Le transhumanisme, sujet du jour, y compris à la revue Relations
« Le rejet, voir la haine du corps par les transhumanistes contraste avec l’attachement originel du christianisme à l’incarnation de Dieu et à la reconnaissance de la beauté et de la dignité du corps. » Jean-Claude Guillebaud, Relations, octobre 2017.
Signe des temps. En l’espace de quelques jours nous avons reçu trois publications sur le transhumanisme, le dernier numéro de la revue Relations, et deux livres venus de France, le Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme, par les artisans engagés du site PMO (Pièces et main d’œuvre) Le transhumanisme décrypté, par Jean Boboc, médecin et prêtre orthodoxe. Nous commenterons ces deux livres dans un proche avenir.
C’est la revue Relations qui retiendra notre attention dans le peu de temps dont nous disposons. Voici une publication qui arrive à point pour le Québec, pour la francophonie, mais encore plus pour nous de l’Agora. Ayant lancé , en 1996, une encyclopédie dont le but est de rappeler que les médias, le mot le dit doivent être des intermédiaires entre nous et le réel et non des ersatz du même réel (d’où notre devise Vers le réel par le virtuel); ayant publié Après l’homme, le cyborg? en 1999, ayant multiplié depuis les articles liés à la question du transhumanisme, ayant créé en 2012 le portail Homo Vivens, pour prendre plus efficacement la défense du vivant contre le mécanique, nous avons quelques raisons de penser que nous avons été des pionniers dans ce domaine. Jusqu’à tout récemment, nous avions hélas! aussi de bonnes raisons de croire que nous avions, nous et nos dizaines de milliers de lecteurs, agité un épouvantail qui n’épouvantait personne. Le sujet est enfin à l’ordre du jour à l’échelle mondiale, et au Québec en particulier, grâce aux auteurs qui se sont donné rendez-vous dans le dernier numéro de Relations autour de Jean-Claude Ravet, auquel nous devons deux articles de premier ordre. Nicolas Le Dévédec, Céline Lafontaine, Sylvie Martin, Louise Vandelac, Gilles Bibeau, Jean-Claude Guillebaud, Michel Benasayag sont à la hauteur de leurs travaux antérieurs sur le sujet. À lire, et sans tarder.
Nous reviendrons sur ces articles. Pour le moment, une remarque à propos du nouvel humanisme que Gilles Bibeau appelle de ses vœux dans l’article de conclusion. D’abord l’expression est si usée qu’il faut se livrer à de véritables prouesses intellectuelles pour justifier l’air nouveau qu’on veut lui donner. Gilles Bibeau relève admirablement ce défi en présentant des définitions claires de l’humanisme classique et de l’humanisme moderne. Une chose essentielle ne ressort toutefois pas suffisamment de l’ensemble du numéro : le transhumanisme est la suite logique de l’humanisme moderne. Cet humanisme, écrit Gilles Bibeau « place la réalité humaine à distance de la nature, la détachant de ses liens avec l’animalité et la délivrant de toute dépendance à l’égard d’un être transcendant. » Un univers, newtonien, entièrement gouverné par la force. En face, séparé de lui, comme de la biosphère, une humanité qui prétend faire régner en son sein une justice dont elle tire d’elle-même et le modèle et l’énergie spirituelle nécessaire pour l’appliquer. Le transhumanisme n’est-il pas la suite logique de cet humanisme?
Aucun espoir donc de ce côté. Du côté de l’humanisme classique, l’espoir est grand si l’on s’en tient à la définition qu’en donne Gilles Bibeau. « Ce que l’humanisme classique a accompli a été rendu possible grâce à une double règle : 1) l’être humain s’est reconnu comme n’étant pas l’unique mesure de toute chose;2) les humains ont placé d’autres êtres, éventuellement transcendants au fondement de leur représentation de la réalité. » Mais qui aujourd’hui adhère vraiment à cette conception? Pour la plupart des gens, l’humanisme classique n’est-il pas une première étape en direction de l’humanisme moderne ? « Devant l’homme souverain, Dieu pas à pas se retirant » (Mistral).
L’humanisme au sens large du terme est une vision du monde centrée sur l’homme. Le nouvel humanisme devra plutôt être centré sur la vie et sa complexité. Première condition de sa réalisation selon Gilles Bibeau : «la capacité pour l’homme de se représenter la vie du dedans même de la vie. » N’est-ce pas de biocentrisme et non d’humanisme qu’il faudrait alors parler, voir d’un nouveau cosmo centrisme ou d’un nouveau théocentrisme?