La rupture du romantisme
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Sir Julius Benedict nous a laissé un saisissant portrait de Beethoven: «un petit homme solide au visage très rouge, avec des petits yeux perçants... (ayant) une expression qu'aucun peintre n'aurait su rendre. C'était un sentiment de sublimité et de mélancolie combinées... La merveilleuse impression qu'il fit sur moi la première fois s'accrut encore les fois suivantes... J'étais ému comme si le roi Lear ou l'un des vieux bardes du folklore gallois se tenait devant moi.»
Plus un être est riche, plus il est complexe. Sir Benedict avait pressenti l'être métaphysique du musicien. Vuillermoz en fait l'analyse psychologique. «Il était rempli de contradictions, écrit-il, tendre et grossier, sensible et brutal, idéaliste et matérialiste, apôtre de la fraternité humaine et misanthrope irréductible, libertaire agressif acceptant docilement les libéralités de ses aristocratiques mécènes, moraliste austère titubant dans les estaminets [...] âme de sensitive et... humeur d'ours des cavernes, Beethoven offre un mélange déconcertant de qualités et de défauts antinomiques.»
Un génie s'incline devant un génie
Écoutons un chant rare, la reconnaissance du génie musicien par le génie poète, Victor Hugo: «Ce sourd entendait l'infini. [...] Il a été un grand musicien, le plus grand des musiciens, grâce à cette transparence de la surdité. L'infirmité de Beethoven ressemble à une trahison; elle l'avait pris à l'endroit même où il semble qu'elle pouvait tuer son génie, et, chose admirable, elle avait vaincu l'organe sans atteindre la faculté. Beethoven est une magnifique preuve de l'âme. Si jamais l'inadhérence de l'âme et du corps a éclaté, c'est dans Beethoven. Corps paralysé, âme envolée. Ah! vous doutez de l'âme? Eh bien, écoutez Beethoven. Cette musique est le rayonnement d'un sourd. Est-ce le corps qui l'a faite? Cet être qui ne perçoit pas la parole engendre le chant. Son âme, hors de lui, se fait musique. [...] Les symphonies de Beethoven sont des voix ajoutées à l'homme. Cette étrange musique est une dilatation de l'âme dans l'inexprimable. L'oiseau bleu y chante; l'oiseau noir aussi. La gamme va de l'illusion au désespoir, de la naïveté à la fatalité, de l'innocence à l'épouvante. La figure de cette musique a toutes les ressemblances mystérieuses du possible. Elle est tout.»