunéré. Elle brise les couples, puisque les épouses peuvent solliciter des aides sociales pour elles-mêmes et leurs enfants, une fois qu’elles se retrouvent sans mari. Il n’existe absolument aucune preuve que ces dommages soient supérieurs à ceux qu’entraînerait la suppression des soutiens publics. Pourtant, l’argument selon lequel ils nuisent gravement aux déshérités est constamment ressassé, et, plus grave, cru. C’est sans doute la plus influente de nos fantasmagories. » (4)

Dans le cas des Républicains, et en particulier de Ryan, l’argument est teinté d’hypocrisie. En effet, « (…) comment l'argument de la dépendance peut-il justifier les coupures dramatiques que Ryan propose dans l’aide apportée à ceux qui sont trop vieux, trop jeunes, ou trop malades pour travailler? Ou les coupures dans les programmes de formation qui aident les pauvres aptes au travail à se qualifier pour un emploi afin qu'ils puissent vivre et faire vivre leur famille? ») (5) 

Royaume-Uni

Un commentateur a écrit : « De la « révolution conservatrice » initiée par Margaret Thatcher à la Big Society du gouvernement de David Cameron, le Royaume-Uni a souvent été présenté comme un «laboratoire» de l’innovation politique. » (6)

On peut affirmer qu’aujourd’hui, ce pays est un véritable laboratoire du néo-libéralisme où l’on procède à la destruction méthodique et systématique du secteur public et de ce qu’on appelle l’État-providence. Comme l’écrivait unautre analyste, l’actuel gouvernement réalise des réformes auxquelles même Margaret Thatcher n’aurait pas rêvé. C’est tout dire. 

Au Royaume-Uni, la coalition dirigée par le Parti conservateur de David Cameron a pris le pouvoir en 2010 en mettant de l’avant un projet de « Big Society », qui impliquait une redéfinition du rôle de l’État et une décentralisation des services et des pouvoirs au niveau local. Pour être honnête, cette « Big Society », même si elle tient toujours lieu de programme officiel du gouvernement, a en fait été remplacée par un programme ultralibéral radical (les critiques les plus acerbes de la Big Society affirment qu’elle n’a été qu’un paravent idéologique à un tel programme). La « rétrogradation » et la mise à l'écart, à l’automne 2012, de Phillip Blond, qui était conseiller de David Cameron et le principal concepteur de la Big Society, et son remplacement par une équipe de thatchériens confirment ce virage. Qui a été proclamé solenellement par le leader conservateur, lors de la mort de l'ancien Premier ministre : « Nous sommes tous des thatchériens ! »

« Bush avait déclaré la guerre au terrorisme, Blair avait déclaré la guerre au crime et c'est comme si Cameron avait déclaré la guerre au secteur public. » (« Bush declared war on terror, Blair declared war on crime and it’s like Cameron has declared war on the public sector. »), a-t-on pu lire sur un site. Une politique de privatisation de très large étendue a été mise en œuvre par le gouvernement. C’est comme si, hormis la défense et la justice, tout était à vendre. On ne semble pas avoir tiré les leçons des ratés de la nationalisation des chemins de fer dans les années 1990, qui suscite encore aujourd’hui bon nombre de critiques dans la population. Bien des gens se plaignent par ailleurs de ce que leurs factures de gaz, d’électricité et d’eau ont augmenté considérablement depuis la privatisation de ces services.

Le système de santé, l’éducation, la Poste royale, les biens immobiliers publics, même les autoroutes et certaines tâches effectuées par la police, tout sera mis sur le marché et adjugé au plus offrant. De plus, prenant prétexte d’une dette énorme et de déficits entraînés par la crise, le gouvernement Cameron procède à des coupes budgétaires dans les programmes du gouvernement, qui affectent tout le monde et ont des conséquences funestes pour les plus vulnérables de la société.

Au total, le gouvernement de coalition sabrera 81 milliards de livres sterling dans les dépenses publiques sur une période de quatre ans. Le budget des organismes gouvernementaux sera réduit en moyenne de 19 %. Celui consacré à de nouveaux logements sociaux serait réduit drastiquement de 60 %. Le secteur communautaire verra pour sa part son financement amputé de 5 milliards de livres et des coupes de 110 millions de livres affecteront plus de 2 000 organismes de bienfaisance. Les budgets des collectivités locales a été réduit de plus du quart en 2010-11, ce qui a eu pour conséquences des réductions de personnel de l’ordre de 10 à 20 % et une réduction généralisée des services à la population. (7)

Le gouvernement britannique a mis en œuvre « «probablement la plus importante réforme» du système de prestations sociales dans le pays «depuis la Seconde Guerre mondiale», selon l’Institut pour les études économiques (IFS), centre de recherches britannique indépendant. La justication principale de cette réforme en est une d’économie budgétaire : on souhaite épargner 21 milliards d’euros d’ici 2015. (8). Parmi les mesures principales, mentionnons : une rationalisation et réduction des allocations, l’instauration d’un crédit universel unique, un plafond annuel de 26 000 livres par famille, une refonte de l’aide au logement, une limite de 1 % par an comme hausse des prestations sociales, un durcissement de l’allocation versée aux handicapés, une taxe de sous-occupation (« Bedroom tax »). Des mesures plus contraignantes de retour à l’emploi seront mises en œuvre, et ceux qui refuseront un emploi qui leur serait proposé se verront menacés de perdre leurs allocations pour une période de 3 ans. Il est possible que, dans un proche avenir, certaines mesures dont bénéficient les personnes âgées, telles l’allocation pour le chauffage en hiver, la gratuité de certaines "licences" de la télévision, du transport en autobus, des examens pour les yeux, soient remises en question (9). 

Affiche électorale du Parti conservateur dirigé par David Cameron

Afin de justifier sa réforme, le premier ministre Cameron use d’arguments qui nous sont bien connus. « Elle doit également remettre "la justice" au coeur de l’État-providence, insiste le Premier ministre conservateur, (...) dénoncant le fait que vivre des aides sociales soit devenu "un choix de style de vie". » (Le Devoir). La même réponse que nous apportions au sujet des arguments invoqués par Paul Ryan peut lui être apportée.

Même si les milieux de droite en Europe et ailleurs applaudissent la politique de Cameron, qui est vu par plusieurs comme le nouveau Thatcher (voir, par exemple, cet éloge de François d’Orcival, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, directeur de la revue libérale Valeurs actuelles et l’un des plus féroces doctrinaires libéraux en France (10)), les églises du Royaume-Uni et les organismes oeuvrant pour les plus démunis sont mieux à même de constater l’impact réel de l'action du gouvernement : « Au final, neuf familles sur dix vont perdre de l’argent (…). "Les foyers les plus pauvres seront les plus touchés", prévient l’organisation Crisis, qui parle de réforme aux effets "dévastateurs" avec pour conséquences "de la misère, des pièces froides, des files d’attente encore plus longues aux banques alimentaires, des familles brisées, des loyers non payés et encore plus de gens sans abri". » (11)

Selon les données les plus récentes du ministère britannique du Travail et des Retraites, 5,6 millions d’adultes aptes au travail (soit 15 % du total de cette catégorie) et 1,9 million de retraités (16 % du total) vivent dans une situation de pauvreté relative, en se basant sur les revenus moyens de l’année dernière. Mais, le journal The Guardian, établissant des calculs à partir du revenu disponible moyen de l’année 2010-2011 pour calculer le niveau de pauvreté relative, obtient des chiffres légèrement supérieurs : 6,1 millions d’adultes (17 %) et 2,1 millions de retraités (18 %) (12).

On peut légitimement être sceptique face aux arguments invoqués par le gouvernement pour justifier ses coupes dans l’aide sociale et le soutien aux sans-emplois. En effet, s’il ne s’agit que de ramener le plus grand nombre possible de gens au travail, pourquoi imposer le couperet à l’aide dont bénéficient les handicapés ? Selon l’organisme de bienfaisance Scope, « certaines personnes feront face à des coupures de 131 £ par semaine. Il estime que 600 000 personnes handicapées perdraient un total de 2,62 millards de livres sterling en prestations au cours des cinq prochaines années (…) » (13).

Pendant que toutes ces mesures affectent négativement la partie la plus fragile de la population du pays, le gouvernement, suivant là une tendance qu’on observe dans la plupart des pays développés, baisse le taux maximal d’imposition des plus fortunés (les revenus dépassant £150,000), qui passe de 50 à 45 pour cent : « (…)13 000 millionnaires reçoivent des réductions d'impôt moyennes de £ 100 000, tandis que ceux qui gagnent 5 millions de livres par an bénéficient d'une baisse de £ 250,000; la perte pour les familles les plus pauvres sera par ailleurs de £ 891 ».(14) David Cameron a peut-être initié une fronde contre l’évasion fiscale à l’occasion du récent sommet du G8 dont il était l’hôte, toujours est-il que le Royaume-Uni, avec ses dépendances territoriales, demeure encore à ce jour un paradis fiscal…


Un gouvernement du peuple ou d’une partie du peuple ?

Des réformes majeures semblent à l'ordre du jour, au sein de plusieurs formations politiques importantes, dans certains pays occidentaux. Le but principal visé par ces projets de réforme en est un de gros sous, soit une diminution significative des dépenses en matière de sécurité sociale  -- et une diminution correspondante du budget des États. A l’appui de cette politique, on invoque la dépendance que créerait l’assistanat et l’effet négatif que les politiques de l’État-providence auraient sur la volonté de chercher un emploi de bien des prestataires.

Cette façon de voir, il importe de le noter, est partagée tant à droite qu’à gauche de l’échiquier politique. Au Royaume-Uni, le New Labour de Tony Blair, théoriquement à gauche, avait déjà réformé l’aide sociale en la rattachant étroitement au développement d’une éthique du travail. Et le leader actuel de ce parti, Ed Miliband, a déclaré ces jours-ci que s’il était porté au pouvoir, il maintiendrait un plafond pour les dépenses de sécurité sociale. Il souhaite par ailleurs introduire une dimension contributoire dans le système d'aide aux chômeurs.

 Aux États-Unis, c’est sous la présidence de Bill Clinton, rappelons-le, que le régime d’aide sociale proprement dit a été démantelé. Quels en furent les effets les plus immédiats : « A l’échelon fédéral, le droit des enfants pauvres à recevoir un soutien du gouvernement a été aboli. Des exigences strictes quant à la recherche d’emploi ont été mises en place pour les bénéficiaires de l’assistance publique, et des limites ont été fixées à la durée pendant laquelle cette aide peut être accordée. Une telle politique a fait en sorte d’abandonner les plus vulnérables parmi nos concitoyens. » (15) 

En France, le gouvernement actuel de gauche a mis en place une réforme du marché du travail qu’aurait pu adopter également un gouvernement de droite. Au Canada, même si le Parti libéral fédéral cherche à se distinguer du gouvernement conservateur, par le passé, ce même Parti libéral a appliqué des politiques d’austérité qui ont porté préjudice aux plus pauvres et aux travailleurs (notamment lors d’une réforme antérieure de l’assurance-emploi). Au Québec, la situation c’est le plus souvent, pour ce qui est des deux principaux partis politiques, blanc bonnet et bonnet blanc en matière d’aide sociale et d’aide aux plus démunis. Le Parti québécois, réputé plus à gauche, a souvent eu, dans les faits, une politique de droite sur la question, notamment sous la gouverne de Lucien Bouchard. Et, en cette année 2013, c’est le même Parti québécois qui réforme partiellement l’aide de dernier recours, à laquelle ne s'étaient pas attaqués les libéraux, plus à droite.

Donc, sur cette question, comme sur une foule d’autres, il existe, entre les principaux partis qui prennent alternativement le pouvoir, un consensus, et ce consensus respecte évidemment la prééminence de l’économie de marché dans nos sociétés.

Une autre évolution assez troublante est survenue au cours des dernières années. Troublante, parce qu’elle tend à remettre en question l’idée que ceux que nous élisons, ceux qui nous dirigent, même s’ils sont portés au pouvoir par une petite partie de l’électorat, représentent, une fois élus, l’ensemble de la population d’un État, l’ensemble du corps social. En effet, ce que nous pouvons observer, depuis quelques années, c’est la création de partis politiques, ou l’élection de nouveaux leaders à la tête de formations déjà existantes, qui affirment ne représenter qu’une partie de l’électorat, qu’une partie du corps social, ou certaines classes sociales en particulier. 

J’avoue que j’ai été estomaqué par les propos du candidat républicain Mitch Romney, lors de la dernière campagne américaine. Lors d’une intervention faite devant des partisans et enregistrée à son insu, il disait, en résumé, ne rien attendre des 47 % d’Américains qui voteront pour le président quoi qu'il arrive, ces 47% « qui croient qu’ils sont des victimes, qui croient que le gouvernement a la responsabilité de s'occuper d'eux. Qui croient qu'ils ont droit à des soins de santé, à de la nourriture, à un logement » et qui « n’assument aucune responsabilité personnelle et sont incapables de prendre eux-mêmes en main.» (16). Ce n’est pas tant la charge agressive contre les assistés qui m'a troublé (elle ne me surprenait pas), que la tendance à diviser la population du pays entre deux groupes opposés : les travailleurs, d’un côté, et les assistés et les pauvres de l’autre. En tant que président, il estimerait ne représenter en fait que les 53 % qui travaillent.

Au Canada, avec l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir, nous avons pu constater un pareil phénomène, même s’il n’était heureusement pas d’une ampleur comparable. Dans ses discours électoraux, le Premier ministre conservateur s’adressait en effet souvent aux « hard-working families », aux familles « qui travaillent dur ». A-t-il mentionné les plus pauvres de la société dans ses discours? Je ne saurais le dire, mais je doute que cela soit une de ses thématiques favorites. Toujours est-il que les conservateurs sont fréquemment accusés de ne gouverner qu’en fonction de leur seul électorat, sans tenir compte de la diversité de l’opinion publique. Ce reproche n’est pas sans fondement.

Au Royaume-Uni, le gouvernement Cameron a poussé à son paroxysme, dans le discours public, la division de la société entre les « hard working people » et ceux qu’il présente comme les profiteurs du système de protection sociale (les « strivers » et les « shirkers », ceux qui luttent et travaillent fort et ceux qui fuient tout travail et toute responsabilité). J’y reviendrai plus en détail dans une prochaine section.

Au Québec, les partis majoritaires tiennent heureusement un discours plus inclusif. Toutefois, l’Action démocratique du Québec, qui a été pendant quelque temps l’opposition officielle, se présentait avant tout comme le parti des classes moyennes (le parti de ceux qui « payent des taxes ») et avait, face aux assistés sociaux, des vues se rapprochant de celles défendues par la droite américaine, notamment quant à la mise en place d’un système de « workfare ».

La politique française a ceci de particulier que les formations politiques qui gouvernent le pays ont tendance à revendiquer leur emprise, selon le cas, sur « le peuple de gauche » ou « le peuple de droite ». Cette politique, très clivée, fait en sorte que l’électorat de droite ou de gauche a de la difficulté à s’identifier à une présidence du camp opposé. Les déclarations de François Hollande, sur le fait qu’il n’« aimait pas les riches », jumelées à une politique visant les hauts revenus, n’étaient sûrement pas faites pour créer un climat de confiance. Par ailleurs, pendant son quinquennat et lors de la dernière campagne électorale, l’ex-président Sarkozy avait à plusieurs reprises salué « La France qui se lève tôt », la France du « vrai » travail, en l’opposant à celle « de l’assistanat », des déclarations qui n’étaient pas faites non plus pour ramener l’harmonie dans le pays.

Des mesures extrêmes qui bafouent souvent les droits les plus élémentaires de la personne

Un constat s’impose. L’attitude des gouvernements à l’égard des sans-emplois et des assistés s’est durcie au cours depuis le début de la crise. La tendance est aujourd’hui à exiger quelque chose de la part de l’assisté ou du chômeur, en retour de l’argent qu’on lui verse. Bien sûr, cette tendance n’est pas nouvelle. Aux Etats-Unis, il y a belle lurette qu’une forme de « workfare » est appliquée. Bien avant la crise. Au Canada, pour pouvoir bénéficier des prestations de l’assurance-emploi, il a toujours fallu faire la preuve d’une recherche active d’emploi. La réforme récente du gouvernement Harper ne fait que mettre davantage de pression sur le chômeur.

On pourrait débattre du fait qu’à notre époque, être chômeur ou assisté, c’est, de facto, en raison des nombreux contrôles qui sont effectués, perdre son droit à la vie privée. En effet, pour pouvoir obtenir des prestations, vous devez vous mettre littéralement à nu devant des fonctionnaires qui vont examiner chacun des aspects de votre vie personnelle, matrimoniale, financière. Si vous n’acceptez pas de vous y soumettre, on refusera votre demande. Si vous êtes admis à recevoir des prestations, on continuera à surveiller votre vie, en faisant enquête sur vous au besoin, en interrogeant vos voisins, vos proches, afin de voir si vous n’abusez pas du système. De tout ce processus naît le plus souvent un sentiment d’humiliation. Il y aurait bien des choses à dire sur cet aspect de la question, mais lorsque je parle de « durcissement » des politiques, cela va bien au-delà.

Je veux faire référence à un certain nombre de mesures, qui sont introduites par les administrations, afin de punir certaines catégories d’assistés ou d’assortir l’octroi des prestations à des conditions qu’on peut juger draconiennes.

Je donnerai, afin que l’on saisisse mon propos, un certain nombre d’exemple. Que le lecteur ne se surprenne pas. Plusieurs de mes exemples sont tirés de l’« expérience » en cours dans ce laboratoire social qu’est devenu le Royaume-Uni.

Il est tout à fait banal maintenant, de forcer les chômeurs à accepter des emplois, même ceux qui ne correspondent pas à leur formation ou à leur profil professionnel. La réforme de l’assurance-emploi du gouvernement Harper s’engage dans cette voie d'une manière feutrée. Certaines réformes, au Royaume-Uni, envisagées par le ministre du Travail et des Pensions, Iain Duncan Smith, iraient par contre beaucoup plus loin. On pourrait alors parler véritablement de "workrare". Les chômeurs devraient désormais se porter volontaires pour un travail communautaire, en retour duquel ils recevraient leur allocation de chômage. S’ils refusaient de le faire, leurs prestations pourraient être coupées pour un minimum de trois mois, et pour six mois s’il s’agissait d’une récidive (17).

L’ancien président français, avant la dernière élection présidentielle, jonglait avec une idée semblable : « Dans sa récente interview au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy avait estimé que toute personne au chômage devrait choisir une formation qualifiante à l'issue de laquelle elle serait tenue d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel elle aurait été formée. Il avait dit "réfléchir à l'opportunité" d'un référendum pour que les Français donnent leur opinion sur ce système d'indemnisation. » (18)

Au Québec, en 2007, l’Action démocratique du Québec, alors dirigée par Mario Dumont, projetait, dans l’éventualité où elle formerait le gouvernement, de s’engager dans cette voie. On « ferait signer aux personnes aptes au travail un «contrat prestataire-État», signature conditionnelle pour recevoir toute prestation. Le contrat énoncerait clairement «qu'il s'agit d'une aide temporaire» et décrira «la marche à suivre pour réintégrer le marché du travail». La violation du contrat entraînerait des pénalités. » (19) Cette idée de contrat est aussi actuellement dans l'air au Royaume-Uni : « Un nouveau contrat pour les demandeurs d’allocation de chômage est au cœur de la réforme du crédit universel. Les demandeurs devront signer un contrat dans lequel ils s'engagent à chercher du travail en échange d'un engagement du gouvernement à les soutenir pendant qu'ils le font. » (20)

Ce « workfare » semble avoir de l’avenir devant lui, même si on ne peut qu’en constater les effets négatifs, sur le plan social, là où il est appliqué : « En matière d’inégalité (entre couches sociales, entre qualifiés et moins qualifiés, entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux), force est de reconnaître que les pays où la version la plus punitive et rigoureuse des réformes d’activation a été mise en œuvre sont aussi ceux (les États-Unis, la Grande Bretagne) où les inégalités se sont le plus accrues, nettement plus que dans les pays continentaux, sans parler des pays scandinaves. » (21)

Une forme de contrôle assez humiliante peut être imposée aux assistés sociaux. Celle de voir leurs dépenses strictement vérifiées. C’est le cas en Angleterre. Afin qu’ils ne puissent utiliser leurs prestations pour acheter de l’alcool, des cigarettes et autres produits « néfastes » pour leur santé, on versera celle-ci au moyen d’une carte de crédit spéciale avec laquelle ils « (...) ne seraient en mesure de payer que pour des articles «prioritaires», tels que la nourriture, le logement, l'habillement, l'éducation et les soins de santé ». Le gouvernement britannique veut faire en sorte que « les parents qui ont des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie ne puissent utiliser leurs prestations d'aide sociale afin de nourrir leur « addiction ». (22)

Les assistés sociaux qui sont parents de jeunes enfants dans l’État américain du Tennesse ont eu chaud. Un projet de loi avait été présenté à la législature en début d'année afin de les forcer à s'assurer que leurs enfants réussissent leur année scolaire, sans quoi leurs prestations auraient pu être amputées de 30%.  A la suite des nombreuses critiques faites contre ce projet de loi d'une rare insensibilité, le sénateur républicain Stacey Campfield, qui en était le parrain, a décidé de le retirer du feuilleton, au début d’avril, avant le vote prévu au Sénat. (23)

Toujours aux États-Unis, certains Républicains jonglent même avec l'idée de taxer leurs concitoyens les plus démunis. Il y a quelques années, le Wall Street Journal avait lancé le débat, en qualifiant ces derniers, sans rire, de « lucky duckies » (« les petits veinards »), une expression qui fait maintenant partie du débat fiscal aux États-Unis.(24) On se demande bien ce qu’on pourrait bien exiger de ces « lucky duckies » afin qu’ils puissent remplir leur devoir fiscal. Comme Shylock, une livre de chair sans doute… Je ne vois pas ce que ces personnes aux limites de la survie pourraient donner d’autre…

En Angleterre cette fois. Le climat d’intolérance absolue à la fraude en matière de prestations d’aide sociale fait que l’on préconise ouvertement l’usage du détecteur de mensonges afin de découvrir ceux qui profitent du système. Un tel appareil est d’ailleurs entré en fonction au conseil de la ville de Cornwall. (25)

Certaines clientèles sont visées tout particulièrement par des mesures de fermeté.

Au Royaume-Uni, le gouvernement aurait identifié 120 000 « familles à problème », à la suite des émeutes de 2011. Une chose est claire : il refuse de les traiter comme « des victimes ». Qu’est-ce à dire? Emploiera-t-on la manière forte avec elle, une approche coercitive sinon punitive? Toujours est-il que le gouvernement Cameron voit ainsi ces familles : « Une famille ayant de multiples problèmes a été définie ainsi par le gouvernement : "aucun parent des parents ne travaille; la famille vit dans un logement en mauvaise condition ou surpeuplé; aucun parent n’a une quelconque formation, la mère a des problèmes de santé mentale; au moins un des deux parents a depuis longtemps une maladie incapacitante, une invalidité ou un handicap; la famille a un faible revenu (moins de 60% du revenu médian), ou bien elle n’a pas les moyens de se procurer un certain nombre de produits alimentaires de base et un minimum de vêtements. » (26)

Le premier ministre Cameron a émis l’opinion, en 2011, que ceux qui ont des problèmes de santé en raison de l’alcoolisme, du fait de leur obésité (« because they eat too much ») ou pour avoir pris de la drogue (« because they take the wrong sort of drugs »), ne devraient pas obtenir de prestations d’invalidité s’ils en font la demande, parce que leur état résulte d’un mauvais comportement de leur part (« because it’s all their fault »). (27)

De fait, on apprenait que les prestataires obèses ou en mauvaise santé pourraient, dans une ville de l’Angleterre, avoir l’obligation de se rendre au gymnase afin d’y faire de l’exercice, sur les recommandations de leur médecin. Il serait possible de vérifier, à l’aide d’une carte « intelligente » (« smart card »), s’ils y vont effectivement, et, dans le cas contraire, ils pourraient voir leur prestation amputée. Cette proposition a été faite par le conseil municipal de Westminster et par le Local Government Information Unit, un think thank spécialisé en administration locale.

Dans un article sur le même sujet publié sur le site MSN, Felicity Hannah s’en offusque et constate avec dépit l’adhésion de bien des internautes à cette approche : « Je pense que c'est obscène, mais, visiblement, beaucoup de visiteurs du site MSN sont en désaccord avec moi. Un sondage réalisé par le site montre qu'une (faible) majorité des gens appuient la réduction des prestations des personnes obèses qui ne suivent pas les recommandations de leur médecin. » (29)

Il semble bien qu’une campagne en bonne et due forme soit menée contre les prestataires obèses, comme en fait foi ce curieux article du Mirror dont je publie ici quelques extraits :

« (…) Matthew Sinclair, directeur général de l'Alliance des contribuables, a déclaré: «L'obésité coûte cher aux contribuables. Depuis trop longtemps, le système de protection sociale a tendance à accorder trop facilement aux gens des prestations et à les déclarer trop rapidement « gravement malades ». Il faut que ça cesse. »

Puis, le journaliste, exécutant une manœuvre assez tordue, « joue » un malade contre un autre, une maladie contre une autre :

« Les payeurs de taxes ont été abasourdis par le fait que Marilyn Blakeman, 58 ans, qui souffre d’une maladie pulmonaire chronique, ait vu ses prestations fortement réduites dans le cadre des coupures budgétaires du gouvernement. Cette grand-mère, de Barry Island, au sud du Pays de Galles, a été dépouillée de la somme de £ 340 par mois, et on l’enjoint de se trouver un emploi. Elle nous a précisé : «Je dois faire usage d’un respirateur 12 fois par jour et il me faut être constamment à proximité d’une salle de bain, mais on m’a dit qu’il fallait que je cherche un emploi. Je suis réellement malade, mais il y a des gens qui sont seulement en surpoids ou qui n’ont que des problèmes mineurs, qui, eux, obtiennent bien plus d’argent que moi. C’est insensé. » (30)

À la lumière de ce que nous venons de dire, on ne se surprendra pas de ce que l’on envisage également de couper les prestations d'aide sociale des alcooliques et des toxicomanes, s’ils refusent de suivre un traitement. Ils seraient, au Royaume-Uni, 77 000 à en recevoir. Un porte-parole du gouvernement a commenté : «On les brasse pour leur bien ! C’est ainsi que nous atteindrons notre objectif de mettre fin à la culture du « recevoir sans rien donner en retour » qui existe en matière d’assistance sociale. » (31)

Aux Etats-Unis, près d’une quarantaine d’États ont proposé en 2011 de faire passer des tests de dépistage de drogues aux assistés sociaux, aux chômeurs, à ceux qui suivent une formation professionnelle, qui reçoivent des timbres d’alimentation ou qui sont logés par le gouvernement. « Ces lois, qui, selon leurs promoteurs, doivent garantir que l’argent public ne sera pas utilisé à mauvais escient, et, qui, de l’avis de leurs opposants, renforcent les stéréotypes à l’endroit des pauvres, ont déjà été adoptées dans quelques États, dont l'Arizona, l'Indiana et le Missouri. » (32)

C’est aussi le cas de la Floride, où sont dorénavant prescrit des tests afin de détecter l’usage de drogues chez ceux qui font une demande afin d’obtenir de l’aide sociale. En réponse à certaines critiques émises contre cette pratique par des organismes de défense des droits de la personne, le gouverneur Rick Scott a affirmé, sur les ondes de CNN : « Il n’est pas justifié que l’argent des contribuables serve à payer la dépendance à la drogue de certaines personnes. (…) Au surplus, cette mesure fera en sorte que les gens seront plus responsables, qu’il seront à même de rendre des comptes. Nous n’avons pas à subventionner la toxicomanie de certaines personnes. » (33)

On se montre également sévère à l’endroit de certaines catégories de personnes, qu’on juge d’un point de vue moral. La famille monoparentale, la mère célibataire, n’est pas la mieux vue qui soit des milieux conservateurs. C’est notamment le cas au Royaume-Uni. Selon la nouvelle politique mise en œuvre par le gouvernement Cameron, les parents célibataires (à 92% des femmes) devront en effet se mettre en recherche active d’emploi, sous peine de voir leur prestation coupée. Plus de 100 000 femmes sont touchées par cette mesure qui a, selon certains, des relents de moralisme. (34) Des organismes de bienfaisance ont déploré le fait que ces changements soient mis en place trop rapidement. Selon eux, des milliers de parents célibataires pourraient n’être que les dommages collatéraux d’une réforme de l’assistance sociale menée tambour battant! On craint également que ces nouvelles exigences découragent bon nombre de parents célibataires de suivre des formations professionnelles qui, elles, pourraient réellement faire en sorte de les sortir de la pauvreté.


Une criminalisation croissante de la misère

Il s’agit d’une tendance observée dans tous les pays que nous avons examinés. Cela vise autant l’octroi de l’aide sociale en lui-même que la vie quotidienne de certains de ceux qui en bénéficient, comme les itinérants.

Ainsi que le soulignent avec justesse les professeurs Moscher et Hermer, à propos de la situation canadienne -- mais ce qu’il disent s’applique également aux autres pays dont nous parlons : « Nous tirons la conclusion que la dépendance à l’aide sociale elle-même a été criminalisée, par le truchement de la catégorie d’infraction qui est associée à la fraude contre l’aide sociale. La simple dépendance à l’aide sociale place quelqu’un en situation pénale, dans un climat de condamnation morale, de surveillance, de soupçon et de sanction. »

Et :

« Les prestataires d’aide sociale, dont la grande majorité sont des femmes et des enfants, sont généralement considérés comme des personnes moralement suspectes, des criminels prêts à recourir abusivement aux fonds de l’État et à tromper la confiance du public. Mais dans les faits, la conduite qui est si souvent qualifiée de « fraude » déborde largement le cadre du droit criminel officiel pour englober à peu près toutes les situations où il y a eu violation d’une règle. » (35)

Le professeur Kaaryn Gustafson, de l’University of Connecticut Law School, compare le fait de demander de l’aide sociale aujourd’hui, « qui peut impliquer que l’on prenne du candidat des clichés anthropométriques, ses empreintes digitales et qu’on lui fasse subir, le cas échéant, de longs interrogatoires afin d’établir avec certitude la paternité d’un enfant, à « être interpellé par la police » (36).

Autre aspect du phénomène, plus connu celui-là. La criminalisation des itinérants. De plus en plus de mesures sont destinées à les chasser des centre-ville et des beaux quartiers. C’est le cas à Montréal. C’est encore plus fréquent dans les villes américaines et au Royaume-Uni.

On me permettra de donner un exemple qui suscite la réprobation en Europe, celui du gouvernement ultralibéral de Hongrie et de sa politique dirigée contre les itinérants : « Lundi 14 novembre [2011], le Parlement de Budapest a adopté une loi qui punit les sans-abri récidivistes : ceux qui seront surpris deux fois en six mois en train de camper dans les espaces publics devront s'acquitter d'une amende de 150 000 forints (480 euros), ou passer soixante jours en prison. » (37)

Parmi ceux qui sont emprisonnés au Royaume-Uni, 28% étaient sans-abri ou vivaient dans des logements non sécuritaires tout juste avant leur incarcération (38).

À propos de la situation aux États-Unis, la journaliste Barbara Ehrenreich écrit : « Au mépris de toute raison et toute compassion, la criminalisation de la pauvreté s’est intensifiée à mesure que les difficultés économiques créaient toujours plus de misère. » (39)

La situation des pauvres et des sans-abri de ce pays, qui sont les victimes de l’incompréhension et de la dureté des autorités municipales d’un océan à l’autre, est sinistre. Partout on rend la vie encore plus misérable à des gens qui ont souvent tout perdu. On note, par exemple que, « Depuis 2006, il y a eu une augmentation de 7 % du nombre de lois interdisant le camping dans les lieux publics, de 11 % du nombre de celles prohibant la flânerie, de 6 % du nombre de celles interdisant la mendicité et de 5 % du nombre de celles interdisant la sollicitation agressive, selon un récent rapport de la National Coalition for the Homeless. » (40) Ceux qui y contreviennent sont punis par les forces de l’ordre. La situation est d’autant plus absurde que bien des villes n’ont pas assez de lits pour accueillir les itinérants, qui sont ainsi forcés de demeurer dans la rue.

Certaines villes américaines, selon Mme Ehrenreich, se distinguent par leur mesquinerie particulière à l’endroit des pauvres : « Au Colorado, le conseil municipal de Grand Junction envisage d’interdire la mendicité sur le territoire de la ville; Tempe, en Arizona, a mené, à la fin de juin, une offensive de quatre jours contre les indigents présents dans l’espace public. Et comment, me direz-vous, reconnaît-on que quelqu’un est un indigent ? Ainsi qu'un règlement de la ville de Las Vegas le précise, "une personne indigente est une personne dont on peut raisonnablement penser qu’elle aurait le droit de demander ou qu’elle reçoit déjà" de l’aide sociale. » (41) Sans commentaire.

On note que de plus en plus d’amendes sont données aux itinérants, pour des motifs parfois aussi futiles que la simple possession d’une cannette de bière. Mme Ehrenreich raconte l’histoire de ce vétéran de 62 ans, handicapé, qui a perdu son logement, dans la capitale américaine. Cette homme a eu un constat d’infraction de la part de la police pour « intrusion criminelle » (« criminal trespassing »). Sans abri, il s'était assoupi dans la rue.

Deux bénévoles membres d'un organisme de charité distribuent

des denrées alimentaires à un itinérant

Source : État de Californie

 

On va même, dans beaucoup de villes, jusqu’à interdire que des organismes de charité donnent de la nourriture aux pauvres sur la place publique (!) : « Il y a quelques années, un groupe appelé Food Not Bombs a commencé à distribuer gratuitement de la nourriture végétarienne aux personnes affamées dans les parcs publics à travers le pays. Un certain nombre de villes, à l’initiative de Las Vegas, ont adopté des règlements interdisant le partage de la nourriture avec les indigents dans les lieux publics, ce qui a entraîné l'arrestation de plusieurs végériens blancs d’âge moyen. (...) Plus récemment, la ville de Gainesville, en Floride, a commencé à appliquer un règlement limitant le nombre de repas que les soupes populaires peuvent servir en une seule journée aux quelque 130 personnes qu’elles aident; celle de Phoenix, en Arizona, a invoqué des lois concernant le zonage afin d’empêcher une église locale de servir le petit déjeuner à des sans-abri. » (42).

Une telle attitude n’est pas le seul fait des villes américaines. À Londres, près de la cathédrale de Westminster, on a fait grand cas de l’interdiction, par le conseil local, dirigé par le parti conservateur, de la distribution de soupes et de boissons chaudes aux sans-abri. Ledit conseil, qui estimait que la centaine de personnes réunies en permanence sur la place en empêchaient l’accès aux habitants du quartier et aux commerçants, souhaitait également décourager le « camping sauvage » sur les lieux (43) .

Un durcissement des opinions publiques

Si les gouvernements ont pu mettre en œuvre de pareilles politiques, c’est qu’ils sentent bien que les opinions publiques de leur pays les appuient. Et c’est , pour une bonne part, effectivement le cas.

Alors que la crise sévit encore dans plusieurs pays, on serait en droit de s’attendre, face à une misère bien réelle de parties importantes des populations, que la compassion du plus grand nombre atténuerait les tourments des plus démunis. Eh bien ! Comme je l’ai dit plus haut, c’est plutôt le contraire qu’on observe. Selon les enquêtes d’opinion, les populations des pays industrialisés ont une perception assez négative des assistés sociaux et sont plutôt enclines à limiter l’aide qu’ils reçoivent ou à l’assortir de conditions.

Selon un sondage Léger Marketing réalisé en janvier 2007 dernier pour le compte de l’Institut économique de Montréal, un think thank ultralibéral, quatre Québécois sur cinq (80%) sont favorables (contre 17%) à ce que l’aide sociale soit entièrement conditionnelle. Plus précisément, 54% sont tout à fait d’accord et 26%, plutôt d’accord, «avec l’idée de retirer l’aide sociale à un bénéficiaire qui refuserait de participer à un programme préparatoire à l’emploi comme des études, de la formation, ou du travail communautaire, comme c’est le cas en Ontario». Selon le même sondage, 44% des Québécois (contre 52%) seraient d'accord avec l’idée de limiter les prestations d’aide sociale à une durée de cinq ans, sur une vie entière, comme c’est le cas dans certains États américains (44).

Pour sa part, selon Pierre Côté, fondateur de l’Indice relatif de bonheur et participant à la série « Naufragés des villes », « seulement 34% de la population québécoise serait d’accord pour que les prestations d'aide sociale soient indexées annuellement en fonction du coût de la vie » (45)

En Angleterre, on observe depuis plusieurs années un durcissement de l’opinion publique sur cette question. À la question de savoir s’il était opportun que le gouvernement consacre davantage d’argent aux prestations sociales, même si cela signifie une hausse des impôts, 58% se disaient favorables à ce choix en 1991. En 2012, selon le British Social Attitudes Survey (BSA), il ne sont plus que 28%. Plus de la moitié des répondants estiment par ailleurs que les assistés se forceraient à trouver un travail si les prestations étaient moins généreuses; seulement 20% pensent le contraire; en 1993, les proportions étaient inversées. La jeune génération est moins favorable aux politiques sociales que celles de leurs aînés. Plus des deux tiers des personnes nées avant 1939 considèrent que l’État-providence est ‘l'une des plus grandes réalisations de la Grande-Bretagne’. Le pourcentage des répondants nés après 1979, qui pensent de même est cependant inférieur au tiers (46).

En avril, deux sondages ont montré, de la part du public, un large soutien de la population pour les réformes sociales du gouvernement Cameron. Le premier, un sondage YouGov, réalisé pour le quotidien The Sun, indique que 60% des électeurs sont d’avis que les prestations d'aide sociale sont trop généreuses; 79% d’entre eux pour cent disent soutenir le montant maximal (« cap ») de 500 livres par semaine pour les prestations, qui vient d’entrer en vigueur. Un autre sondage, réalisé pour le Sunday People, proche des travaillistes, précise que 66 % des personnes interrogées sont d’accord avec le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, lorsqu’il affirme qu’il n’est plus possible de mettre plus d’argent dans le système de protection sociale du pays. De plus, 72 % d’entre elles sont d’avis que, sous le dernier gouvernement travailliste, trop de gens étaient en mesure de réclamer des prestations auxquelles elles n’auraient pas dû avoir droit (47).

Aux États-Unis, selon un sondage NBC News / Wall Street Journal publié ce mois-ci, parmi une liste de huit facteurs susceptibles d’expliquer la persistance du problème de la pauvreté dans le pays, 24 % des répondants ont désigné l’aide sociale gouvernementale trop élevée qui nuirait à l’initiative des gens (48). En juillet 2012, un sondage téléphonique réalisé aux États-Unis par le Rasmussen Reports a révélé que 83% des personnes interrogées étaient favorables à ce qu’on exige un travail comme condition pour l’obtention de l'aide sociale. Seules 7% d’entre elles s'y opposaient, tandis que 10% demeuraient indécises (49). 

En France, en novembre de la même année, un sondage Ifop réalisé pour le Journal du Dimanche révéle que 80% des personnes interrogées sont d’avis qu’« il y a trop d'assistanat et [que] beaucoup de gens abusent des aides sociales », contre 79% en novembre 2011 (dans un autre sondage Ifop).

Je pourrais fournir ici d’autres données mais elles iraient dans le même sens. Comme on le voit, les opinions publiques, en ce moment, appuient pour une bonne part les réformes des gouvernements (ou des partis d’opposition, comme c’est le cas aux États-Unis) lorsqu’elles tendent à limiter le soutien aux personnes assistées sociales ou à l'assortir de conditions.

Il me faut tout de même faire certaines distinctions. De manière générale, les populations sont favorables à l'aide aux handicapés et aux personnes dites "inaptes au travail". On appuie aussi, la plupart du temps, les chômeurs qui, apparemment, font de réels efforts pour s'en sortir. Là où les gens manifestent le plus d'hostilité, c'est face aux assistés dits "aptes au travail", aux chômeurs de longue durée, qui sont perçus comme profitant injustement du système (51). Ce sont eux qu'on présente comme les "mauvais pauvres", ce sont eux qui encore la réprobation, tant de la classe politique que de la population. J'y reviendrai dans la deuxième partie de cet article.

En terminant, je tiens à dissiper toute équivoque. Lorsque je parle de durcissement de l’opinion publique, c’est bien à l’égard de l’attribution de l’assistance sociale et de l’aide au chômeurs. C’est aussi un durcissement, que je perçois, à l’égard de la représentation que l'on se fait de l’assisté social, du sans-emploi « chronique ». Mais je ne prétends nullement que la majorité de la population d’aucun de ces pays rejette radicalement l’État-providence et les mesures de protection et de sécurité sociale qu’il a mis en place (sauf peut-être dans les générations les plus jeunes, mais ça reste à voir). Seuls les politiciens de droite les plus radicaux, notamment les libertariens, mettent véritablement à leur programme un démantèlement de cet État-providence. La population en général me semble avoir des réflexes plus mesurés. Si elle exprime parfois des critiques sur l’ampleur des dépenses publiques en matière de protection sociale, ou sur la générosité supposée des prestations, elle ne remet toutefois pas en question le principe même de cette protection sociale. Par exemple, si beaucoup d’Américains voient défavorablement les dépenses élevées de leur État fédéral, et si bon nombre d’entre eux expriment des préjugés négatifs à l’endroit des sans-emploi et des assistés sociaux, ils n’en sont pas moins opposés, dans leur grande majorité, à des coupes exagérées en matière d’éducation, de sécurité sociale, de « Medicare » et de programmes anti-pauvreté (de 52 à 67 % d’opposition, selon un sondage Gallup de janvier 2011 (52)). Et  tout me donne à penser que les enquêtes d’opinion nous fourniraient sans doute des résultats similaires dans les autres pays. 

 

DEUXIÈME PARTIE DE CET ARTICLE -CLIQUEZ ICI


(*)

Je ne peux me souvenir d’aucune autre époque

Où tant d'enfants avaient le "blues"
(...)
Où il était si difficile de garder la foi
(...)
 La majorité des gens gagnent de moins en moins d'argent 
Alors qu’une minorité s’enrichit sans cesse
Les temps sont de plus en plus durs
Le loup apparaît à la porte
 Et je ne peux me souvenir d’aucune autre époque…

Notes 

(1) Bronislaw Geremek, « Tendances séculaires en Europe à l'égard des populations les plus pauvres : défis à relever ». Journées d’étude prospective des 24 et 25 janvier 2002. ATD Quart Monde. - http://www.atd-quartmonde.org/Bronislaw-Geremek-historien-ancien.html
(2) Robert Reich, A slowmotion sequester hits America's invisible poor with stealth cuts, guardian.co.uk, 25 avril 2013 - http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/apr/25/slowmotion-sequester-america-invisible-poor - Traduction libre du passage suivant : « All across America, food pantries and community centers catering to the poor are laying off staff, reducing services, or closing. But most Americans don't know anything about this because the poor live in different places than the middle class. A slowmotion sequester hits America's invisible poor with stealth cuts »

(3) Daniel K. Finn, « Dear Prudence. Translating Moral Principle into Public Policy », Commonweal, 10 octobre 2012 - http://www.commonwealmagazine.org/dear-prudence - Traduction libre du passage suivant : « The wealthy undertake job-creating investments only when they judge it will make them wealthier—not simply because Congress gives them a windfall tax break unrelated to job creation. Today firms and investors are holding back, sitting on the sidelines with trillions in cash. »
(4) John Kenneth Galbraith, « L’art d’ignorer les pauvres », Le Monde diplomatique, octobre 2005. Texte publié pour la première fois dans le numéro de novembre 1985 de Harper’s Magazine. - http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/galbraith/12812
(5) Finn, op. cit. Traduction libre de ce passage : « (…) how does the dependency argument justify the dramatic cuts Ryan proposes in assistance to those too old, too young, or too sick to work? Or cuts in retraining programs that help the able-bodied poor qualify for a job so that they can support themselves and their families? ».
(6) Réformer l'Etat, du thatchérisme à la Big Society... Débat & Co, 15 avril 2013. - http://www.debateco.fr/analyses/reformer-letat-du-thatcherisme-la-big-society
(7) Données tirées de l’articles suivants : James Whelan and Christopher Stone, Big Society - How the UK gov’t is dismantling the state and what it means for Australia, Centre for Police Development (Australia),. 28 mai 2012 - http://cpd.org.au/2012/05/big-society-how-the-uk-government-is-dismantling-the-state-and-what-it-means-for-australia/
(8) « Royaume-Uni - L’État serre la ceinture aux plus pauvres », Le Devoir, 14 mai 2013 - http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/378109/l-etat-serre-la-ceinture-aux-plus-pauvres
(9) Voir George Eaton, « How Cameron and Clegg could reach a deal on cutting pensioner benefits », New Statesman, 17 juin 2013 - http://www.newstatesman.com/politics/2013/06/how-cameron-and-clegg-could-reach-deal-cutting-pensioner-benefits
(10) « Tiens bon Cameron! », chronique, Canal Académie, 30 juin 2011 -
http://www.canalacademie.com/ida7247-Tiens-bon-Cameron-Une-chronique-de-Francois-d-Orcival.html
(11) « Royaume-Uni - L’État serre la ceinture aux plus pauvres », op. cit.
(12) Patrick Butler, « Poverty rose by 900,000 in coalition's first year », guardian.co.uk, 13 juin 2013 - http://www.guardian.co.uk/society/2013/jun/13/1million-more-people-poverty-coalition-first-year
(13) Vivienne Russell, « Disability benefit changes ‘will cut income of 600,000 people’ », Public Finance, 8 avril 2013 - http://www.publicfinance.co.uk/news/2013/04/disability-benefit-changes-will-cut-income-of-600000-people/
Traduction libre de ce passage : « some people face cuts of £131 a week. It estimated that 600,000 disabled people would lose a total of £2.62bn in support over the next five years. »
(14) The Mole, « As polls back welfare reform, Miliband sticks to tax bashing », The Week, 8
avril 2013 http://www.theweek.co.uk/politics/52369/ed-miliband-tax-cuts-polls-welfare-reform
Traduction libre de ce passage : « (…) 13,000 millionaires were getting tax cuts averaging £100,000 while those earning £5m a year were enjoying a tax cut of £250,000 when poorer families would be £891 worse off. »
(15) Glenn C. Loury , « The Return of the "Undeserving Poor" », The Atlantic Monthly, février 2001 - http://www.bu.edu/irsd/articles/undeserving.htm

Traduction libre du passage suivant : « The federal entitlement of indigent children to public support was terminated. Strict work requirements for recipients of assistance were put in place, and time limits were imposed on eligibility for assistance. Such a policy seemed to abandon the most vulnerable of our fellow citizens. »

(16) Cité par Matthew A. Shadle, « The Preferential Option for the Middle Class », Political Theology (blogue), 6 octobre 2012 - http://www.politicaltheology.com/blog/preferential-option-middle-class/
Traduction libre du passage suivant : «who believe that, that they are victims, who believe that government has the responsibility to care for them. Who believe that they are entitled to health care, to food, to housing » and who do not « take personal responsibility and care for their lives».
(17) Voir John Harris, « Being volunteered to work for nothing: a new recipe for the likes of them », guardian.co.uk, 23 août 2011 - http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/aug/23/volunteered-work-cameron-blair
(18) « Sarkozy candidat : "L'assistanat n'a pas sa place. Le travail, c'est une valeur centrale" », Midi libre, 15 février 2012 - http://www.midilibre.fr/2012/02/15/nicolas-sarkozy-annonce-sa-candidature-a-l-election-presidentielle,458367.php
(19) Antoine Robitaille, « Dumont veut mettre un terme à l'aide sociale comme «mode de vie» », Le Devoir, 21 novembre 2008 - http://www.ledevoir.com/politique/quebec/217584/dumont-veut-mettre-un-terme-a-l-aide-sociale-comme-mode-de-vie
(20) Nicholas Watt, « Jobseekers who reject help for alcohol and drug addiction face benefits cut », The Guardian, 22 mai 2012 - http://www.guardian.co.uk/society/2012/may/22/jobseekers-alcohol-drug-addiction-benefits-cut - Traduction libre du passage suivant : « A new claimant contract lies at the heart of the universal credit reforms. Claimants will have to sign a contract in which they agree to look for work in exchange for an undertaking from the government to support them while they do so. »
(21) Jean-Claude Barbier, « Pour un bilan du workfare », La vie des idées, 4 novembre 2008 - http://www.laviedesidees.fr/Pour-un-bilan-du-workfare.html# 
(22) Christopher Hope, « 120,000 troubled families could be legally banned from spending benefits on alcohol and tobacco », The Telegraph, 13 octobre 2012 - http://www.telegraph.co.uk/news/politics/9605858/120000-troubled-families-could-be-legally-banned-from-spending-benefits-on-alochol-and-tobacco.html - Traduction libre des passages suivants : « would only be able to pay for “priority” items such as food, housing, clothing, education and health care » ET « stop parents who are alcoholics or who are on drugs from using welfare payments to fuel their addictions »
(23) Michele Molnar, « Tennessee Parents Could Lose Some Welfare Benefits If Kids Fail », Education Week, 29 mars 2013 - http://blogs.edweek.org/edweek/parentsandthepublic/2013/03/tennessee_parents_could_lose_some_welfare_benefits_if_kids_fail.html
(24) Voir Timothy Noah, « Eric Cantor: Tax The Poor! », 25 avril 2012 - http://www.newrepublic.com/blog/timothy-noah/102966/eric-cantor-tax-the-poor. L'expression décrit ces Américains qui ne paient aucun impôt fédéral dans la mesure ou leur revenu se situe en bas du seuil minimal d'imposition (après les déductions et les crédits applicables). Voici un extrait fort éloquent du Wall Street Journal : "Qui sont ces petits veinards ? Ce sont les bénéficiaires de politiques fiscales qui ont élargi le contenu de l'exemption personnelle et de la déduction standard et qui ont ciblé certains groupes d'électeurs en introduisant tout un fatras de crédits d'impôt pour des choses comme la garde des enfants et l'éducation. Lorsque ces échappatoires sont mises en regard du revenu, cela a pour effet de réduire l'obligation fiscale à zéro ou de la limiter à une part infime du revenu du contribuable." Traduction libre du passage suivant : "Who are these lucky ducky? They are the beneficiaries of tax policies that have expanded the personal exemption and standard deduction and targeted certain voter groups by introducing a welter of tax credits for things like child care and education. When these escape hatches are figured against income, the result is either a zero liability or a liability that represents a tiny percentage of income."
Wikipedia a même consacré une entrée particulière à cette expression : http://en.wikipedia.org/wiki/Lucky_duckies
(25) « Benefits claimants in Cornwall to face lie detectors », Western Morning News, 23 janvier 2013 - http://www.thisiscornwall.co.uk/Benefits-claimants-Cornwall-face-lie-detectors/story-17937254-detail/story.html
(26) Haroon Siddique, « Antisocial behaviour: Eric Pickles insists troubled families are not victims », guardian.co.uk, 11 juin 2012 - http://www.guardian.co.uk/society/2012/jun/11/antisocial-behaviour-eric-pickles-victims
Traduction libre du passage suivant : (« A family with multiple problems has been defined by the cabinet office as "no parent in the family is in work; the family lives in poor quality or overcrowded housing; no parent has any qualifications; the mother has mental health problems; at least one parent has a long-standing limiting illness, disability or infirmity; the family has low income (below 60% of the median); or the family cannot afford a number of food and clothing items. »
(27) Phil Mellows, The politics of drinking, 25 avril 2011 - http://www.philmellows.com/PhilMellows_Diary_25_04_11.htm
(28) David Batty, « Obese and unhealthy people could face benefit cuts », The Guardian, 3 janvier 2013 - http://www.guardian.co.uk/society/2013/jan/03/obesity-benefits-cuts
(29) Felicity Hannah, Why cutting benefits for the obese is obscene, MSN Money, 4 janvier 2013 - http://money.uk.msn.com/socialvoices/why-cutting-benefits-for-the-obese-is-obscene
Traduction libre du passage suivant : « I think this is obscene, but clearly lots of MSN readers disagree with me. A poll carried out by this website shows that the (slight) majority of people support benefit cuts for obese claimants who don't follow their doctor's instructions. »
(30) « 7,000 Brits are too fat to work: Welfare bill soars as £28m obesity benefits claimed », Mirror.co.uk, 4 février 2013 - http://www.mirror.co.uk/news/uk-news/7000-brits-are-too-fat-to-work-welfare-1573574
Traduction libre des passages suivants : « (…) Matthew Sinclair, Chief Executive of the TaxPayers’ Alliance, said: “Obesity is costing the taxpayers dear. For too long the benefits system has been quick to write people off and put them on the sick. This has to stop.” » ET
« The payouts were blasted by chronic lung disease sufferer Marilyn Blakeman, 58, who has had her sickness benefits slashed in government cuts. The grandmother, from Barry Island, south Wales has been stripped of £340-a-month benefits and told to look for work. She said: “I go on a breathing machine 12 times a day and have to be near a toilet but have been told to find a job. “I’m genuinely ill but then you have people who are just overweight or minor problems and they get more cash. It’s madness.” »
(31) Karen Rockett, « Crackdown on benefit for alcoholics and drug addicts », Daily Express, 6 novembre 2012 - http://www.express.co.uk/news/uk/356430/Crackdown-on-benefit-for-alcoholics-and-drug-addicts
Traduction libre du passage suivant : « This is a tough love approach towards our aim of ending the something for nothing culture in benefits. »
(32) A. G. Sulzberger, « States Adding Drug Test as Hurdle for Welfare », The New York Times, 10 octobre 2011 - http://www.nytimes.com/2011/10/11/us/states-adding-drug-test-as-hurdle-for-welfare.html?pagewanted=all&_r=0
Traduction libre du passage suivant : « Such laws, which proponents say ensure that tax dollars are not being misused and critics say reinforce stereotypes about the poor, have passed in states including Arizona, Indiana and Missouri. »
(33) Elizabeth Stuart, « Criminalizing poverty: During economic crisis, new laws crack down on America's poor, homeless », Deseret News, 13 août 2011 - http://www.deseretnews.com/article/700170566/Criminalizing-poverty-During-economic-crisis-new-laws-crack-down-on-Americas-poor-homeless.html?pg=all
Traduction libre du passage suivant : « It's not right for taxpayer money to be paying for somebody's drug addiction. (…) On top of that, this is going to increase personal responsibility, personal accountability. We shouldn't be subsidizing people's addiction. »
(34) Rowena Mason, « Single mums must look for work or face losing benefits », The Telegraph, 21 mai 2012 - http://www.telegraph.co.uk/finance/jobs/9280304/Single-mums-must-look-for-work-or-face-losing-benefits.html
(35) Janet Mosher et Joe Hermer, La fraude contre l’aide sociale : La criminalisation de l’aide sociale, juillet 2005. Rédigé pour la Commission du droit du Canada - http://dalspace.library.dal.ca/bitstream/handle/10222/10299/Mosher_Hermer%20Research%20Welfare%20Fraud%20FR.pdf?sequence=4
(36) Elizabeth Stuart, op. cit. Traduction libre du passage suivant : « which may entail mug shots, fingerprinting and lengthy interrogations about child paternity, to "being booked by the police." ».
(37) Joëlle Stolz, « Le gouvernement hongrois s'en prend aux sans-abri », Le Monde, 17 novembre 2011 - http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/17/le-gouvernement-hongrois-s-en-prend-aux-sans-abri_1605325_3214.html
(38) Ally Fogg, « The homeless aren't 'negative impacts' – they are living victims of policy », guardian.co.uk, 30 mai 2013 - http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/may/30/homeless-negative-impacts-victims-policy
(39) Barbara Ehrenreich, « Is It Now a Crime to Be Poor? », The New York Times, 8 août 2009 - http://www.nytimes.com/2009/08/09/opinion/09ehrenreich.html?pagewanted=all
Traduction libre du passage suivant : « In defiance of all reason and compassion, the criminalisation of poverty has actually intensified as the weakened economy generates ever more poverty. »
(40) Elizabeth Stuart, op. cit. Traduction libre du passage suivant :  « Since 2006, there's been a 7 percent increase in laws prohibiting camping out in public places, an 11 percent increase in laws prohibiting loitering, a 6 percent increase in laws prohibiting begging and a 5 percent increase in laws prohibiting aggressive panhandling, according to a recent report by The National Coalition for the Homeless. »
(41) Barbara Ehrenreich, « How America criminalised poverty », guardian.co.uk, 10 août 2011 - http://www.guardian.co.uk/commentisfree/cifamerica/2011/aug/10/america-poverty-criminalised - Traduction libre du passage suivant : « In Colorado, Grand Junction's city council is considering a ban on begging; Tempe, Arizona, carried out a four-day crackdown on the indigent at the end of June. And how do you know when someone is indigent? As a Las Vegas statute puts it, "an indigent person is a person whom a reasonable ordinary person would believe to be entitled to apply for or receive" public assistance. »
(42) Ibid. Traduction libre du passage suivant : « A few years ago, a group called Food Not Bombs started handing out free vegan food to hungry people in public parks around the nation. A number of cities, led by Las Vegas, passed ordinances forbidding the sharing of food with the indigent in public places, leading to the arrests of several middle-aged white vegans. (…) More recently, Gainesville, Florida, began enforcing a rule limiting the number of meals that soup kitchens may serve to 130 people in one day, and Phoenix, Arizona, has been using zoning laws to stop a local church from serving breakfast to homeless people. »
(43) « Plans to ban soup runs near Westminster Cathedral », BBC News, 28 février 2011 - http://www.bbc.co.uk/news/uk-england-london-12594397
(44) Quatre Québécois sur cinq souhaitent une aide entièrement conditionnelle - Une réforme de l’aide sociale serait possible en s’inspirant des changements apportés ailleurs avec succès. Institut économique de Montréal. Communiqué de presse du 25 janvier 2007 - http://www.iedm.org/fr/node/3634
(45) Pierre Côté, « Libre opinion - «Je n’échapperai personne»... », Le Devoir, 5 mars 2013 - http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/372355/je-n-echapperai-personne
(46) James Bloodworth, « Why the economic liberalism of the young might not doom the left », New Statesman, 7 juin 2013 - http://www.newstatesman.com/politics/2013/06/why-economic-liberalism-young-might-not-doom-left
(47) The Mole, op. cit.
(48) Many Americans blame 'government welfare' for persistent poverty, poll finds, In Plain Sight, 6 juin 2013 - http://inplainsight.nbcnews.com/_news/2013/06/06/18802216-many-americans-blame-government-welfare-for-persistent-poverty-poll-finds?lite
(49) 83% Favor Work Requirement for Welfare Recipients. Rasmussen Reports, 18 juillet 2012 - http://www.rasmussenreports.com/public_content/business/jobs_employment/july_2012/83_favor_work_requirement_for_welfare_recipients
(50) « Sondage Ifop : "Trop d'assistanat" et "l'islam progresse trop" pour une majorité de Français », Sudouest.fr avec AFP, 11 novembre 2012 - http://www.sudouest.fr/2012/11/11/sondage-ifop-trop-d-assistanat-et-l-islam-progresse-trop-pour-une-majorite-de-francais-875448-5356.php

(51) Est-il besoin de dire qu'Il s'agit d'un parti pris viscéral, de préjugés qui ne reposent sur aucune analyse rationnelle de la question? Faut-il rappeler également que la très grande majorité des chômeurs et des assistés sociaux n'ont pas "choisi" leur état, et que les conditions dans lesquelles ils vivent, pour la plupart, sont plus proche de la survie que d'une existence décente ? Oui, il le faut. Car à notre époque, les évidences sont souvent mal entendues. 

(52) Jeff Spross, Contrary To Paul Ryan’s Assertion, Most Americans Support The Social Safety Net, Think Progress, 3 octobre 2012 - http://thinkprogress.org/economy/2012/10/03/946111/paul-ryan-welfare-state/




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