Le médecin une espèce menacée?

Jacques Dufresne

Le médecin est-il une espèce menacée?

Le médecin est-il une espèce menacée? La question a été posée le plus sérieusement du monde dans un article récent  de The Atlantic [1]intitulé The robot will see you now. L’actuelle crise d’identité du médecin a commencé il y a une vingtaine d’années. Incité par le paiement à l’acte à ne voir ses patients que quelques minutes, invité à s’effacer au moment des grandes décisions devant des appareils, des tests objectifs et systèmes experts traitant un plus grand nombre de variables que lui, il apparaissait de plus en plus comme un appendice de la machine dont il est en principe le maître.

Quand Watson entrera en scène dans quelques années, cette emmachination de la médecine s’accéléra. Watson c’est cet hyperordinateur d’IBM qui a gagné en 2011 au jeu questionnaire Jeopardy. En plus de pouvoir digérer les 30 000 nouveaux articles scientifiques paraissant chaque mois, il aura reçu, pour ce qui est du cancer, la meilleure formation de base, celle de ce Sloan Kettering Institute.

Quel malade voudra se priver d’un tel outil? Il faudra s’attendre à ce que les compagnies d’assurance et les États exigent qu'on l’utilise.  Ce malade aura d’ailleurs l’embarras du choix des smartphones [2]munis de capteurs leur permettant de faire les tests les plus variés : séroposivité, diabète, trisomonie pour la femme enceinte. Récemment dans un avion allant de Washington à Los Angeles, l’un des capteurs a établi un électroencéphalogramme inquiétant. Le smartphone du passager en cause a transmis l’information à son dossier électronique. L’avion a fait une escale d’urgence et l’histoire s’est bien terminée. Pour pouvoir suivre à la seconde près certains adolescents malades on a fabriqué pour eux une veste munie d’un grand nombre de capteurs. Il la porte sur la peau, sous leur camisole.

Dans la Silicone Valley, les enthousiastes de la techo ne voient plus la nécessité, voir même l’utilité du médecin. Ailleurs on lui réserve un rôle dont l’importance et le coût ira décroissant. Les médecins les mieux payés seront ceux qui alimenteront Watson. Ce sont les techniciens en informatique qui sont en demande aujourd’hui dans les hôpitaux.



[1] Mars 2013

[2] Nous refusons par principe d’associer le mot intelligent au mot téléphone.

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